Si j'avais un tant soit peu de courage et d'intelligence politique j'écrirais un livre, « La Primaire expliquée aux Nous Z'Autres »... Ne possédant ni l'un ni l'autre, je me contente, donc, d'admirer la pensée qui me fait penser que je pourrais être et courageuse et intelligente. Admirer une pensée d'une pensée étant un exercice facile et, somme toute, peu dangereux, je pense que je pense et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes (eskey Voltaire).
Mais revenons à nos chameaux : La Primaire. Je ne parle pas de couleur primaire, ni de primaire d'accrochage, ni de primaire primaire (CP niébé), ni de primates. Mais de cet exercice, très étrange pour les Nous Z'Autres, où un parti se choisit, via un vote de ses adhérents et de n'importe quel citoyen, contre une petite contribution (en France, 2 euros), un candidat pour une élection présidentielle. Et où même un ancien président, tout agité et vindicatif qu'il soit, peut se retrouver éliminé au premier tour. Bref, de l'exercice démocratique dans toute sa splendeur...
Vous imaginez un peu le même exercice chez nous ? Par exemple, l'UPR en pleines primaires ? Exercice dangereux. D'abord, il faudrait trouver un dépressif suicidaire qui irait annoncer, au chef, que, dorénavant, à partir de cet instant T, à l'endroit X, à l'heure B, le Chef ne serait plus que chef en sursis et qu'il lui faudrait passer par le vote des militants, des sympathisants et, même, des ni militants et ni sympathisants... Des dépressifs suicidaires, nous en avons. Mais des dépressifs suicidaires souhaitant, réellement, se suicider, il y en a moins. Et des candidats à l'annonce, pas un.
De deux, il faudrait aller expliquer, aux dinosaures et aux caciques, que, Z'à partir de ce moment, il y aurait des cours de démocratie participative. Ouui, M'sieur ! De trois, il faudrait envoyer, là aussi, un désigné volontaire, faire le tour des popotes (entendez, par là, le ban et l'arrière-ban tribalo-féodal), expliquer le principe du choix d'un candidat. Pas gagné... Mais, heureusement pour nous, le Président en place ayant trucidé l'émissaire dépressif et suicidaire, point de primaires ! Cette action éliminant, d'office, toutes les autres tentatives, nous voilà délivrés de ce mal occidental.
Une primaire ? Quelle horreur ! Que Dieu nous en garde. Nous nous sentons très bien dans notre fonctionnement. Nous, nous aimons les Chefs. Les vrais. Ceux qui roulent des mécaniques. Ceux à qui l'on embrasse la main, à chaque fois qu'ils la tendent. Nous leur embrassons, même, la main qu'ils ne tendent pas. Nous sommes très forts à ce petit jeu. Nous aimons les chefs qui chouchoutent leur cour, la transportant de- ci, de-là, jusqu'à Tidjikja parfois. Une cour, ça s’aère. Et le Chef aussi.
Nous aimons les partis forts (qu'ils soient dans l'opposition ou dans la majorité) où les têtes de partis sont nommées à vie. Un Chef ne peut être chef en pointillé. Un chef reste chef toute sa vie... Ça nous rassure. Qu'aurions-nous à faire d'un Chef qui se ferait élire par ses militants ? Beurk. Bien une idée de Blancs, ça... Mais tout le monde sait que les Blancs sont faibles, trop bavards, pas assez dans l'action. Ce sont des blancs, quoi.... Ils ont eu la bêtise de couper la tête à leur ancien chef et, depuis, ils nous la jouent « démocratie », « Primaires », « peuple », etc.
Nous, nous faisons à l'envers. Nous couronnerions bien la tête du Chef du moment. Nous lui offririons bien des mandats présidentiels infinis. Car le Chef se parachève. S'il ne le fait pas tout seul, nous le faisons pour lui. S'il ne réclame rien, nous réclamons pour lui. S'il ne veut pas, nous voulons pour lui. Nous sommes ses « aides-chef ».Des primaires ???? Et puis quoi encore ? Ça ressemblerait à quoi, des primaires dans un pays où La Cérémonie de Ralliement tient lieu de pensée politique ? Pffuitt...
Et puis, des Primaires, ça coûterait cher. Encore des voix à acheter, encore des yayeboy à distribuer, encore des émissaires envoyés partout dans le pays, même dans les endroits infréquentables, pour porter la bonne parole.... Encore des chefs de tribus à caresser dans le sens du haouli. Encore des meetings et des meetings, et des squattages de plateaux télés, et des affiches encore plus ridicules que celles utilisées pour les présidentielles.... Des heures et des heures, pour chaque candidat, à rallier le groupe, la famille, la tribu, la sous-tribu, les alliés, les sous-alliés, les alliés lointains, et les alliés proches, les alliés pour l'occasion... Une vraie géométrie amoureuse.
Et tout ce grand machin bidule chouette, tous ces efforts, pourquoi ? Pour voter ? Que nenni, comme diraient, en vieux français, nos amis du Nord, que nenni ! Nous, on va se contenter de décliner l'offre et laisser, à nos amis et collègues occidentaux, leurs particularités et leurs faiblesses. Gardez vos Primaires, nous gardons nos Chefferies à Hommes Forts ! Et les chameaux seront bien gardés. Des Primaires... mais quelle idée !
Salut
Mariem mint Derwich