L’opposition politique rassemblée au sein du Forum National pour la Démocratie et l’Unité (FNDU) et le Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) ont annoncé, au cours d’une conférence de presse tenue, mardi dernier, leur décision d’ignorer le référendum constitutionnel que le pouvoir prépare, pour faire passer les amendements constitutionnels proposés par le dernier « dialogue national inclusif », tenu du 29 Septembre au 20 Octobre dernier, entre le pouvoir et une partie de l’opposition démocratique, acquise aux thèses du gouvernement.
Même si elle salue, dans un communiqué, la déclaration du président de la République clôturant le débat sur le troisième mandat qu’elle le suspectait de mijoter, le front de l’opposition radicale n’entend pas ménager le pouvoir. Elle a, non seulement, rejeté le référendum qu’elle trouve « inopportun », quant aux modifications du drapeau et des paroles de l’hymne national, mais, également, recadré d’autres résolutions du dialogue national inclusif. Elle est notamment opposée à tout changement ou modification constitutionnelle n’ayant été le fruit d’un consensus entre l’ensemble des acteurs politiques du pays. L’opposition croit savoir que de telles aventures pourraient conduire à d’autres amendements constitutionnels, notamment le changement de République susceptible de relancer l’actuel Président dont le dernier mandat s’achève en 2019. Le FNDU et le RFD redoutent la stratégie du burundais Pierre NKurunziza qui a usé de ce subterfuge pour briguer un troisième mandat.
Sur la lutte contre la gabegie, l’opposition continue à douter de la « sincérité » du gouvernement à éradiquer ce fléau qui n’a fait, selon eux, que changer de camp. Dans sa déclaration, l’opposition parle d’un « pays caractérisé par la gabegie et le pillage systématique des ressources». Elle évoque la « dilapidation de l’énorme richesse accumulée durant les dernières années, du fait de la montée, sans précédent, des cours mondiaux du fer et de l’or (principales exportations de la Mauritanie), en plus de la multiplication de la dette extérieure et de la ponction, continue, sur le portefeuille des citoyens, opérée à travers le prix des hydrocarbures, l’augmentation des impôts et les taxes de douanes sur les matières de première nécessité, alors que le pouvoir s’est tourné vers le bradage du patrimoine immobilier de l’Etat ».
Pour illustrer son argumentaire, le RFD et le FNDU citent plusieurs édifices publics, notamment des écoles « vendues, dans des conditions obscures, à l’entourage familial du chef du régime et à ses proches », ainsi que « le bradage, à vil prix, de la résidence de l’ambassade de Mauritanie à Washington ». Et, pour enfoncer le clou, l’opposition épingle la dette extérieure de la Mauritanie qui représente, actuellement, 93% du Produit Intérieur Brut (PIB). De ce chiffre, il faut déduire 20% représentant une dette inactive du Koweït.
Ainsi accusés de « brader les ressources du pays », le président Mohamed ould Abdel Aziz et son gouvernement « favorisent [également] certains hommes d’affaires et ferment les yeux sur les marchés de gré à gré ». On se rappelle, ici, qu’un des ateliers du dialogue traitait de la bonne gouvernance etles dialoguistes ont recommandé des mesures draconiennes pour l’assurer. Mais, pour l’opposition « boycottiste », les lois initiées par le gouvernement visant à « pénaliser la corruption » et le détournement de deniers publics ne peuvent, tout simplement pas, porter de fruits, parce qu’il ne s’agit que de simples « velléités » et de « slogans de campagne », sans aucune prise sur la réalité du pays. Autre argument pour l’opposition, l’indice de perception de la corruption, établi par Transparency international, qui classe la Mauritanie 124èmesur 175. Il faut rappeler qu’en 2014, la Mauritanie a fondé un comité de lutte contre la corruption, avant d’instituer une cour consacrée à sa répression. Sans grande efficacité, il faut le reconnaître.
Par rapport au dialogue national inclusif, l’opposition rappelle, par la voix d’Ahmed ould Daddah, président du RFD, qu’elle le considère toujours comme un excellent moyen de trouver des solutions aux problèmes du pays. C’est donc un principe mais elle est suffisamment responsable pour ne pas se laisser embarquer dans un processus dont elle n’est pas partie prenante. Oui au dialogue, inclusif, franc et sincère ; non à l’artifice et à la poudre aux yeux. Au final, la conférence de presse commune des deux pôles de l’opposition a remis, sur le tapis, les « délicates » relations entre le pouvoir et son opposition. Des relations toujours « exécrables », marquée du sceau de l’absence de toute confiance. Serait-ce à conclure qu’avec une telle charge, l’opposition ne saurait prendre part aux prochaines élections ?
DL