Contre toute attente et à l’encontre même de son salut économique, la Mauritanie de Mohamed ould Abdel Aziz s’est départie de sa neutralité, dans l’affaire du Sahara. Pour rien, surtout pour rien. Il nous ramène plus de trente ans en arrière, comme au temps du régime putschiste et d’exception des années 80. A l’époque, les chefs militaires de la junte, se croyant en pays conquis par leurs armes, faisaient fi des légitimes préoccupations de bon voisinage de leurs compatriotes.
Maintenant plus que jamais, nous ne pouvons espérer relever les défis qui nous assaillent, sans une fructueuse coopération économique régionale, fondée sur le respect mutuel de tous nos voisins, en particulier ceux qui ont les moyens de contribuer à la réussite des enjeux économiques auxquels notre pays est confronté ; en l’occurrence, le Maroc, notre grand partenaire et voisin du Nord. Ensuite, le voisin est là, qu’on le veuille ou non. Dieu a voulu, justement, qu’il soit placé là. On n’a pas le choix. Il faut faire avec, pour autant qu’on souhaite relever les défis auxquels nous faisons face.
Parmi ceux-ci, il en est un, majeur, que je tiens à traiter dès le début, car il y va de notre salut national, alors que nos dirigeants semblent le négliger. Il s’agit de l’emploi dont on doit maximiser les offres et les opportunités, sur le marché du travail. Seule la lutte contre le chômage, cause principale des problèmes de société, tels que l’intolérance, l’extrémisme et la haine raciale, est la voie de notre salut pour un monde meilleur, un monde de cohabitation et de cohésion nationale.
Le chômage pose de graves problèmes humains, sociaux et politiques, particulièrement pour les couches les plus vulnérables. Quand un pays est prisonnier du cercle vicieux de la pauvreté et du sous-emploi, il ne peut échapper à la violence sociale et à l’instabilité. Pour le monde moderne, le chômage représente un fléau que certains ont pu comparer aux famines d’autrefois. Il a certes toujours existé mais il s’est fort développé, ces dernières décennies. Comme dans « La peste des animaux », « tous n’en mourraient pas mais tous étaient frappés». L’emploi est donc un bien précieux. Il constitue, pour la société, un rempart contre le creusement des inégalités sociales et les différentes formes de précarité.
Donnez, en priorité, du travail aux jeunes mauritaniens et vous verrez comment les choses vont évoluer favorablement, sur les plans humains, sociaux et sécuritaires. Mais le problème est que, chez nous, il n’y a pas de prise de conscience d’une politique active de l’emploi, dans l’opinion publique et, même, dans les hautes sphères du pouvoir. Comme je l’ai souligné dans un article précédent, les infrastructures ne servent à rien, lorsqu’elles sont bâties sur des rancœurs et, en conséquence, des confrontations. On en a vu les effroyables effets destructeurs en plusieurs pays d’Afrique et au Moyen-Orient.
L’enjeu est de relever, plus que tout, le taux d’insertion professionnelle à même d’assurer de nouvelles embauches, entraînant la réduction du chômage. C’est sur ce thème de l’emploi que j’ai réfléchi et présente, aujourd’hui, quelques propositions d’analyse et suggestions d’orientations. Une fois le constat posé, je ne pose, en fait, qu’une question : comment atteindre cet objectif d’emploi ? Peut-être, même de plein emploi car nous ne sommes pas très nombreux : trois millions ; et la population active n’en représente que quelques centaines de mille.
Commençons, d’abord, par décréter l’état d’urgence économique, pour la promotion de l’emploi. Porter le défi du chômage en priorité de toutes nos politiques sectorielles. Il est clair qu’il s’agit, là, d’un problème exclusivement national. Nous devons miser sur les offres d’emplois et faire, de notre combat contre le chômage, notre cheval de bataille, en augmentant l’attractivité, en matière d’investissement producteur d’emplois, par une dynamique de promotion apte à attirer les capitaux étrangers, en faveur de l’apprentissage et de la formation.
Les acteurs de l’entreprise et de l’emploi doivent pouvoir bénéficier d’une aide à l’embauche, pour les PME et les PMI, comme en certains pays. Et, répétons-le encore, nous ne pouvons espérer combattre efficacement le chômage, sans une intégration économique régionale, reposant sur des relations fraternelles distinguées et un sincère désir de collaboration avec nos voisins qui possèdent des entreprises et des multinationales susceptibles d’ouvrir nouveaux marchés, pour l’emploi des jeunes Mauritaniens.
Pour réussir efficacement le défi de la tolérance et de la cohabitation nationale, cette voie de salut passe, non seulement, par la promotion de l’emploi, auprès des jeunes diplômés, mais, également, par des stratégies visant à insérer, dans le marché du travail, les jeunes sans diplômes et sans formations, en appelant les entreprises à prendre le relais de la formation. La coopération économique permet, à un pays, de profiter de l’expérience et des compétences déjà acquises par le partenaire émergent. Cela passe par un véritable partenariat et une bonne politique de voisinage (gagnant-gagnant) qui peut nous ouvrir de nombreuses opportunités de cercles particulièrement vertueux, en matière d’emploi.
Sur le plan du co-développement, certains de nos voisins présentent des avantages indéniables, pour ce qui est de l’offre de travail. Ils peuvent être présents dans beaucoup de secteurs : banques, BTP, télécommunications, transports, agro-alimentaire, énergies renouvelables… et favoriser, ainsi, la collaboration Sud-Sud, pour la réussite de notre combat contre le chômage.
En vertu de notre rôle historique de trait d’union – qui dit union dit rassembler et non diviser – et de notre avantage géographique considérable, notre pays peut devenir un carrefour incontournable, entre le Maghreb mais aussi l’Europe, via ce dernier, et le continent africain. Ce carrefour sera, pour nous, une forte ouverture sur le monde extérieur, autorisant la circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux, favorisant ainsi l’investissement et la fondation d’entreprises qui fourniront de nouvelles opportunités de travail à notre jeunesse.
Ce rôle de carrefour peut nous ouvrir d’innombrables possibilités de cercles vertueux, permettant, à chacun, de vivre mieux, grâce aux entreprises nationales et à celles de nos partenaires, en tant que pourvoyeurs d’emplois. Il faut aussi mettre l’accent sur la fondation d’entreprises en Mauritanie, puisque ce sont elles qui génèrent les richesses et emploient les hommes. Ce qui ne peut se réaliser sans la stabilité. Une vérité, pourtant simple mais souvent perdue de vue, mérite d’être ici rappelée : la stabilité ne peut se réaliser sans développement et, réciproquement, le développement économique et social durable n’est possible que dans la stabilité.
Or le comble est que nos dirigeants ne manquent aucune occasion d’entrer en différend avec nos voisins. On dirait que nos responsables, au plus haut niveau, veulent détourner l’attention de nos populations des vrais problèmes. Ils excellent dans l’art d’empêcher les gens de s’occuper de ce qui les regarde. Pourtant, des opportunités et des offres existent, sur le marché du travail, que seule une collaboration économique permettrait de fournir. La promotion de l’économie, via de nouvelles opportunités d’emplois offertes par les entreprises, l’épanouissement et la prospérité du peuple mauritanien passent par des partenariats commerciaux avantageux, régionaux et internationaux. C’est surtout en supprimant, rapidement, les barrières commerciales et en poursuivant les efforts d’intégration que nos pays, auront, peut-être, le plus et le plus immédiatement, à gagner.
En vérité, la partie plaignante, dans ce manque d’entente avec nos voisins et, particulièrement, avec le Maroc, notre partenaire et voisin du Nord, est, en réalité, la Mauritanie. Le pays voudrait savoir jusqu’à quand l’intérêt supérieur de la Nation et les aspirations légitimes à la paix de son peuple seront foulées aux pieds, au détriment de son salut national qui réside dans une politique de relance de la coopération économique régionale, visant à accroître le taux d’emplois dans la population active en âge de travailler.
Lehbib ould Berdid
Chercheur et analyste, diplômé d’études supérieures de l’ITB