Réécrire l’histoire de la résistance coloniale en Mauritanie : Une autre résistance ?

8 December, 2016 - 00:42

Au cours de son séjour au Tagant, le président de la République a promis de faire réécrire l’histoire de la résistance coloniale de Mauritanie. L’engagement a été pris sur les ruines de la ville ancienne de Rachid (Tagant). Pour le Président, l’histoire de la résistance coloniale en Mauritanie a été travestie, aussi bien par les colons que par les Mauritaniens eux-mêmes. Faut-il alors la réécrire, pour se l’approprier ? Depuis que le président de la République s’est emparé de cette question « sensible » de notre histoire, les media publics, comme gagnés par la frénésie, ont pris le relais. Les propos présidentiels sont passés presque en boucle et les témoignages fusent de partout. Comme si nous venions de nous découvrir une autre histoire de notre résistance face aux colons, comme si nous devenions d’autres résistants à la colonisation. Devons-nous donc avoir honte de l’histoire que nos ancêtres nous ont laissée, jusqu’à tirer un trait sur ce patrimoine ?

La sortie présidentielle vient, semble-t-il, en écho à des écrits de certains intellectuels qualifiés d’« extrémistes » décidés à prendre comme une espèce de revanche sur l’histoire écrite par les Mauritaniens avant et après l’indépendance du pays. Ces intellectuels sont qualifiés de théoriciens du « grand Sahara » rassembleur de l’ensemble maure. Une histoire entre ceux du Nord, de l’Ouest, du Sud et du Centre. A en croire certains analystes et observateurs, le nom donné au nouvel aéroport de Nouakchott – « Oum Tounsy » – participerait à cette guerre des tranchées. Divers écrits ont tenté d’éclairer les Mauritaniens ignorants des tenants, péripéties et aboutissants de cette « bataille ».

Aujourd’hui, la question semble prendre une autre dimension. Elle ne serait presque plus historique mais politique. Le pouvoir est suspecté de mettre les pieds dans le plat, alors que la réécriture de l’histoire devrait relever d’historiens et d’intellectuels indépendants, pas d’intellectuels suspectés d’« extrémisme ». Cette forte implication du pouvoir, dans cette reconquête de la « résistance armée » contre les colons français, prête le flanc à ceux qui suspectent le pouvoir de vouloir tirer un trait sur certains valeurs et symboles du pays, sur certains résistants mêmes. Le changement du drapeau et des paroles de l’hymne national entrerait dans cette guéguerre Nord-Sud. Sommes-nous embarqués dans une contre-résistance ?

 

KT