La nouvelle a fait le tour du web en quelques clics : les nouveaux quotas de céphalopodes ont été distribués à qui de droit : la Première dame, ses deux beaux-fils, des cousins du président, un proche du Premier ministre, le président de l’UPR, un député et des sociétés finalement pas si " anonymes " que ça. Jusque-là, personne n'avait compris où notre guide éclairé voulait en venir, en décidant d'instituer la politique des quotas de pêche, pour avoir accès à la ressource. On sait, à présent, à quoi s'en tenir. La famille d'abord, les cousins après, les amis enfin. Sans qu'on sache exactement sur quels critères ces quotas ont été attribués, si ce n'est la proximité avec le chef. Auparavant, les sociétés de pêche (qu'elles soient mixtes ou nationales) acquéraient des bateaux et payaient des licences. Elles faisaient travailler des équipages à bord et un personnel à terre. Les productions étaient congelées et vendues, suivant la procédure de la SMCP. Tout un système que la nouvelle politique menace de réduire à néant. Les heureux bénéficiaires des quotas - en fait, un simple papier volant, synonyme d'autorisation de piller - les céderont, si ce n'est déjà fait, à raison de 300 dollars minimum la tonne, à des armateurs qui n'en demandaient pas tant. Ils ramasseront ainsi un bon pactole qu'ils auront tout le temps de fructifier, en attendant l'année prochaine, le quota ayant une durée de vie d'un an. Ni la fédération des pêches, dont les adhérents sont, pourtant, les principales victimes de ce pillage, encore moins les partis politiques ou les ONG n’ont dénoncé ce qui s’apparente à une mise à sac de nos ressources halieutiques. Après la société chinoise Poly Hongdong, qui a obtenu une concession de 25 ans pour pêcher, à sa guise, sans payer ni taxe ni impôt, bonjour les nouveaux pilleurs ! Ils sont pourtant à l’abri du besoin et pouvaient bien se passer de cette mauvaise publicité qui bat, en brèche et pour de bon, tous les slogans sur la lutte contre la gabegie, le clientélisme, le népotisme et tous les mots en isme avec lesquels on nous saoûle depuis 2008. Et qui ne sont, en fait, que des paravents, pour masquer la plus grande opération de dépeçage que le pays ait connu, depuis son indépendance. Désormais, plus rien n’échappe à la boulimie de ces prédateurs : terrains, écoles, édifices publics, marchés, aménagements agricoles, barrages, électricité et, maintenant, la pêche. Un exemple parmi des dizaines : la société marocaine STAM (à qui ATTM vient de sous-traiter le barrage de Seguellil sans appel d’offres), pistonnée par un(e) bien-né(e), a obtenu, il y a deux ans, le creusement d’un canal d’irrigation, non loin de Keur Macène (celui qu’Aziz a déjà visité à deux reprises) et l’aménagement de terres agricoles dans la zone. Alors que l’aménagement d’un hectare est facturé entre neuf cent mille et un million d’ouguiyas, STAM l’a fait payer quatre millions à l’Etat. Vous croyez que la différence est partie où ? Et à quel prix sera facturé le nouveau barrage ?
Eaux, troubles, des barrages appellent, il est vrai, les requins à la pêche. On comprend donc que, de fil en aiguille, ceux-ci naviguent, du fleuve à l’océan. Et vice-versa. La facture n’en sera que plus salée. Au goût du contribuable ? Même pimentée de kilomètres de goudron, guère digestes, au demeurant, la Présidence des pauvres se révèle, d’année en année, de mois en mois, de jour en jour, de pire en pire cuisinière. Bouche sèche, les Mauritaniens se suffiront-ils encore longtemps à ouïr de creux slogans ? Ventre affamé n’a point d’oreilles…
Ahmed Ould Cheikh