L’islam, viatique universel pour les temps modernes ? Nous en sommes, musulmans, convaincus. Cependant, d’autres en doutent, y voient, tout au contraire, la pire des régressions. Certes, les comportements outranciers de certains réputés musulmans – qui devraient donc être pacifiés, donc, voire pacifiques – y sont pour beaucoup et d’autant plus qu’ils font la Une des media mais nous manquons, également, à développer des actions dynamiques, harmonieuses, lumineuses, conçues et développées à partir de tel ou tel précepte de notre religion bénie, et répondant, au mieux, à tel ou tel problème contemporain. D’une manière générale, nous nous laissons porter par les évènements, entre impuissance, fatalisme et paresse. Ce n’est certainement pas la meilleure façon d’apporter notre chahada – en son sens, ici, de responsabilité (1) – au Monde…
Or, celui-ci en a, réellement, besoin. Des désordres de toutes sortes le martyrisent et, quelque inéluctable soit son destin, il nous est demandé, musulmans, d’en adoucir la peine, de nous acharner à le soigner, jusqu’à la dernière seconde de son existence. « L’Heure viendrait-elle alors que tu plantes un arbre », a dit l’Envoyé de Dieu (PBL), « n’en achève pas moins posément ta tâche ». L’exemple choisi par le Prophète (PBL) est singulièrement parlant. Planter un arbre, c’est, tout d’abord, un acte simple, à la portée de tous : il n’implique pas une lutte armée contre qui que ce soit, ni l’établissement préalable d’un khalifat politique. C’est un acte de vie. L’expression, directe, du khalifat de chacun d’entre nous, autour de nous, dans notre environnement immédiat.
A cet égard, nous avons beaucoup à faire. Ma chahada, ce qu’elle implique de devoir envers la Création dont Dieu nous a confié l’administration, se lit, d’abord, en chacun de mes gestes, sans qu’il soit même besoin que j’ouvre la bouche. Une attention, aimante et permanente, à ce qu’on fait, à ce qu’on prend, à ce qu’on jette. Comment puis-je témoigner de ma foi au volant de ma voiture ? Une telle réflexion, qui ne se préoccupe pas des manquements d’autrui mais, toujours, des siens propres, devrait se traduire, dans le quotidien de Nouakchott, par une amélioration, sensible, de la circulation urbaine. On en est loin et ce n’est pas peu dire que notre capitale souffre de cet oubli individuel – moi, toi, chacun d’entre nous – de cette praxis (pratique) musulmane que nous a assignée le Divin Créateur. Oui, nous sommes, chacun d’entre nous, à chaque instant, où que nous nous trouvions, représentant de Dieu sur cette terre. C’est une responsabilité.
De l’attention individuelle à l’attention concertée
Pour essentielle qu’elle soit, cette attention individuelle permanente ne suffit pas. Beaucoup de problèmes contemporains ne peuvent se résoudre que dans une attention concertée. Mais pas tous à l’ONU, ni même à la présidence de notre république, au conseil municipal de Tevragh Zeïna ou Toujounine. De fait, la plupart de ceux qui te touchent chaque jour, toi, mon frère, ma sœur, n’ont besoin, pour être, sinon résolus, du moins, notablement adoucis, que d’une réunion collective et cohérente des énergies de proximité, dans le cercle de tes quarante voisins à droite, quarante voisins à gauche… Ce n’est pas nouveau, c’est la base même de la vie sociale musulmane. Prenons le temps – car c’est bien de l’attention à sa gestion que dépend tout le reste – de discuter avec nos voisins, de façon méthodique et régulière, de tous nos soucis communs : l’eau, la propreté de notre quartier, son embellissement, la protection des biens et des personnes, l’instruction de nos enfants, l’accès facilité à la nourriture et aux soins de santé… Tôt ou tard, notre organisation du voisinage trouvera des appuis.
Au-delà, poser la conquête du pouvoir (argent, politique, etc.) par tous les moyens, même les plus contraires au sens fondamental du khalifat (2) donné, par Dieu, à Adam (PBL), en préalable incontournable à l'exercice de ce khalifat, est la pire des illusions dont peut nous berner Satan. En islam, la fin ne peut, jamais, justifier les moyens. Alors que faire, tandis que notre maison commune court les plus graves dangers ? Débordons les pouvoirs qui la saccagent, encerclons-les, connectons-nous à la masse, anonyme, de ceux qui entendent promouvoir la protection de la Terre, l’équité et la justice entre toutes les créatures. Oui, nous pouvons, tous, chacun d’entre nous, participer aux divers mouvements citoyens de notre planète. Donnons-leur assez d’ampleur pour faire entendre raison aux pouvoirs mortifères. Ce n’est même plus seulement un choix : cela devient un devoir impératif.
De toutes les menaces, la plus grave, peut-être, s’attaque à ce qui est le plus intime à la vie : son matériel génétique. Ce qui fait que l’homme est l’homme, le végétal, végétal et l’animal, animal ; que chaque espèce a ses caractères et caractéristiques spécifiques. Une fine pellicule de vie de quelques dizaines de kilomètres d’épaisseur, à peine, recouvre la planète Terre : l'Ecosphère. En son sein, des myriades d'espèces, végétales et animales, régulées par leur patrimoine génétique respectif : le génome. Ces assemblages d'ADN ordonnent la vie et toute modification de la moindre partie est susceptible de modifier l'ensemble, à plus ou moins long terme mais toujours de manière irréversible. Rendue possible par les progrès de la science, la modification du génome est la porte de bouleversements inouïs, peut-être heureux mais probablement autant, sinon plus, apocalyptiques. Il est vital de protéger cette porte.
L’islam et les musulmans à la pointe du combat pour la vie
Qu'un homme ou une entreprise puisse déchiffrer le génome d'une espèce ou d'une variété d'espèce ne lui peut lui donner droit de l'exploiter à des fins personnelles, encore moins de s’en arroger la propriété. Il faut retirer, aux multinationales des biotechnologies – Monsanto et consorts – le droit de vie et de mort sur telle ou telle variété du vivant. En plaçant tout génome sous la propriété du Patrimoine Mondial et en décrétant cette propriété incessible et inaliénable – une forme de waqf, donc – on posera les bases de sa gestion transparente et responsable, incluant la rémunération des chercheurs et la délivrance d'éventuelles licences d'exploitation, selon des normes discutées, connues de tous et fondées sur le plus strict principe de précaution. Une telle décision ne peut plus être prise par le seul jeu des gouvernements, empêtrés qu’ils sont dans des forces d’argent où les multinationales ont pignon sur rue. Ils doivent être motivés, soutenus, provoqués par des mouvements citoyens (3) de grande ampleur, à l’instar de ceux lancé par Avaaz.org (4), à l’échelle de la planète. Internet est un puissant outil de pression, pour peu que nous l’utilisions en ce sens. Prenez le temps de consulter les campagnes citoyennes en cours, participez-y, en les traduisant, notamment, dans toutes les langues à votre portée, et en les diffusant, par vos réseaux personnels d’email. C’est une tâche patiente, une tâche de fourmi mais de fourmi consciente d’appartenir à une communauté de milliards d’individus. C’est une tâche pour tout humain mais bien plus encore, pour tout musulman : car, dans ce combat pour les équilibres de notre planète, nous avons, musulmans, devoir, devant Dieu, d’aller au-devant de tous. Il nous en demandera compte. A nous, en premier.
NOTES
(1) : car, en prononçant la Shahada, l’homme reconnaît, de facto, sa filiation envers Adam (PBL). Il devient, ainsi, khalife de celui que Dieu installa, sur la planète Terre, en Son propre khalife. (Saint Coran, II- 30)
(2) : principe même de l’islam que tant de prescriptions, coraniques ou mohammadiennes, ont clairement renforcé.