Au Pakistan (pas en Mauritanie, qu’à Dieu ne plaise !), la Cour suprême a décidé, vendredi dernier, de destituer le Premier ministre, Nawaz Sharif, pour corruption, après la publication, au printemps 2016, de documents du cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca, démontrant que ses enfants détenaient des sociétés et des biens immobiliers, par l’intermédiaire de holdings offshore. Une commission d’enquête, nommée par la Cour Suprême, avait constaté une « importante disparité », entre les revenus de la famille Sharif et son train de vie. La fortune de Nawaz a, en effet, connu une « hausse exorbitante », entre 1985 et 1993, soit lors de ses premières années au pouvoir. Sa fille Maryam est également propriétaire de luxueux appartements londoniens.
La ressemblance avec la Mauritanie est frappante. La fuite programmée des enregistrements Whatsapp attribués au sénateur Mohamed ould Ghadda et la contre-attaque fulgurante qui s’en est suivie, dans les media, ont étalé, au grand jour, le problème de la fortune de notre Nawaz Sharif national, qui a connu, elle aussi, une « hausse exorbitante », forte de luxueux appartements parisiens, si l’on en croit le leader de la fronde sénatoriale. Ould Ghadda a cité, entre autres, les marchés de gré à gré (qui ont généré d’énormes commissions), les immeubles, les sociétés, les terrains et deux appartements très bien situés à Paris. Et il faut s’attendre, dans les jours qui suivent, à ce que la liste de ses biens, ceux de sa famille et de ses prête-noms à l’étranger (comptes bancaires et biens immobiliers notamment) s’allonge dangereusement.
Il n’en faut pas plus pour que les internautes s’emparent de la question. Un de ces appartements, celui de la rue Lauriston (dans le 16ème arrondissement, le plus chic de Paris, non loin du siège de la Gestapo française), propriété de l’une de ses filles, est aussitôt déniché. Sa photo fait le buzz sur les réseaux sociaux.
Malheureusement, nous n’avons, en Mauritanie, ni justice indépendante, ni Cour suprême autonome mais une démocratie de façade, des institutions de pacotille et une fâcheuse tendance à s’engraisser sur le dos de la bête. Sinon, comment le Président pourrait-il s’abstenir de déclarer, comme la loi l’y oblige, son patrimoine ? Pourquoi les déclarations d’une extrême gravité d’Ould Ghadda n’ont suscité aucune réaction officielle ? Si, comme on veut nous le faire croire, le judiciaire n’est pas aux ordres de l’exécutif, pourquoi un juge ne s’autosaisit-il pas et ordonne une enquête, pour séparer le bon grain de l’ivraie ? Il n’est en rien logique, dans un pays « normal », qu’un président accusé de telles turpitudes reste de marbre. Comment, dans ces conditions, peut-on demander, à l’opposition, de respecter la loi, si le premier responsable, celui qui doit veiller à son application, la transgresse ouvertement ? Au rythme où vont les choses, quand la parentèle du chef se permet de tirer, à balles réelles, sur des citoyens ou de gifler des hommes de loi impunément, plus personne ne respectera rien dans ce pays.
Donald Trump a vu juste, pour une fois, en déclarant, récemment, qu’il n’y a pas de raccourci vers la maturité et que les dirigeants africains changent les constitutions, en leur faveur, pour demeurer président à vie. Des propos qui sonnent, pour nous, comme une prémonition. Avec les amendements constitutionnels en cours d’accouchement, il est fort à craindre qu’Ould Abdel Aziz se donne les coudées franches, pour s’attaquer au verrou qui hante ses nuits, celui de la limitation des mandats. Franches, c’est tout de même beaucoup dire. Car, franchement, c’est sans aucune vergogne qu’il tend, désormais, à dévoiler sa roublardise…
Ahmed ould cheikh