Je me suis souvenu de cette citation de l’écrivain français Anatole France (1844-1924) en voyant le Président des pauvres dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux donnant à un groupe de mendiants un billet de 5.000 ouguiya (un billet qu’il a créé pour réduire les ‘volumes’). Dans le cas d’espèce, ici l’aumône avilit celui qui la fait, puisque  le Président entérine et accepte, de facto, le fait que la mendicité existe encore, malgré sa promesse, faite il y a 8 ans déjà, d’éradiquer la pauvreté, promesse que la radio nous rappelle désormais avant chaque journal. Le pays dispose pourtant de ressources considérables, notamment financières si l’on en croit son ministre des finances, qui auraient dû permettre au Président non pas d’éradiquer la pauvreté, mais au moins d’en faire disparaître les manifestations les plus honteuses.

Peut-être que ses virées nocturnes lui auront-elles permis de constater l’étendue des dégâts de sa gestion et l’échec patent de ses politiques dans ce domaine, si l’on en juge par le nombre croissant de mendiants qui s’agglutinent désormais par dizaines aux carrefours et devant les supermarchés, dont le petit groupe qu’il a généreusement gratifié du billet présidentiel n’est qu’un petit échantillon. D’ailleurs, sous son règne, une nouvelle catégorie de mendiants, plus importante en nombre que les mendiants ‘traditionnels’ est apparue : il s’agit des mendiants ‘honteux’, dignes hommes et femmes, autonomes et actifs il y a peu, qui font désormais la manche, toute fierté avalée, non pas pour maintenir le niveau de vie acceptable auquel ils étaient habitués, mais juste pour subvenir à leurs besoins les plus élémentaires.

En tout cas, j’espère que le Président ne puisse penser que son geste généreux permettra  d’éradiquer ou même  d’atténuer la pauvreté, ne serait-ce que pour le groupe des chanceux bénéficiaires. Non, Monsieur le Président ce n’est pas comme ça qu’on lutte contre la Pauvreté. Lutter contre la pauvreté, c’est offrir aux hommes et aux femmes de ce pays l’égalité des chances et ne pas restreindre les nombreuses opportunités disponibles exclusivement à un petit cercle de privilégiés,  c’est assurer une redistribution équitable des ressources du pays, c’est réellement lutter contre la corruption et la gabegie, c’est une politique fiscale qui contribue à diminuer les prix des produits de première nécessité et des hydrocarbures et encourage l’activité économique, c’est investir dans des projets rentables et prioritaires, c’est instaurer une justice réellement indépendante qui rassure les investisseurs nationaux et internationaux…

Mais peut-être que par ces ‘déambulations’ en voiture, le Président réalise ainsi un rêve qu’il aurait caressé depuis le temps où il était un officier quelconque, le rêve de conduire un jour une luxueuse grosse cylindrée 4X4, climatisée, aux chromes étincelants, une grosse liasse en poche, de s’arrêter de temps à autre près d’indigents et de descendre électriquement la vitre pour leur ‘glisser’ un billet.

 

Mohamed Lemine ould Deidah