Je suis de retour en Mauritanie après près de sept mois d’absence.
Je suis de retour en Mauritanie, l’un des derniers pays négriers sur notre planète terre où, encore en ce vingt-et-unième, des femmes, des hommes et surtout des enfants sont acquis en héritage parce qu’ils sont la propriété d’autres. Ils sont violentés, violés et humiliés et sont à la merci des humeurs du maître, sous la barbe des autorités mauritaniennes, toutes confondues et ce, malgré l’inscription à la constitution du pays des crimes d’esclavage et de torture comme crimes contre l’humanité.
Je suis de retour en Mauritanie où les auteurs de crimes racistes et massifs contre des milliers de militaires et civils peuls, soninkés et wolofs des années de braise continuent à bénéficier de la protection des autorités mauritaniennes malgré les revendications de vérité, de justice, de réparation et de mémoire formulées par les ayant-droits, les rescapés des camps de concentration et des organisations des Droits humains.
Je suis de retour en Mauritanie où le M’alem (forgeron) est considéré comme membre d’une sous – espèce de la race humaine. En Mauritanie, celui qui, parmi cette communauté laborieuse, conteste cet état de fait pourrait tout simplement être condamné à mort par un tribunal légalement constitué et livré à la vindicte populaire conduite par des fous furieux.
Je suis de retour en Mauritanie où sont nombreux ceux qui se targuent d’être des intellectuels, cadres et élites alors qu’ils se complaisent dans le faux compromis et la compromission. Chez eux, les normes d’honneur sont perverties ; seuls comptent les biens matériels par les quels ils monnaient leur dignité à un régime promoteur de l’esclavage, de l’exclusion et du racisme d’Etat. Certains parmi eux disent être des descendants de « grandes chefferies traditionnelles » ou héritiers de « grandes mosquées » du Walo, ou du Fouta ou du Guidimakha alors qu’en leurs âmes et consciences, ils savent qu’ils ne sont que de malheureux nègres de service et esclaves à la solde d’un régime politico – militaire aux désarrois. Ce sont des animateurs de ces groupes d’applaudisseurs qui ont fait rependre des rumeurs à mon compte ; certains parmi eux ont même osé m’appeler disant que je suis en fuite et que je ne rentrerai plus jamais en Mauritanie tant que le pouvoir actuel serait encore en place. Qu’en est – il aujourd’hui ? Ne suis pas bien revenue en terre mauritanienne, la mienne – celle que j’ai héritée de mes ancêtres ? A ceux – là, je voudrais rappeler une histoire récente qu’ils connaissent bien. Ce jour de forte confusion, en plein évènements de 1989, j’ai été conduite à l’aéroport pour être déportée au Sénégal par l’un des vols charters qui avaient été affectés à cet effet. A l’officier de police qui me poussait vers la passerelle de l’avion, j’ai dit, la tête haute : «tuez – moi plutôt, je ne partirai pas vivante de mon pays». Malgré l’insistance de mon bourreau, ma forte conviction et ma détermination ont pris le dessus, l’avion qui était prêt est parti sans moi. Pourquoi fuirai – je aujourd’hui ?
Durant ces sept (7) derniers mois, mes amis et moi avons mené en Europe, en Amérique du Nord et en Afrique une forte campagne de sensibilisation sur la situation générale des Droits humains en Mauritanie mais surtout contre la répression, la torture et l’incarcération de nos camarades au pays. Mes amis Moussa Bilal BIRAM et Abdallahi Maatala SALECK sont encore en prison à Bir Moghrein malgré le caractère fallacieux et ridicule des accusations portées contre eux. Incha Allah, aux côtés de mes camarades, en ma qualité de vice présidente d’IRA – Mauritanie, je continuerai mon militantisme avec encore plus de rigueur et il en sera ainsi tant que je serai vivante jusqu’à l’avènement d’une Mauritanie égalitaire, juste et véritablement démocratique.
Fait à Rosso, le 15 janvier 2017
Coumba Dada KANE
Vice présidente d’IRA – Mauritanie