Le nouveau gouvernement de Yahya Ould Hademine compte trois ministres du Brakna, dont deux de souveraineté. Diallo Mamadou Bathia, au ministère de la Défense, et Thiam Diombar, à celui des Finances. Deux cadres typiques de la vieille école, particulièrement bien formés, ayant gravi, pas à pas, les échelons de l’administration. Le Brakna occupe, de surcroît, quelques autres hautes fonctions, comme la direction générale de la Société Nationale Industrielle et Minière (SNIM), la direction générale des impôts ou le commissariat aux droits de l’Homme, ainsi que quatre postes d’ambassadeurs (France, Brésil, Japon et Yémen). Militairement, le Brakna ne manque pas de généraux. Trois encore en fonction, dont deux chefs d’état-major et un directeur du plus important bureau de renseignements du pays. Donc et contrairement aux idées hâtives, le Brakna ne semble pas être complètement oublié par Mohamed Ould Abdel Aziz. Sur ce plan, il n’y aurait guère que la moughataa de M’bagne, qui ne compte qu’un ambassadeur et un wali, à pouvoir pester contre son délaissement. Les défenseurs de ces approches, l’affectation des hautes fonctions étatiques au prorata du poids des régions, soutiennent que le Brakna dispose d’au moins trois bonnes raisons, pour toujours postuler à représentation notable, dans toutes les hautes fonctions nationales. D’un, il compte parmi les wilayas qui regorgent de cadres de toutes qualifications. En cela et pour des raisons historiques, seul le Trarza peut prétendre le concurrencer. De deux et malgré qu’il soit la région de l’ancien président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, le Brakna a organisé les premières manifestations de soutien au coup d’Etat du 6 août 2008. Ce qui constitue, aujourd’hui, une « écharpe d’honneur », valant, à ceux qui l’arborent, respect et reconnaissance des autorités du pays. La région est une des plus grandes forteresses de l’Union Pour la République (UPR) auquel appartiennent 19 des 21 maires de la wilaya et la totalité de ses parlementaires. De trois, le Brakna a réalisé les scores les plus remarquables, au profit du candidat Mohamed Ould Abdel Aziz, lors de la dernière présidentielle. Le département central d’Aleg a même enregistré le top du top, sur l’ensemble du territoire national. Mais à quoi sert tout cela, puisque le Brakna reste toujours l’une des régions les plus pauvres du pays ? Un véritable paradoxe. Les projets engloutissant des milliards, comme le Pahabo (Projet d’Aménagement Hydro Agricole du Brakna Ouest-PAHABO) qui s’est achevé en juin dernier, n’ont, finalement, pas débouché sur grand-chose. Dans l’arrondissement de Male, les populations de Bouratt souffrent toujours du manque des plus élémentaires services de base. L’eau. Les points de santé. Les classes en banco qui s’affaissent, à chaque hivernage. Triangle de la pauvreté ou triangle de l’espoir ? Tout n’est que théorie. Si le Projet d’Eradication des Séquelles de l’Esclavage (PESE) prétend y avoir investi un milliard d’ouguiyas, l’impact, sur le terrain, est totalement invisible, à part quelques traces de réalisations défectueuses, juste utiles à « tirer les branches » (faire diversion) sur l’arnaque, organisée, des institutions chargées de prendre en charge le sort des populations miséreuses. La wilaya ne compte quasiment aucun projet structurant. Les centres de formation professionnelle installés depuis 2007 ne parviennent, toujours pas, à assurer l’autosuffisance en main d’œuvre qualifiée. Les métiers informels : garages, ateliers de soudure, studios photo, électricité de réseau et de bâtiment ; restent, pour l’essentiel et dans toutes les moughataas du Brakna, l’apanage des étrangers maliens et sénégalais dont certains sont installés depuis plusieurs décennies. L’agriculture reste rudimentaire. Les centaines d’hectares de riziculture, à Boghé et alentours, couvrent à peine les besoins céréaliers de leurs producteurs. Tout comme la viande et le lait des milliers de têtes de bétail, à satisfaire les demandes des habitants locaux et des estivants venus, de tout le pays, passer quelques jours d’hivernage au Brakna. Aucun des cinq départements ne compte une quelconque unité industrielle capable de résorber le chômage des milliers de jeunes qui traînent leurs brides. Pourtant, les terres, fertiles, l’eau, en abondance, et les hommes, courageux, ne manquent pas. Le manque de volonté, l’absence de l’Etat et la résignation maintiennent le Brakna dans une pauvreté insoutenable. En attendant, les gens de là-bas peuvent continuer à décompter le nombre de hautes fonctions occupées par leurs ressortissants. Une vieille et anodine préoccupation qui n’a pourtant rien à voir avec la situation, catastrophique, de leurs conditions de vie. Combien de ministres par wilaya ? Par communauté ? Le Charg ? Le Guebla ? Des futilités sans intérêt, étant entendu que ce qui compte, en principe, c’est la construction nationale, à travers les prestations des compétences nationales et les vertus de la coopération internationale. Un adage populaire de chez nous ne nous enseigne-t-il pas que « si la pluie tombe, peu importe d’où elle est tombée » ?
Sneïba El Kory