Poursuivi pour « enrichissement illicite » dans le cadre d’une opération de « traque des biens mal acquis » et détenu à titre préventif depuis le mois d’avril 2013, Karim Wade, ancien ministre des infrastructures, des transports aériens, de la coopération internationale et de l’énergie, sous le régime de son père, est jugé par la Cour de Répression du même nom depuis plusieurs semaines.
Un procès entamé le 31 juillet dernier et dont le déroulement est marqué par une cascade de renvois d’audiences.
Ainsi, prés d’un mois après l’ouverture, on reste dans les préliminaires d’une affaire encore enlisée dans une féroce bataille de procédure engageant de grosses pointures du barreau de Dakar et de Paris.
Les avocats de la défense multiplient les exceptions, au rang desquelles figurent notamment le point relatif à l’incompétence de la Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite (CREI). En sa qualité d’ex membre du gouvernement, Wade fils devrait bénéficier d’un privilège de juridiction en vertu duquel son déferrement ne serait régulier que devant la Haute Cour de Justice (HCJ).
La CREI est un instrument «hautement politique », selon ses avocats.
"Faux", rétorque le parquet de cette juridiction et les avocats de l’Etat, car l’infraction d’enrichissement illicite n’est constituéequ’après l’expiration du délai prescrit par la mise en demeure pour justifier la provenance licite du patrimoine « suspect ».
Ces 2 thèses sont développées à travers une intense guerre médiatique. Un exercice dans lequel les effets de manche du discours prennent une bonne avance sur les arguments de droit.
Toutefois, au-delà de cette querelle d’avocats engagés dans la défense des intérêts matériels et moraux de leurs clients (qui est à la fois un devoir et un droit), les sénégalais et les africains attendent avec impatience les débats de fond sur un dossier fleuve de 40.000 pages.
En effet, cette affaire doit avoir une valeur pédagogique au-delà des frontières du pays de la légendaire TERANGA.
Une vulgaire histoire de règlement de comptes politiques pour écarter un potentiel adversaire « crédible » en 2017 ? Ou alors, un nécessaire changement de paradigme et une refondation de la gouvernance dans un pays pillé et dévalisé pendant les 12 années de gouvernance d’un régime, qui a créé des milliardaires (selon Wade père) probablement au préjudice du contribuable sénégalais.
Cette lumière ne pourrait jaillir que du fond de l’affaire et non des effluves d’une bataille médiatique dont les règles sont par nature floues.
Amadou Seck