Sous le haut patronage de son Excellence Mohamed Ould Abdel Aziz, s’est tenu, en République Islamique de Mauritanie, un « forum » dénommé « Dialogue National Inclusif ». Ce dernier avait vocation, en notre sens, de rassembler les composantes de la « mosaïque multiculturelle mauritanienne » aux fins d’asseoir une manière de «pacte social nouveau », expurgé de la « négrophobie raciale ambiante » ; débarrassé des clivages socio-économiques d’une élite politico-religieuse prédatrice et de la prégnance des castes ; lucide face aux dangers du fanatisme religieux et de l’intolérance encouragés par « un salafisme arabo-berbère » en nette recrudescence ; mettant un terme à la stigmatisation des militants « africains » abolitionnistes et/ou anti-esclavagistes.
Certainement ou vraisemblablement, les sensibilités du « multiculturalisme mauritanien » réunies à cet important « forum » se sont dispensées de celles qui portent haut la voix de nombreux « négro-mauritaniens » ostracisés, dépourvus de droits citoyens, ravalés au bas de l’échelle sociale, économique et sociétale.
Si tel est le cas, le « Dialogue National Inclusif », initié par le sommet de l’Etat mauritanien, ne court-il pas le risque d’être « inclusivement » contreproductif ?
L’exclusion des militants abolitionnistes et des ONG anti-esclavagistes n’irait-elle pas jusqu’à légitimer « les allégations d’une certaine opinion » farouchement convaincue de « l’existence d’un apartheid arabo-salafiste » dirigé contre les « Africains mauritaniens » ?
Héritières des mouvements Almoravides de reforme de l’Islam conduits, dès le VIIIème siècle par des prédicateurs, « la vision séparatiste empreinte de haine » et « l’exclusion raciale » qui perdurent de nos jours en Mauritanie, ne confortent-elles pas les conjectures d’une bonne frange de la Société civile, de certains opérateurs économiques et leaders des droits de l’homme qui soutiennent qu’il se construit progressivement en Mauritanie, au mépris des lois et de la constitution un « système de gouvernance » calqué sur « le développement séparé », arrimé à « la taxinomie des castes », générateur de « l’exclusion sur fond de fanatisme religieux et d’instrumentalisation de la Justice mauritanienne » ?
Auparavant, l’introduction du chameau en Mauritanie par les grands nomades arabes au IVème siècle et l’invasion berbère qui s’ensuivit, repoussant des peuplades noires autochtones constituées d’agriculteurs et chasseurs installés depuis le néolithique, n’ont-elle pas généré au fil des siècles, « l’hégémonie factuelle arabo-berbères » en Mauritanie ?
La prégnance des castes issue de la culture, du folklore et de la langue arabe Hassanya diffusés au XVème siècle par les arabes maqil n’est-elle pas venue alourdir le fardeau des discriminations en Mauritanie ?
Il reste qu’au delà des discriminations, frustrations et pratiques esclavagistes culturellement tolérées et religieusement régentées, la République Islamique de Mauritanie a connu une explosion démographique de la population négro-mauritanienne.
Le lourd héritage historico-religieux et politique de la Mauritanie sera assumé par l’intégration citoyenne, économique, sociale voire sociétale des négro-mauritaniens et non par la recherche des solutions d’exclusions qui seront, tant qu’elles sont pratiquées, des menaces pour la paix et la stabilité de la Mauritanie.
N’est-il dès lors pas compréhensible que le CRAN s’insurge contre le parti-pris viscéral et ignominieux en Mauritanie, d’une élite politique, religieuse, prédatrice, résolue à réduire au silence toute personne revendiquant l’application de la loi 2007-048 du 3 septembre 2007 portant incrimination de l’esclavage et des pratiques esclavagistes en Mauritanie ?
Aux questions qui précèdent, nous devons à la vérité de dire qu’il serait prétentieux d’apporter des réponses appropriées. Il demeure néanmoins d’une urgence salutaire d’entreprendre à l’échelle de toute l’Afrique et de tous les Africains, « une vigie permanente » afin que soit allégé le lourd héritage historico-religieux et politique sous le faix duquel ploie la Mauritanie.
En tant que Vice-président du CRAN chargé de l’Afrique et des Affaires Internationales, j’ai dans le cadre sus évoqué, commis une correspondance en date du 25 août 2016, soucieux d’apporter « la modeste contribution africaine d’un enfant d’Afrique » à l’apaisement du climat de haine, de frustrations, et de résurgence des fanatismes d’essences diverses qui règne en Mauritanie.
Le silence assourdissant réservé à notre correspondance par la plus haute autorité mauritanienne et la perplexité que nous pose la radicalisation du pouvoir vis-à-vis des militants abolitionnistes condamnés, et aux dernières nouvelles, déportés dans le désert de Bir-Moghrein à mille deux cent kilomètres de Nouakchott, lieu de la juridiction qui leur a infligé la peine et où, selon la loi Mauritanienne, ils auraient dû la purger, le choix du désert de Bir-Moghrein n’est rien moins qu’un bannissement destiné à faire mourir dans l’oubli et à l’abri des regards, les 13 militants abolitionnistes transférés dans un lieu cristallisant tous les dangers .
Face à la tournure dramatique voire tragique que prennent les événements sus mentionnés, nous consentons en âme et conscience, à vous livrer la teneur de l’interpellation adressée à la plus haute autorité mauritanienne
Paris, le 05 Octobre 2016
Guy Samuel NYOUMSI
Président de Solidarité Africaine de France
Vice-président du Conseil Représentatif des Associations Noires de France (CRAN),
Chargé des Relations avec l’Afrique et des Affaires Internationales
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