Nous continuons de lire le mémoire présenté par la Mauritanie devant la Cour internationale de Justice (C.I.J.) – voir Le Calame des 23 Décembre 2015, 17 Février, 2 Mars et 5 Septembre 2016, puis 3 Avril 2017.
Les développements forment très pédagogiquement le fond d’un cours de géographie élémentaire. Mohamed Ould Maouloud Ould Daddah – si regretté – a corrigé de sa main le texte, notamment pour dater le début de l’arabisation progressive des berbères : à partir du XIIIème et XIVème siècles, au lieu de la rédaction primitive n’indiquant que le XVème siècle (page 99 de la dactylographie originale du mémoire). Ce tableau de la Mauritanie est fondamental autant pour la mémoire nationale que pour la réflexion sur l’actualité politique et les relations humaines entre les régions. Il peut être complété par une nomenclature des collectivités traditionnelles : l’administration française la tenait à jour sous l’appellation de « tableaux de commandements ». A la suite de la présente publication donnant le fond de la question saharienne et de la malheureuse guerre que celle-ci a développée, je copierai autant qu’il est possible pour une présentation lisible, ces nomenclatures, ainsi que les calendriers traditionnels tel qu’un relevé m’en fut donné en 1965. Il faudrait, pour être complet, donner enfin les cartes évoquées ici en note 2. Mohamed Ould Maouloud Ould Daddah n’en avait que le fond, mais pas l’annotation. Croyant chacun à l’éternité, nous n’avons pas ce travail à accomplir d’ailleurs à la main. De même que l’enregistrement des conclusions de son travail de quelques cinquante ans – que j’ai le devoir de transcrire puis de publier, moyennant des relectures autorisées pour que soient au point les noms propres de personnes et de lieux – aurait gagné à être relu par lui, personnellement. Que Dieu ait son âme (splendide et intelligente, spirituelle) et qu’Il me pardonne.
Ainsi, la question du Sahara portée devant la juridiction internationale a-t-elle donné lieu à une littérature précise et documentée sur la Mauritanie quand Français et Espagnols s’en partagèrent l’ensemble millénaire : document rédigé en collaboration de plusieurs mauritaniens et d’un juriste internationaliste français. En lui-même, il représente la meilleure initiation au pays, avant l’urbanisation et avant les deux tentatives politiques qui ont fait la Mauritanie contemporaine : celle d’un Etat animé par un parti consensuel, celle de régimes autoritaires figés par des juntes successives. Dans quelle mesure, la discontinuité politique contemporaine affecte-t-elle le fond sociologique traditionnel et accélère ou ralentit l’effet de l’économie moderne, même si celle-ci ne bénéficie pas à l’ensemble de la population mauritanienne.
Bertrand Fessard de Foucault Ould Kaige
Suite de la DEUXIEME PARTIE
SECTION 1.
ASPECTS GEOGRAPHIQUES, ECONOMIQUES ET HUMAINS DU BILAD CHINGUITI ou ENSEMBLE CHINGUITTIEN AU MOMENT DE LA COLONISATION
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Le « Bilad Chinguit » ou ensemble chinguitien est compris entre le méridien de Tombouctou et l’Atlantique, le fleuve Sénégal depuis son embouchure jusqu’à son confluent avec le Karakoro. A partir de ce point, les limites suivent une ligne brisée correspondant à peu près au tracé des frontières entre le Mali et la Mauritanie. Vers le Nord, la zone frontière court le long de l’oued Sagyuia al Hamra ert poursuit jusqu’à la région où cessent les possibilités de transhumance, soit la limite extrême de la Majabat El-Koubra. En effet, au Nord de l’oued Saguia al Hamra comme une région de transition au point de vue géographique et humain où l’influence marocaine se fait sentir.
La vaste région du Bilad Chinguiti se divise en fait en deux régions géographiques bien différentes, selon que l’on se trouve au Nord ou au Sud de l’isohyète 100 mm. Au Sud, c’est la zone dite du Sahel [i], c’est-à-dire dans la langue des géographes, la zone de savane. Au Nord, c’est l’ensemble saharien occidental.
Le Sud ne nous retiendra pas ici. En dépit de l’importance des peuplements humains qui s’y trouvent, cette zone ne représente qu’un dixième environ de la surface de l’ensemble mauritanien. C’est aussi la zone Nord qui présente le plus de caractéristiques propres et qui a donné au pays Chinguiti sa personnalité. C’est enfin dans cette zone que se trouvent les territoires actuellement administrés par l’Espagne. C’est donc à ce régime Nord que seront consacrées les pages qui suivent, en donnant à la matière les développements qui paraissent s’imposer pour comprendre la réalité saharienne.
Les géographes ont toujours constaté que la région du Sahara comprise entre le parallèle 18° Nord et l’oued Saguia-el-Hamra d’une part, le méridien de Tombouctou et l’Atlantique d’autre part, région que nous appellerons l’ensemble saharien occidental, constituait une unité à la fois géographique, économique et humaine. C’est dans cette région que depuis l’antiquité, des pasteurs de langue berbère, devenus progressivement arabophones (dialecte hassaniya, d’où l’expression hassanophones qui leur est appliquée) à partir des XIIIème-XIVème siècles, exploitent les ressources naturelles limitées qu’elle offre (pâturages, gibier, poissons, ressources minérales, agriculture intermittente) et exploitent le monopole du commerce caravanier.
Dans les développements qui suivent seront examinés : les régions naturelles de cet ensemble, ses ressources et leur mode d’exploitation ainsi que les types d’établissements humaines qu’elles conditionnent [ii].
I . LES REGIONS NATURELLES DE L’ENSEMBLE SAHARIEN OCCIDENTAL.
Cet ensemble comprend essentiellement :
- des plaines sédimentaires sublittorales,
- des pénéplaines cristallines,
- des plateaux.
Sur ces trois éléments se placent des ensablements, tous situés au Sud d’une diagonale allant de l’île de Tidra du Sud-Ouest à Aïn Bentili au Nord-Est. Il faut souligner ici l’importance des ressources végétales permanentes de ces ensablements profonds (ergs) [iii] qui constituent les réserves fourragères des mauvaises années, surtout si des possibilités d’abreuvement y existent. Aussi tous les itinéraires de nomadisation sont-ils polarisés par les ensablements ou ergs. Le Sahara dit espagnol contient peu de terrains sableux, sauf dans l’angle Sud-Est où la frontière atteint les cordons de l’Azefal et de l’Akchar.
Les plaines sédimentaires sublittorales sont à peu près parallèles à la côté sur une largeur de 80 à 150 kms. Au Sud, elles prennent différents noms. Au Nord du 20° parallèle et jusqu’à Ayoun-el-Medelchi (El Aeïun pour les Espagnols), la plaine sédimentaire prend le nom du « Sahel » (c’est-à-dire « côte ») que l’on subdivise en :
- Sahel-Labiad (ou Sahel parsemé de dunes en croissant),
- Sahel stricto sensu,
- Imiricli.
Au Nord du 24ème parallèle et à l’Ouest du Khatt-Semesrou, l’Imricli (l’écriture du mot varie ainsi dans la dactylographie originale. BFF) est constitué par une meseta calcaire, basse, dénudée et parsemée de dépressions à végétation contractée.
L’ensemble de ces dépressions porte le nom de Legrar et on y cultive l’orge durant les années exceptionnellement pluvieuses. En année normale, le « Sahel » (côte) est une maigre région de parcours peu fréquentée, sauf le long du littoral où se pratique la pêche.
Les pénéplaines cristallines sont divisées en plusieurs unités par les cordons dunaires. Du Sud-Ouest vers le Nord-Est, on rencontre successivement les pénéplaines suivantes : Inchiri, Amessaga, Tijirît, Taziazet, Tîris, Zemmoûr-Labiad et Ghalamâne. Elles peuvent être parsemées de guelb [iv] comme le Tîris ou désespérément plates comme Ghalamâne. La plus célèbre, abondamment chantée par tous les poètes maures en arabe classique et en dialectique hassania, est le Tîris. Les reliefs appelés « Goûr » (pluriel de « Gara ») [v] et « Krab » du Sud-Ouest du Zemmour-Labiad est l’alignement de guleb appelé Rîch-Anâjim. La frontière actuelle du Sahara occidental (espagnol) coupe le Tîris en plusieurs morceaux.
Le Tîris comprend deux ensembles de reliefs importants : l’Adrar Soutouf au Sud-Ouest, la Kedia d’Idjil au Nord-Est.
Ces reliefs sont drainés par des oueds ayant des nappes phréatiques semi-permanentes. Près de la Kédia d’Idjil (ou Adrar-Nwejjel des historiens arabes du moyen âge) se trouve la célèbre saline de Sebkha d’Idjil dont le sel a alimenté une bonne partie du commerce entre le Sahara et l’Afrique noire voisine.
Lorsqu’elles sont arrosées, les pénéplaines donnent d’excellents pâturages de plantes salées surtout en vert durant la saison fraîche (de novembre à mars). L’eau des puits y est très souvent saumâtre. En saison chaude (d’avril à octobre), les nomades abandonnent les pénéplaines pour les zones où les points d’eau douce existent en permanence.
Les plateaux forment deux ensembles séparés par les pénéplaines cristallines : au Nord, les plateaux du Zemmour-Lakhdar (le Zemmour noir des géologues) de la Hamada de Tindouf et d’El-Ga’da.
Le Zemmour-Lakhdar est un plateau peu étendu et fortement découpé par l’érosion. Il est drainé à l’Ouest et au Nord par les oueds [vi] affluents de la Saguia-El-Hamra. Ce plateau reçoit assez fréquemment des pluies orographiques d’origine méditerranéenne. Le point d’eau le plus célèbre est le réservoir naturel d’eau superficielle appelé la Guelta du Zemmour. Les nappes phréatiques exploitées pour la culture du palmier dattier sont très rares. La seule plantation qui mérite d’être signalée est celle de Cheikh Ma El Aïnine à Smara. Le plateau du Zemmour constitue une zone de refuge pour les nomades à moutons et chèvres. Ce plateau est actuellement coupé par la frontière Mauritanie – territoires sous administration espagnole.
Le Hamada de Tindouf, au Nord du Zemmour, est une ligne de falaises séparant les deux plateaux et formant la ligne de partage des eaux entre la Saguia et les oueds drainant la Hamada vers l’Est. Ces falaises qui ressemblent beaucoup à celles de l’Adrar-Thar sont appelées ici Krab, terme réservé ailleurs pour des côtes de bien moindre relief. A l’Ouest du relief de Seken, la Hamada porte le nom d’El-Ga’da.
Le plateau de l’Adrar-Tmar (ou Adrar des dattes) est séparé des plateaux précédents par les pénéplaines cristallines mentionnées ci-dessus. Ce plateau est situé entièrement en Mauritanie. De par sa situation plus méridionale et son relief plus élevé (qui dépasse parfois les 800 m), l’Adrar reçoit régulièrement des pluies estivales de la mousson tropicale. Ses oueds ont des nappes phréatiques qui ont permis, de tout temps, l’exploitation dans des oasis de culture de céréales et de palmiers dattiers. L’élevage du chameau et l’exploitation de la saline d’Idjil sont des activités traditionnelles de l’Adrar. A l’inverse de toutes les régions précitées, il possède dans les oasis des cités sahariennes célèbres (Ksour) qui ont été les métropoles économiques, culturelles et religieuses de tout l’Ouest saharien : Chinguîti, Wadâne, Arâr, Tinîgui, etc. L’Adrar-Tmar est le carrefour obligatoire où s’entrecroisent les routes caravanières qui vont de l’Afrique noire de l’Ouest au Maghreb. C’est le centre d’approvisionnement de tout le Sahara occidental grâce à ses productions agricoles et aux échanges dont il est le lieu privilégié.
II . LES RESSOURCES DE L’ENSEMBLE SAHARIEN OCCIDENTAL ET LEUR MODE D’EXPLOITATION
Traditionnellement les ressources du Sahara occidental se limitaient à l’élevage nomade, la chasse, la pêche, les cultures occasionnelles et la mise en valeur de palmeraies, l’exploitation de certaines ressources minérales et, enfin, le commerce caravanier transsaharien.
L’élevage des bovins, des caprins et surtout des chameaux, était la ressource essentielle des nomades. Cet élevage n’était possible que grâce à l’exploitation de toutes les ressources végétales des différentes régions naturelles parcourues.
Ressource essentielle pour l’autoconsommation, le bétail entrait faiblement dans les échanges extérieurs au Sahara. Le marché marocain de viande et celui des pays d’Afrique noire au Sud étaient donc beaucoup moins approvisionnés qu’aujourd’hui en bétail de boucherie en provenance du Sahara occidental et de la zone sahélienne. Les chameaux étaient donc beaucoup plus utilisés pour le transport caravanier que pour la boucherie.
Incidemment, on ne peut parler du Sahara sans rappeler l’importance qu’y joue le chameau. Grâce à sa sobriété qui permet une grande autonomie de déplacement, à son endurance et à sa physiologie particulière adaptée à la vie désertique, le chameau (dromadaire) qui a été introduit au Ier siècle de l’ère chrétienne, a rendu possible l’exploitation par l’homme des grandes étendues désertiques du Sahara.
Historiquement le chameau est à la base de la constitution de la tribu nomade saharienne dont il symbolise puissance et fortune. Il fournit, en effet, les éléments essentiels de l’alimentation (laitage, viande), la peau et les poils du chameau permettent de confectionner une partie du matériel de la vie nomade (tente, cordes, chaussures, etc.)), son emploi pour le transport rend possibles les échanges à l’intérieur du Sahara et avec les régions périphériques, échanges qui procurent les éléments indispensables à la vie nomade (grains et autres produits fabriqués par les économies sédentaires). Le chameau assure également au groupe possesseur une grande mobilité pour se défendre, attaquer et se soustraire au danger.
La chasse était un appoint réduit à la consommation, en raison de la rareté des armes et des munitions. Elle ne prendra son plein essor qu’avec la colonisation. Le gros gibier était soumis à des migrations de même type que la nomadisation, c’est-à-dire qu’il dépendait beaucoup des ressources végétales des zones sahéliennes.
La pêche se faisait uniquement le long de la côte dans les sites appelés « maciyed » (pêcheries ». Des populations de statut servile spécialisées, appelées Imraguen, nomadisaient le long de la côte. Elles n’étaient fixées qu’à Nouamghar et dans les îles comme Tîdra et Agadir-Doum (Arguin pour les Européens), et en quelques autres points situés plus au Nord. Elles pêchaient surtout pour se nourrir. Elles faisaient du poisson séché en saison fraîche. Leurs rapports avec les pêcheurs européens étaient réduits. Chaque groupe Imraguen était considéré comme sujet d’une tribu guerrière ou maraboutique qui nomadisait habituellement dans son voisinage. Ceux du Sud étaient sous l’obédience des Trarza, des Tendagha et Ahel Barikalla. Ceux de la baie du Lévrier jusqu’à El Argoub dépendaient des Oulad Delim et, plus au Nord encore, des Aroussyine et Oulad Tidrarin.
Les cultures occasionnelles se limitaient au Nord à la région d’Imricli lorsque des pluies exceptionnelles permettaient l’inondation des grâyer (cuvette d’épandage des oueds).
Au Sud, dans l’Adrar-Tmar, les cultures sont plus fréquentes dans des cuvettes du même genre ; la propriété des terres y est reconnue et souvent matérialisée sur le terrain par des alignements de pierres.
La phéniculture avec des cultures sous palmiers (blé, orge, millet, etc ;) est spéciale à l’Adrar-Tmar. Lors de la récolte a lieu la « Guetna » (cure de dattes). En cette période (juillet – septembre), l’Adrar-Tmar est fréquenté par tous les nomades hassanophones des rives du Sénégal à la Saguia-El-Hamra à des fins thérapeutiques. Dans le Sahara administré par l’Espagne, les seules palmeraies existantes sont celle de Smara et, plus récemment, celles de Mseyyed-Mekhel et de Ayoun-El-Medelchi (El Aaîun actuel).
L’exploitation des ressources minérales du sous-sol concernait surtout l’extraction du sel, de l’antimoine, du soufre et du silex.
Le sel gemme était extrait exclusivement de la saline ou Sebkha d’Idjil dont le sel était commercialisé dans toute l’Afrique de l’Ouest et considéré comme de meilleure qualité que celui de Tawdenni (Mali). Il était échangé contre les produits de l’Afrique noire (céréales, coton, épices, métaux précieux), contre des produits manufacturés (tissus, armes, verroteries, etc.) ou contre des esclaves. Il servait pratiquement de monnaie. Propriété des Kounta Choummâd, la Sebkha d’Idjil était sous le contrôle politique de l’émir de l’Adrar. Ce n’est sans doute pas par hasard que le Traité du 12 juillet 1886 entre l’expédition Cervera-Quiroga-Rizzo et l’émir de l’Adrar fut signé à la Sebkha d’Idjil. On se souviendra aussi de l’importance que lui accordait la France qui réussit, par le Traité du 27 juin 1900, à se l’approprier.
L’antimoine ou kohol était exploité à Meseyyed-Lekhel dans l’oued Khatt-Semesrou (Rio de Oro). C’est le plus célèbre de tout le Sahara occidental.
Le soufre était surtout exploité au Sud, dans la Tafelli – région de Nouakchott - ; il entrait dans la fabrication artisanale de la poudre à canon et le traitement de la gale des chameaux. Notons que la cuprite des cartes n’est qu’une déformation de Kebrît = soufre.
Le commerce caravanier se pratiquait entre les centres situés de part et d’autre du Sahara que plusieurs routes caravanières traversaient. La plus occidentale passait par Tenouakka qui était considéré comme étant à mi-chemin entre Ouad Noûn et Saint-Louis du Sénégal.
Des marchands appartenant à des tribus de l’Adrar (Tajakânet, Idaou-el-hajj, Idaou-Ali, Laghlal, Smacid et Oulad Bou Sba) voyageaient entre l’Ouad Noûn et le Sénégal.
Les produits exportés du Sahara étaient essentiellement le sel, éventuellement le bétail et les dattes ainsi que la gomme et les plumes d’autruche. Etaient en revanche importés du Sud (Sénégal et Mali actuel), des céréales, tissus, épices, métaux précieux, et du Maroc des céréales, des produits d’artisanat ou des produits manufacturés d’origine européenne. Une partie de ces produits transitaient simplement à travers le Sahara occidental. Tout ce trafic donnait lieu à perception de taxes par toutes les autorités des régions traversées.
III . TYPE D’ETABLISSEMENTS HUMAINS CONDITIONNES PAR LES DONNEES QUI PRECEDENT ;
Il découle des données géographiques et économiques qui précèdent que les établissements ne peuvent être que de deux groupes : nomades ou sédentaires. Les premiers prédominent.
Etablissements humains sédentaires.
Mis à part les établissements dans le pays Tekna (Ouad Noûn et Ouad Dra) et Tindouf qui sont au Nord de l’ensemble Chinguittien, les seuls établissements sédentaires de l’ensemble saharien occidental se trouvaient situés au cœur de cette région dans l’Adrar-Tmar. De très anciennes oasis existaient là, notaamment à Azougui (centre Almoravide, non loin d’Atar), Ouadane, Chinguiti, Atar, Oujeft, Tinigui, etc. C’étaient des pôles d’attraction économique (marchés) et culturels (établissements d’enseignement) et de hauts lieux de culte. Ces villes servaient en outre de zones de refuge aux pasteurs les plus démunis en cas de sécheresse ou de calamités naturelles ou non (guerre, etc.). Leur population s’enrichissait ainsi de nouveaux éléments. Les liens étaient permanents entre oasis et pasteurs. Certains pasteurs étaient même propriétaires d’une partie de ces oasis.
Etablissements humains nomades.
Les facteurs climatiques, c’est-à-dire la quantité et la régularité des pluies, imposent au Sahara, comme dans d’autres régions désertiques, un type d’activité humain : le nomadisme pastoral qui a déterminé les concours de la société : aspects de la culture, répartition et organisation des groupes humains. On peut schématiquement distinguer deux régions :
- un première région inapte à l’utilisation par l’homme : Majaaba el Koubra (désert quasi-intégral dans le coin Nord-Est du pays) ;
- une seconde où la ressource principale est l’élevage du chameau.
Dans la région sahélienne, en revanche, l’élevage du chameau disparait progressivement pour laisser la place à celui des bovins et des moutons.
Les principes de la vie nomade sont bien connus. On se bornera à rappeler les phénomènes essentiels.
La vie pastorale suppose la recherche permanente de pâturages appropriés pour le bétail, ainsi que des points d’eau particulièrement rares – faut-il le souligner – dans cette région. Enfin, on le verra, les cimetières sont des lieux d’attache qui jouent un rôle certain dans la vie des nomades.
a) Les pâturages.
Les nomades exploitent toutes les zones de parcours favorables. La présence de pâturages dans le Sahara dépend des quantités de pluies tombées et de leur régularité. La saison des pluies se situe de la fin de l’été (mousson tropicale) jusqu’en hier (pluies méditerranéennes). Le caractère saisonnier des pluies amène les pasteurs à utiliser deux types de pâturages : le pâturage de saison fraîche (novembre à mars) et celui de la saison chaude (le reste de l’année). Ceci entraîne des déplacements qui peuvent être parfois de grande amplitude, pour utiliser ces pâturages.
L’importance de l’élément climatologique dans la vie des nomades se reflète dans leurs chronologies. Par chronologies, on entend les listes des points de repère dans le temps, utilisés par les tribus, en vue de la datation des événements. Elles diffèrent de tribu à tribu et ne reposent pas sur le calendrier de l’hégire ou chrétien, mais bien sur des éléments météorologiques ou sociaux. Exemples : l’année de la pluie fine, l’année de telle maladie du chameau, l’année du décès de tel personnage illustre…
Il convient aussi de signaler que dans tout le Sahara, le pâturage est la propriété de tous et la pâture est vaine. Les frontières territoriales sont, à cet égard, imprécises. Toutefois, une distinction est à faire. A côté des pâturages, il existe également des terrains qui se prêtent à la culture (principalement orge et millet). Ils sont ensemencés chaque fois que les conditions pluviométriques le permettent. Ces terrains sont l’objet d’une appropriation privative plus accentuée, avec titres de propriété, écrits, etc. La non-exploitation, même prolongée dans le temps par manque de pluie, n’entraîne pas la perte du droit de propriété.
Ainsi l’économie pastorale est associée à l’agriculture quand les conditions le permettent dans certaines zones : oasis dans le centre (Adrar, Tagant), là où la culture du palmier et des céréales est possible grâce à la présence de ressources hydrauliques permanentes. De cette façon, les possibilités agricoles, même précaires, procurent des ressources supplémentaires et rendent naturellement complémentaires les activités des pasteurs et celles des sédentaires des oasis et des zones cultivables. Les mêmes groupes, suivant le cas, peuvent avoir à la fois des éléments qui se livrent à des activités agricoles et d’autres se consacrent à l’élevage.
à suivre –
les points d’eau, les cimetières,
aspects historiques, sociaux, culturels et juridiques du pays chinguittien
[i] - Sahel : mot arabe signifiant bordure ou littoral. En Afrique du nord, il désigne les collines littorales en bordure des plaines intérieures.
[ii] - Voyez, en annexe, carte n° 1 : carte physique du Nord-Ouest de l’ensemble mauritanien ; carte n° 2 : parcours de nomadisation dans le Nord-Ouest de l’ensemble du Sahara occidental ; carte n° 3 : idem (détails) ; carte n° 4 : localisation des principaux groupements et régions de l’ensemble mauritanien.
[iii] - Erg : mot arabe, région du Sahara couverte de dunes. Opposé à Hamada.
[iv] - Guelb : mot arabe : monticule isolé.
[v] - Gour : mot arabe : fragments de plateaux isolés par l’érosion éolienne et formant une butte.
[vi] - Oued : mot arabe : cours d’eau temporaire dans les régions d’Afrique.