Au moment où les acteurs zélés de la classe dite ‘’élite politique’’ rivalisent d’ardeur pour marquer des points fictifs sur le champ fortement entamé d’un échiquier politique sobre et hargneux, la situation culturelle se désagrège sans cesse et s’achemine vers la case d’avant l’indépendance. Il n’est sans doute pas judicieux de s’attarder un tant soit peu sur la période motivante d’avant cette époque, elle-même, influencée par le marasme et l’incongruité héritée de celle antérieure au colonialisme. Cela prêterait à un conflit d’interprétations historiques stériles et passionnées.
Autant dès lors dénoncer le marasme culturel ambiant dans un pays qui se cherche maladroitement depuis plus d’un demi-siècle, pataugeant dans la mare insalubre d’un sous développement persistant entretenu par des corolaires sous-jacents allant de la répugnance au travail ou à l'effort, de l’analphabétisme civique, à l’oisiveté inconvenante des « élites » motivée par un orgueil hérétique puisé dans l’héritage médiéval.
Encore faut-il dire que la question sociale nationale n’a jamais été, sous ses divers angles, abordée à l’indépendance comme étant un levier fondamental de l’édification de l’Etat moderne, et n’a point fait l’objet d’un quelconque traitement qui s’imposait pourtant au vu du tissu ethnique coloré, de l’ensemble culturel diversifié ainsi que de la stratification et des castes sociétales.
Ecoles à la dérive
Sans doute que le colonisateur n’a pas été toujours de mauvaise foi tout au long du processus de fondation de l’Etat - contrairement à ce que soutiennent beaucoup d’intellectuels et de politiques - parce qu’ayant apporté et inculqué aux esprits des pionniers dont bon nombre de ceux-là mêmes, les valeurs modernes de la République et contribué à l’ébranlement des fondements immuables des doctrines moyenâgeuses.
L’école républicaine, qui a connu des commencements édifiants depuis les années 60 jusqu’au début des années 70, a subi une série de réformes marquées par l’improvisation, la carence pédagogique et le manque de vision. Réformes d’autant plus néfastes qu’elles ont ouvert des plaies dans le tissu social et introduit des conflits majeurs d’approches éducatives divergentes entre des systèmes et des contenus scolaires différents et non complémentaires qui ont jeté l’école mauritanienne sur le pénible chemin à la recherche de rattrapage du «temps perdu», comme si bien indiqué dans une précédente restitution statistique sur cette école qui stipule : « La situation actuelle s’éloigne encore, de plus en plus, du concept de l’école républicaine avec les grandes disparités entre le secteur public (devenu l’école des « fils de pauvres ») et l’école privée (où les mauritaniens aisés préfèrent placer leurs enfants), entre le milieu urbain (taux de présence de 87%) et le milieu rural (64%). Ces disparités sont encore plus frappantes (plus gênantes) si on les regarde suivant la division de la population en quintiles : 87% des enfants du quintile le plus aisé achèvent leur cursus contre 40% pour le quintile le plus pauvre ! Dans le milieu rural, ils ne seront plus que 19% seulement pour le quintile le plus pauvre».
Or, c’est bien là une situation qui continue à ce jour d’occulter tout impact sur le processus d’édification de l’Etat ainsi que sur l’amélioration du niveau intellectuel des citoyens de la deuxième et troisième génération post indépendance.
Mas bien plus que cela, Une telle situation continue malheureusement de s’amplifier créant de facto deux catégories de citoyens. En perpétuels conflits, ces protagonistes de l’oisiveté "intellectuelle" inculte sont incapables de répondre aux défis et enjeux de la solidification des instances et de l’administration de l’Etat, moins encore aux exigences de la construction nationale aux plans socioéconomiques. Entre deux espaces, marqués par une frénésie à la recherche d’identités tous azimuts, s’est frelatée l’unicité de la nation en la complémentarité dans la diversité de ses particularismes internes qui sont l’expression de sa grande richesse culturelle.
Accumuler les échecs
C’est alors et en cela que la classe dite des intellectuels s’est mise, dès l’apparition de ses premiers signes de faiblesse et d’égarement, à accumuler les échecs à travers les approches antagonistes et à creuser davantage le fossé entre le pays et ceux du monde, en premier les voisins immédiats des ensembles maghrébin et ouest-africain. Or malgré le poids du sous-développement dont souffrent à degrés différents ces pays, l’approche de l’éducation (Systèmes enseignement scolaire) et de culture (Toutes facettes et expressions confondues) a été prise au tout début de leurs indépendances au sérieux et nettement bien définie à travers des politiques réfléchies. Et c’est cela qui leur a permis d’aboutir à des résultats satisfaisants qui s’améliorent au fur et à mesure qu’ils épousent les contextes changeants et les contours grandissants d’une mondialisation galopante.
Ici comme nulle part ailleurs, l’état de déliquescence des aspects intellectuel et culturel est dû au premier chef à la démission flagrante de ses élites d’avant-garde politique et intellectuelle. Concédant leurs savoirs et hautes connaissances acquises le plus souvent à l’extérieur, aux querelles mesquines d’un autre âge et aux biens matériels convoités, ces élites ont opté pour une démission sans appel et signé l’acte de récession d’un pays pourtant recelant d’énormes potentialités économiques, peu peuplé et doté d’une rive de fleuve aux terres fertiles et d’un littoral étendu sur l’atlantique des plus poissonneux au monde et regorgeant de pétrole et de gisements de gaz.
Aujourd’hui plus qu’aucun moment passé, cette élite ankylosée ne contribue en rien à l’épanouissement de la culture dans tous ses états, ni à la levée des grands boucliers du défi de construction de l’Etat fort et indépendant par des efforts saillants de contribution effectives au progrès technique du pays. C’est un marasme intellectuel fade, politique belliqueux et technique assassin, entretenu dans une oisiveté obtuse, qui édicte, hélas, au jour le jour les signes patents de la déchéance.