Le referendum, (anticonstitutionnel, il faut le souligner) auquel notre guide éclairé tenait tant, pour tenter de se débarrasser d’un Sénat qui risquait de contrecarrer ses (noirs) desseins, appartient désormais au passé. Mais à quel prix ? D’énormes moyens ont été déployés, des meetings organisés un peu partout, des ministres envoyés au charbon, un pays à l’arrêt pendant deux semaines, une administration territoriale au garde-à-vous, pour arriver à un taux de participation qui s’annonçait, avant gavage de divers « bons » offices et le douteux concours de la CENI, rachitique. Dans les grandes villes, la désaffection des bureaux de vote fut manifeste. Une victoire tant entachée d’irrégularités, que les vainqueurs ne l’ont que peu ou prou fêté. Triomphe bien modeste, pour une fois. Le communiqué sanctionnant le conseil des ministres suivant n’a pas lâché un seul mot sur la consultation. Contrairement aux usages, on n’a félicité ni la population, ni les organisateurs, ni les forces armées et de sécurité qui ont « permis le bon déroulement du scrutin ». Le Président, dit-on, serait fort mécontent de son gouvernement, de son parti, de son staff de campagne et de « ses » hommes d’affaires qui n’ont pas mis la main à la poche. Bref, l’atmosphère, au Palais gris, tourne, ces temps-ci, au délétère. Et, pour corser le tout, l’homme des mois d’Août n’a pas trouvé mieux que de kidnapper et jeter, encore une fois en prison, le sénateur Ould Ghadda, alors que celui-ci est encore couvert par son immunité parlementaire, le Conseil constitutionnel n’ayant toujours pas proclamé les résultats du référendum. Et même s’il le faisait, cela ne changera pas grand chose. Bien avant le referendum azizien, le pouvoir considérait que le Sénat n’existait plus. Ni le premier ministre, ni quatre membres de son gouvernement n’ont daigné répondre à ses convocations. Mais pour nombre de citoyens, pour l’opposition, pour les démocrates, le sénat restera toujours la chambre haute du parlement qui s’est levé un jour pour dire Non à la violation de la Constitution.
Dans sa guerre sans merci contre le pouvoir, Ould Ghadda vient de démonter, grâce au témoignage d’un sous-officier présent au moment des faits, la version officielle de la « balle amie » de Tweyla, et a promis de dévoiler les dessous de l’affaire Senoussi. Il est devenu plus que gênant. Tout comme certains opposants à qui le pouvoir s’apprêterait à intenter un procès au pénal.
Le climat serait-il donc au politico-policier ? Ministre de la justice et président de la Cour suprême, sous la supervision directe d’Aziz, sont sommés de nettoyer les boubous de l’Etat. Ils ont en effet du pain sur la planche : Ghanagate (où l’inamovible Coumba Bâ est empêtrée) ; rançon de Senoussi ; argent de Khadafi ; monnayage de positions diplomatiques (un jour avec l’Iran et le Soudan, un autre avec le Qatar, une nuit avec la Saoudie, une attaque en règle contre l’Europe) ; Polyhondong exonéré de taxes et de rapatriement de devises, pendant 25 ans ; 7 milliards de dollars de la SNIM 2010-14 partis en fumée ; minerais bradés ; écoles, stades et ancien aéroport vendus à des privés triés sur le volet ; ATTM et ENER croulant sous la mauvaise gestion ; dette du pays propulsée à plus de cinq milliards de dollars ; centrales électriques ; avions de la MAI ; l’usine de montage des avions qui n’a jamais vu le jour malgré le déblocage de sommes faramineuses ; terres du fleuve, droits de douanes compromis ; fausses quittances du Trésor ; marchés de gré à gré et cession monnayée d'une partie du territoire : les armoires du pouvoir sont emplies de cadavres… Et il n’est pas du tout certain qu’en s’en prenant à ceux qui n’en supportent plus l’odeur, on élimine celle-ci. Bien au contraire. Le peuple mauritanien s’est certes habitué, en quarante années de développement militarisé, à toutes sortes de pestilences. Mais les estomacs les plus rustiques finissent, tôt ou tard, par se révulser. N’en jetez plus, général, la cour est pleine…
Ahmed Ould Cheikh