Ce que les Mauritaniens appellent « le dixième souci » est particulièrement éloquent et simple. Schématiquement, faire preuve de dixième souci – mauritanisation de l’hexagonal « cadet de mes soucis » – c’est quand votre robinet est défectueux et qu’au lieu d’aller lui chercher un plombier, vous préférez partir jouer une partie de pétanque, pour revenir, le soir, crier qu’il n’ya pas d’eau à boire. Faire le dixième souci, c’est exactement ce que certains présidents africains sont entrain de faire. Aller aux Etats Unis pour faire un détour, avec Madame, par Paris et claquer quelques centaines de milliers d’euros qui pouvaient bien servir à autre chose que d’enrichir les bijoutiers de France ou les couturiers des Champs-Elysées. Faire le dixième souci, c’est quoi, sinon s’offrir le spectacle des acrobaties commémorant le débarquement des alliés à Aix-en-Provence, alors que les prix du gaz ont augmenté au pays ? Gagner les remerciements du président français. Pas plus. Merci aux soldats africains qui ont aidé les Alliés. Merci au Sénégal, au Maroc, à l’Algérie, au Niger, à la Mauritanie. C’est tout. Pour ces mots, seulement. Faire le dixième souci, c’est quoi, sinon compter les ruelles de Paris et les détours des Vosges, quand quelques petites gouttelettes de pluie ont déjà fait nager les populations de Nouakchott dont les immondices narguant le ciel se disputent le peu d’espace encore respirable aux mouches et aux gens. N’est-ce pas le dixième souci que d’allonger ses pieds sur le confortable lit d’une suite parisienne à cinq étoiles, quand le charretier de Leghreïga peine pour sortir son attelage des eaux boueuses des ruelles de sa favela ? Oui, peut être, comme qui dirait un président n’à rien à voir avec ça. Oui, peut être, c’est vrai, mais à condition de ne s’être pas proclamé président des pauvres. En ce cas, on roule pour eux, on préside pour eux, on est pour eux. Et puis, n’est pas Oumar (Mohamed) Ould Abdel Aziz qui veut. Le sommet est fini. Vive la base ! Convocation ou invitation ? C’est quasiment la même chose. Puisqu’on y va quand même. Voir Obama et mourir. Ou voir Obama et sourire. Trente-sept milliards de dollars. Ah, ça ce n’est pas rien ! Mais c’est, comme on dit en Hassanya, « La gomme de l’autruche ». Amère et ensablée. Un sommet de contradictions qui prouvent la mauvaise foi des Etats-Unis. Pourquoi des indésirables comme Afewekri de l’Erythrée (accusé de soutenir les Chebabs somaliens) ? Comme Mugabe (anti- occidental) ou Al Bachir (objet d’un mandat d’arrêt international) ? Pourtant, il n’y a que leurs amis dont trois (les présidents des deux Congo et celui du Burkina Faso) s’apprêtent à tripatouiller leur constitution nationale pour briguer un troisième et, peut-être, un énième mandat, en suivant. En réalité, sur les quarante-sept présidents présents au sommet Afrique/Etats-Unis, à quelques très rares exceptions près, ce n’étaient que putschistes, prédateurs ou les deux à la fois. Des hommes très forts, pour des institutions très faibles, autour de Barak Obama qui disait, en 2009, au Ghana, que l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts mais d’institutions fortes. Mais comment soutenir Sissi et avoir l’outrecuidance de parler de démocratie ou de légitimité ? L’argent, toujours l’argent. Il n’a pas d’odeur. L’argent, d’abord, les principes, ensuite. L’Afrique était là, il y a des milliers de siècles. Mais dans trente ans, elle sera au centre de l’économie mondiale. En termes de terres cultivables, en termes d’énergies renouvelables, en termes de potentialités minières et de ressources humaines. Il ya déjà la Chine et l’Union Européenne qui se disputent le futur hypermarché. Impossible que les Etats-Unis soient en reste. Les éligibles aux financements privés et publics américains ? Quelles sont les conditionnalités d’éligibilité ? Ancrage démocratique, environnement sécuritaire garanti, mécanismes judiciaires indépendants ? Et quoi encore, pour avoir droit à l’argent américain ? C’est, encore une fois, comme la gomme de l’autruche : amère et ensablée. Alors, bon appétit !