Trois mois après la signature de l’accord politique entre le pouvoir et une partie de son opposition, aucune résolution ou recommandation n’a encore été mise en œuvre. Le comité de suivi, qui ne s’est réuni, en tout et pour tout, que deux fois, peine à pousser le gouvernement à en exécuter les termes. Tout de ce dialogue, boycotté par le Forum National pour la Démocratie et l’Unité et le Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD), paraît en stand-by.
A commencer par l’approbation des fameux amendements constitutionnels sur la suppression du Sénat, la modification du drapeau national et des paroles de l’hymne national. Ces points, décidés dans la douleur, devaient être soumis, insistaient particulièrement l’APP et Arc-en-ciel, à la consultation populaire. Or, quelques temps indécis, le pouvoir aurait opté pour la tenue d’un congrès du Parlement. A en croire le porte-parole du gouvernement, les deux chambres ne devraient pas tarder à être convoquées en ce sens. Un choix motivé, semble-t-il, par le coût exorbitant d’un referendum. Quoique réputé assis sur des milliards, le budget de l’Etat ne pourrait pas supporter une dépense considérée, par certains, comme « superflue ». Mais la crainte de se voir désavoué, par le peuple rudement affecté par des conditions de vie particulièrement rudes – perpétuelle inflation des prix, en dépit de la baisse du baril de pétrole – n’est certainement pas étrangère à la décision du gouvernement. L’objet même de la consultation populaire – suppression du Sénat, rajout de deux traits rouges sur le drapeau national et modification de certaines paroles de l’hymne national – ne paraît guère motivant. Pour autant, son résultat positif serait-il moins facile à obtenir qu’avec des sénateurs peut-être tentés de s’opposer au démantèlement de leur chambre ?
Toujours est-il que divers partis ayant part au dialogue, à l’instar d’APP puis d’Arc-en-ciel, ont rappelé l’absence de consensus, autour desdits amendements, et la recommandation d’une consultation populaire, pour trancher la question. Et de souligner le refus d’une partie de l’opposition à prendre part au conclave d’Octobre et aux dernières élections municipales et législatives, alors que le mandat des sénateurs appelés à voter la disparition de leur chambre est, depuis longtemps, achevé, tandis que les récents dons de terrains en leur faveur ont jeté le trouble, dans l’esprit des Mauritaniens qui pourraient y voir comme une espèce de « corruption » de nos sages…
C’est dans ce contexte que le président de la République a rencontré Messaoud ould Boulkheïr et Boydiel ould Houmeïd. Les deux poids lourds de l’opposition dialoguiste lui auraient exprimé, selon diverses indiscrétions, leur opposition au recours du congrès pour « faire passer » les amendements en question. « Respectez la parole donnée dans vos discours d’ouverture et de clôture du dialogue », lui auraient-ils dit en substance. Alors, que fera le Président ? Se donner plus le temps pour convaincre les contestataires ? Surseoir à la question des amendements et s’attaquer aux autres résolutions du dialogue, notamment les élections anticipées ? Pourquoi pas engager de nouveaux pourparlers, avec l’opposition dite radicale, le FNDU et le RFD, pour ne pas les nommer ?
Erreur de casting du FNDU ?
Pendant que le gouvernement se démène dans son imbroglio politico-constitutionnel, ladite opposition « radicale » s’est lancée dans une série de conférences-débats et de meetings populaires. Objectif affiché : s’opposer au referendum. Au cours de ces rassemblements, les responsables du FNDU se défoncent contre le gouvernement et sa « gestion catastrophique ». Sempiternelle rengaine, depuis 2008. Du réchauffé, même. D’aucuns y voient une erreur de casting. Au lieu de saisir l’opportunité de se préparer à l’alternance de 2019, l’opposition rechausse ses vieux thèmes et critique, sans ambages, le gouvernement. Une stratégie de division, marches et boycotts qui n’a jamais abouti, jusqu’ici. Il lui faut, impérativement, en changer, s’il s’agit d’obtenir un rapport de force en sa faveur. Faire descendre des milliers de personnes dans la rue, pour contraindre le pouvoir à « dégager » ou à accepter de s’engager, dans un dialogue inclusif et sincère, n’a pas abouti. L’alternative paraît simple : négocier ou, disons-le clairement, dialoguer. Ne serait-ce qu’avec l’intention de faire apparaître une dynamique positive.
Certes, la responsabilité incombe à toutes les parties. Avec une volonté commune de rétablir un climat de confiance. Accusé de ne jamais respecter ses engagements, depuis l’accord de Dakar, Mohamed Abdel Aziz doit faire preuve du contraire. Il a déclaré qu’il respectait la Constitution et ne la modifierait pas pour s’octroyer un troisième mandat ; il doit, également, s’engager, pour un scrutin transparent et crédible, à ne soutenir aucun candidat, à veiller à la neutralité de l’armée et de l’administration, pour ne pas fausser le jeu démocratique. Voilà qui favoriserait une alternance pacifique et crédible. Tout à son honneur. Et, comme son homologue gambien qu’il a réussi à sortir du trépas, il bénéficierait, alors, de toutes les garanties d’un ancien chef d’Etat. Rendant, à la Mauritanie, l’aura dont elle bénéficiait, en 2007, pour avoir organisé des élections transparentes et crédibles. Miser sur des changements variablement constitutionnels, c’est se condamner, à plus ou moins brève échéance mais, en définitive, toujours, à déchanter. Une fin inéluctable.
Pour sa part et comme le suggère Moustapha Abeïderrahmane, l’opposition doit se départir de ses critiques stériles. La surenchère, entre le pouvoir et l’opposition, les dessert tous deux. Surtout à celle-ci. Car la vocation de tout parti politique est de participer aux prises de décision ; ce qui signifie, nécessairement, prendre part aux élections, en obtenir des représentants, en quelque instance de pouvoir, peser sur le fonctionnement des structures de représentativité, faire entendre sa voix (mairies, Parlement, etc.). Le FNDU et le RFD doivent donc faire l’effort de donner, au pouvoir, l’occasion de susciter les conditions d’élections inclusives, transparentes et crédibles. Boycotter les prochaines élections anticipées leur serait un nouvel échec. Et, au-delà de celui d’Ould Abdel Aziz, incapable de régénérer une dynamique démocratique qu’il avait lui-même fracassée, en 2009, très probablement, celui de la Mauritanie : elle doit aller sur ses deux jambes. Pas à cloche-pied. Il appartient donc, aux uns et aux autres, de faire preuve de dépassement. Notre équilibre national est à ce prix.
DL