Ça y est : nous nous réveillons orphelins de notre histoire, de notre drapeau, de notre Constitution, de notre Sénat…
Il aura fallu une campagne menée tambour battant par le pouvoir pour effacer tout un pan de notre mémoire, une campagne et un référendum qui n’a pas brillé par son honnêteté avec l’utilisation des bonnes vieilles ficelles des pouvoirs chez nous : achat des consciences, mensonges, pressions, dilapidation de l’argent public, médias inféodés, morts qui votent, etc. etc.…
Pour que les choses soient claires : je n’ai dénié à personne de croire au OUI, de penser que des Conseils Régionaux peuvent remplacer le Sénat, de penser qu'en changeant notre drapeau, nous nous donnerons un sens...
Libre à chacun de penser qu'une réforme constitutionnelle serait la panacée pour une meilleure gouvernance...
Ce contre quoi je me suis élevée, c'est ce déni de démocratie qui a mis au service du OUI tout l'appareil de l'Etat, fonctionnaires, militaires, agents des entreprises publiques. Ce que j’ai refusé, c'est le mélange des genres, ces pressions qui ne disent pas leur nom et qui ont obligé banques, hôpitaux, opérateurs téléphoniques et autres à afficher un soutien au OUI. Ce que j’ai refusé, c'est ce lavage de cerveaux qui a fait passer les partisans du NON ou du BOYCOTT pour des traîtres et des passéistes.
Ce que j’ai refusé, c'est le pouvoir débilitant d'une pensée unique qui ne conçoit la politique que comme une machine à pouvoir, loin d'une vision à long terme qui construirait une Nation.
Ce que j’ai refusé, c'est le terrorisme intellectuel qui, pour un OUI, aligne les mensonges et les omissions pour justifier d'une rupture dans notre système politique.
Ce que j’ai refusé, c'est cet appel aux cimetières pour justifier d'un OUI, réécriture idéologique d'une Histoire dont nous avons, pour le moment, perdu le chemin.
Ce que j’ai refusé, ce sont les menaces d'un Président qui, pour obtenir une gouvernance quasi solitaire, a accusé les opposants au référendum de tous les crimes.
Ce que j’ai refusé, c'est l'ignominie et la guerre sale qui fait des "fuites" un faux "dialogue" avec ceux qui ne sont pas d'accord.
Ce que j’ai refusé, c'est le vide de la pensée qui laisse croire qu'un "dialogue" sans queue ni tête est parole divine.
Ce que j’ai refusé, c'est cette vision sclérosée de la politique qui, au lieu de jeter les bases d'un véritable Etat Nation et d'une réelle vision politique, ne nous maintient qu'au degré zéro de l'émancipation.
Ce que j’ai refusé, c'est bien ce totalitarisme, cette compromission d'une "élite", le marchandage de l'intelligence au profit d'un débilitant salmigondis de bassesses, de reniements, d'un détricotage de l'héritage des fondateurs de notre pays...
J’ai été pour le NON parce que je crois sincèrement que la fatalité n'est pas un but, que la honte n'est pas une carte d'identité ni une identité, parce que je pense que nous devons penser loin, très loin dans le futur afin que nous obtenions, un jour, un pays digne d'être dans le monde et non hors du monde... Que nous devons aux générations futures une honnêteté.
Je crois sincèrement en la démocratie et aux instruments institutionnels qui garantissent une gouvernance équilibrée et non pas un exercice solitaire du pouvoir.
Je crois profondément que confondre des hommes, les sénateurs, avec une institution, le Sénat, est un crime contre nous-mêmes. Qu'il nous fallait, non pas tuer un outil de gouvernance démocratique, mais changer les mentalités et les hommes et que ceci passe par le vote, un vote libre, responsable.
Je reste persuadée, intimement persuadée, que l'acceptation d'une situation n'est que le reflet de nos peurs.
Je pense qu'il ne faut jamais baisser les bras, tenir tête, refuser les diktats qui vont à l'encontre de notre pays.
Les hommes passent, la Nation reste...
Seul ceci doit nous préoccuper….
Aujourd’hui, nous sommes orphelins de notre histoire, de notre drapeau, de notre Constitution, de notre Sénat…
Nous avons laissé les anti démocratie occuper le terrain, nous n’avons pas cru en nous, nous avons laissé faire la rupture…
Nous avons vu tout et n’importe quoi pendant la campagne et avant la campagne électorale, nous avons vu de nombreuses fraudes se faire, nous avons vu comment une machine d’Etat avec, à sa solde, des parjures, des manipulateurs, des menteurs peut tuer un idéal démocratique qui, bien que plus qu’imparfait chez nous, était le seul combat digne d’être laissé à nos enfants…
Nous avons vu comment, en toute illégitimité, l’argent public a servi à une mauvaise cause dans un pays qui crève de misères. Nous avons vu comment un homme, un Président, peut promettre tout et n’importe quoi pour obtenir le OUI…
Nous avons vu comment une opposition n’a pas eu assez confiance en elle pour mobiliser pour un NON ; elle ne peut avoir que des regrets au vu de l’abstention….Tous ces abstentionnistes auraient sûrement voté pour le NON si l’opposition avait occupé le terrain.
Nous avons vu et laissé faire un coup d’état constitutionnel. Il ne nous reste plus que nos yeux pour pleurer… Et notre fierté mise en morceaux….
Adieu au drapeau, à ce drapeau qui nous a accompagné des décennies, qui nous représentait tous, sans communautarisme. Demain le nouveau drapeau, au vu de la réécriture idéologique de l’Histoire, sera un drapeau pour une seule communauté… Adieu au Sénat qui, dans ses derniers jours, par la voix de ses sénateurs, a enfin joué son rôle…
Adieu à nous, adieu à l’héritage de Mokhtar Ould DADDAH, adieu à nous.
Nous venons de mourir dans l’indignité et la honte. Loin d’observateurs étrangers ( notre Sultan n’a t-il pas dit que, par exemple, « l’Union Européenne n'est pas baromètre de vérité », oublieux qu’il est de ces temps où il courait derrière la reconnaissance de son coup d’Etat par cette même UE sans parler d’avoir, au moins, la reconnaissance du ventre pour tout l’argent que l’UE injecte en Mauritanie).
Nous venons de mourir dans ces chiffres terribles qui ne reflètent pas les bureaux de vote vides, seule réalité constatée par nos yeux, dans ces fraudes filmées, enregistrées… Nous venons de mourir dans cet avilissement de nos allégeances tribales, dans nos petits arrangements entre potes…
D’ailleurs les zélotes du OUI n’ont pas fait la fête, loin de là.
Étrange silence qui règne sur notre pays, comme si la honte étouffait les bruits.
Étrange silence…
C’est le silence des cimetières….
Salut
Mariem mint DERWICH