La révolte du sénat. La défection des tribus de l’Est et un discours aux relents d’irrédentisme au Nord. Une ébullition dans la communauté négro-mauritanienne, qui n’est pas sans remettre en mémoire les tensions identitaires de 1966 et de 1989. Une large contestation au sein de la jeunesse estudiantine, qui s’étend, comme une trainée de poudre, aux chômeurs et à la frange oisive et délinquante en puissance. L’affirmation, de plus en plus sectaire et pernicieuse, des nationalismes étroits et l’exacerbation des extrémismes, auxquels le recours est devenu la meilleure voie pour s’identifier à une cause. La montée au créneau des artistes et poètes pour crier leur ras-le-bol à la figure du président. Le spectre des grèves politisées au sein des grandes unités de production et le mécontentement des retraités des forces armées, spoliés de la MSP sa par des ‘’amis’’ du chef de l’Etat. La nomination au poste stratégique d’ADG de la SNIM, d’un profane dans le domaine de la gestion d’entreprise et qui a imprimé, de manière indélébile, les stigmates de son amateurisme aux non moins stratégiques SOMELEC et le ministère du pétrole et des mines. Un mouvement d’officiers réfractaires aux amendements constitutionnels, signalés par le site d’informations TAQADOUM et un seuil d’insécurité jamais atteint, qu’aggrave la détérioration effrénée du niveau de vie des mauritaniens. Tel est le tableau sur fond duquel le président Aziz se prépare à tester sa côte de popularité et ce qui lui reste de légitimité.
Tableau noir
Un tableau sombre, sur lequel clignotent en rouge tous les indicateurs vitaux et qui trahit, dans l’explication qu’en apportent les ministres et les thuriféraires du pouvoir, les indices et signes qui permettent de conclure qu’il n’est que le côté immergé de l’iceberg de déliquescence structurelle de la Mauritanie en tant qu’entité.
A ce tableau, qui a demandé des années de travail à Moulaye Ould Mohamed Laghdaf, Yahya Ould Hademine et au colonel retraité Cheikh Ould Bayeu, viennent s’ajouter d’inexplicables tensions avec les pays voisins. Il s’y ajoute aussi la mise sous protectorat du pays par les multinationales, dont certaines ont changé ou modifié leur raison sociale pour s’adapter au code des investissements. Et pour boucler la boucle, le maintien d’un gouvernement, dont la nuisance est hypertrophiée par l’incompétence et par l’absence d’ambition à l’échelle individuelle, si ce n’est celle de quitter, le plus tôt possible, le navire en perdition, tout en donnant l’air d’être solidaire jusqu’à la fin, de son capitaine.
Certains analystes commencent d’ailleurs à penser très sérieusement, que le maintien de ce gouvernement ne peut s’expliquer et se justifier que par l’espoir d’y trouver la solution miracle au problème de succession que Aziz aurait cherchée en vain, dans son entourage et, par défaut, dans le dialogue ‘’inclusif’’.
En effet, l’action suicidaire d’un gouvernement incompétent et frileux, ne peut que conduire à un désastre économique et social. Lequel désastre va provoquer l’anarchie, dont les signes précurseurs sont ceux énumérés ci-dessus. C’est cette anarchie là qui fournira les arguments, permettant de substituer ‘’valablement’’ l’état d’urgence, à une élection jugée à hauts risques. Ce scénario crée les justificatifs opposables aux impératifs d’une démocratie qui, le cas échéant, sera agitée, par une communauté internationale peu regardante sur les formes et qui, de toute façon, n’a pas les moyens matériels, humains et militaires d’imposer sa vision et, à défaut, sanctionner les contrevenants.
Pour faire aboutir ce processus infernal, des techniques Pavloviennes sont mises à contribution pour livrer aux mauritaniens une guerre d’usure psychologique dosée, de façon calculée, à la persuasion coercitive, en vue de faire de l’état d’urgence un choix, qui conjurerait les démons de l’installation progressive de l’anarchie dans le pays.
Le choix de ces techniques et des outils de leur mise en œuvre, découle du postulat selon lequel les mauritaniens sont réputés peu enclins à consentir les sacrifices. Ils découle aussi de leur penchant pour les offrandes aux divinités des charlatans et leur sensibilité aux discours incendiaires, dont on sait tous qu’ils ne reposent sur aucune volonté d’émancipation et ne procèdent d’aucune conviction, si ce n’est celle de sauver sa fiche budgétaire ou de s’en faire établir une.
Guerre d’usure
Contrairement au discours officiel, ces mêmes analystes estiment, à juste titre, que, compte tenu de l’introduction massive de la cybernétique dans les systèmes de contrôle de l’Etat, des programmes du gouvernement et des communications téléphoniques, cette situation ne peut en aucun cas être la conséquence d’une politique de tâtonnement et encore moins de l’échec d’un programme, si ce n’est celui de réussir par la peur, ce qu’on n’a pu réaliser par l’exercice absolu du pouvoir pendant plus de dix ans.
Dans cet ordre d’idées, on peut déduire que cette situation procéderait d’un plan machiavélique, qui consiste à libérer les ressorts, comprimés jusque là, des revendications et des contestations en faisant abstraction de tout seuil de tolérance au-delà duquel, les auteurs de troubles et des dérives verbales, craignent d’être sanctionnés conformément à la loi.
L’objet principal de cette approche serait de semer l’amalgame et de tolérer la manifestation de certains interdits, afin de pouvoir repousser la date de la prochaine présidentielle, sous prétexte de l’impossibilité de l’organiser dans les conditions qui seraient celle de 2019. La dégradation de ces conditions serait cependant évaluée par anticipation, suivant le rythme et le degré de détérioration programmée et consciente du niveau de vie des populations, imputable, quant à elle, non pas au président, comme le veut la logique, mais plutôt à l’incurie d’un gouvernement maintenu uniquement pour justifier sa propre immolation sur l’autel de la real politik.
De ce point de vue pessimiste, il est vrai, mais fort de n’avoir à son encontre aucune explication logique nous permettant de comprendre les raisons de la descente aux enfers de notre pays, il est clair que les mauritaniens engagés et faisant de l’intermédiation politique leur sport favori, se sont fait prendre au piège de leur propre complaisance.
Il est clair aussi, que nos hommes politiques n’ont pas été en reste. Ils se sont volontairement trompés en 2005, 2008 et 2009, quand, sous la houlette des communistes, ils avaient voulu appliquer le principe de la lutte de classes à l’armée nationale, misant implicitement sur l’infériorité plausible du segment qui venait juste d’arriver au pouvoir. Ils ne savaient hélas pas que la lecture des paramètres du rapport de forces au sein l’armée en 2005, étaient faussés par ce que Maaouya Ould Taya et ses sbires ont fait de celle-ci.
L’armée, un corps hybride
Il faut rappeler ici que Ould Taya a commis le crime impardonnable de faire de l’armée nationale, un corps hybride, politisé et infiltré, au vu et au su de tout le monde, par des mouvements politiques et des courants idéologiques et religieux. Une réalité qui fait apparaitre au grand jour, les réformes importantes qui, il faut le reconnaitre, ont été les priorités du président Aziz et de certains Généraux, pour doter le pays d’une armée respectable, combative et disciplinée.
La gourmandise de nos leaders d’opinion et de nos cadres, l’absence notoire chez eux de principes et la promptitude avec laquelle ils font et défont leurs alliances, offraient au CMJD puis, au HCE, la, clé de voûte de leur schéma de raisonnement et, partant, les moyens de les rouler dans la farine après s’être servi de leur ‘’légitimité’’ populaire, pour faire admettre à la communauté internationale leurs interventions insolites de 2005 et 2008.
Notre presse, nos intellectuels et toutes les sphères de cette faune qui gravite autoursdu budget de fonctionnement de l’Etat, de l’argent Saoudien et Qatari et des subsides et fonds spéciaux Turcs et Iraniens, ont apportés chacun sa pièce à l’édifice qui symbolise désormais le déclin de nos repères démocratiques et celui des valeurs que nous avons érigés en système de rapports sociaux depuis la nuit des temps.
L’amalgame ambiant est tel que, les anciens officiers de Taya, qui ont pris le pays en otage pendant des décennies, pillé ses richesses, travesti ses valeurs, déporté une partie de son peuple et hypothéqué son avenir, sont crédités aujourd’hui de statut d’opposants démocratiques et identifient leur ‘’combat’’ à celui du peuple dont ils furent les bourreaux.
L’amalgame est tel que les commerçants , qui ont fait main basse sur les sociétés et les banques de l’Etat, qui ont plombé le décollage économique du pays, par le faux et l’usage du faux, la surfacturation, le blanchiment d’argent, la copie des médicaments et des pièces de rechange automobile et la délocalisation des fortunes mal acquises, identifient leurs causes à celles du peuple et s’estiment être victimes du système dont ils sont les fondateurs et les pourvoyeurs en fonds.
L’amalgame est tel que l’espace est en train de reprendre ses droits en Mauritanie. Il n’y a désormais plus de bas, plus de haut. L’Est et l’Ouest se confondent et le Sud finit sa course en plein dans le Nord. Les lois de la pesanteur disparaissent et celles de la thermodynamique s’estompent devant celles du vide sidéral. Un environnement propice au pouvoir durable de Ould Mohamed Laghdaf, Ould Hademine et Ould Bayeu.
Un environnement où la règle de : ‘’Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme’’ devient celle de : ‘’ Tout se perd, rien n’est créé et aucune transformation’’. Le pays est figé…dangereusement figé. Il est vendu en brut. Les usines de transformation peuvent attendre.