Soyons francs, n’ayons pas peurs des mots, appelons les choses par leur nom, il y va de notre salut commun : jamais le pays ne connut de tels discours, racistes de tous bords, incitants à la division des Mauritaniens, à l’extrémisme et à la haine raciale. Jamais le fossé de la discorde, entre les différentes composantes de notre société, ne fut aussi exacerbé, par les harangues de ces spécialistes de la désunion. Un pied-de-nez à nos dirigeants qui n’ont su mettre en place une politique de cohabitation nationale et engager la bonne stratégie, pour réussir le défi de la tolérance et de la cohésion.
Ne généralisons pas. Ces champions du mensonge et du chaos social ne représentent pas, Dieu merci, nos populations, du moins dans leur intégralité. Déjà, tout récemment, encore, des voix on ne peut plus patriotes, honnêtes et courageuses se sont élevées pour arrêter cette course insensée vers l’abîme où veulent nous précipiter ces adeptes de la discorde nationale. Mais ne nous cachons pas, non plus, la réalité. Evitons la politique de l’autruche qui cache sa tête sous son aile, pour ne pas voir le danger, avant de s’écrouler sous la balle mortelle de son chasseur.
Cette spirale de l’intolérance – et de la confrontation en conséquence, que Dieu nous en préserve ! – suscitée et alimentée par les discours de la haine et du mensonge de ces semeurs de troubles, ce sont nos responsables, au plus haut niveau, qui l’entretiennent, par leur désastreuse politique sans vision, creusant encore davantage le fossé, entre les populations elles-mêmes, d’une part, et, d’autre part, entre celles-ci et la classe dirigeante. Pourtant nos populations, loin du cynisme corrupteur de notre société contemporaine, ont vécu, des siècles, ensemble et ont tout en commun : d’abord, des liens de sang ; ensuite, l’histoire, la géographie, le Saint Coran et notre belle culture islamique, la même langue et les mêmes valeurs culturelles, pour certains ; ainsi que le même destin, pour tous.
Qui a vu les horreurs perpétrées, autour des Grands lacs, en Afrique Centrale et dans la Corne (Somalie, Sud-Soudan), les effroyables destructions en Libye, Syrie et autres pays, ne peut s’empêcher de se demander à quoi bon des infrastructures, si l’on est incapable de contrer les vélleités extrémistes de tous bords ? Ces goudrons, aéroport, université, etc., sont bâtis sur des rancœurs et des incitations à des conflits sociaux. Par leur manque de maturité – gouverner, c’est prévoir – nos dirigeants n’ont su ni anticiper ni remédier à ces phénomènes qui nous présagent un sombre avenir. On dirait même que nos dirigeants portent le germe de leur propre destruction – et de leur pays, hélas ! – comme l’apprenti-sorcier qui déclenche des forces obscures qu’il n’arrive plus à maîtriser.
Même à parier sur qui ferait la plus mauvaise affaire pour son pays, on ne trouverait pas mieux. Certains diront, peut-être, que j’exagère, que je divague, même. Soit mais même si je ne dis que la vingtième partie du probable, c’est à faire frémir. Ces appréhensions nous interpellent sur le manque de prise de conscience, dans l’opinion, quant à l’avenir de la Mauritanie. Et le comble est que ce n’est pas de nos media qu’il faut attendre les impulsions décisives. Pourtant, les moyens audiovisuels ne manquent pas. Hélas, les débats, à la télévision et à la radio, sont creux. Le niveau, en général, et les questions en particulier, des journalistes, ne sont vraiment pas formidables.
Je ne prétends pas avoir exploré tous les aspects du problème, loin de là, ni cerner les enjeux qui se posent à nous. Heureusement, d’ailleurs, car mon vœu est simplement d’apporter une contribution à la non-violence dans notre pays. En attendant, l’hypocrisie bat son plein. Lors d’une précédente visite présidentielle à l’intérieur du pays, un chanteur-crieur s’écria, comparant le président Ould Abdel Aziz à un sauveur quasi-suprême : « Ha, grand visionnaire et bâtisseur imbattable, quel bon vent, si avantageux, a bien pu donc t’amener chez nous ? » et ajouta, dans son élan d’enthousiasme, au milieu des cris de joie, que le départ éventuel de notre grand visionnaire et bien-aimé guide éclairé serait une véritable catastrophe pour le pays, comparable au déluge de Noé ! A mon humble avis, le génial crieur a dû céder, malgré son côté idolâtre, à un accès d’idéalisme naïf, à moins qu’il n’ait craint les barbouzes à l’entour. Dieu sait où nous mèneraient de pareils dirigeants, si entêtés à jouer aux apprentis-sorciers ! Et dire que nous en avons mieux encore, en attente, qui se profilent à l’horizon ! En reconnaissance du chaos qu’ils nous préparent, on devrait leur décerner, en plus de leurs trophées, des palmes d’or, à la mémoire des générations futures.
Mais le plus étrange, en tout cela, est que les gens sont devenus tellement indifférents qu’ils ne s’étonnent plus de rien. C’est cette apathie qui doit faire horreur, non pas les méfaits de tel extrémiste ou de tel ou tel homme politique. D’où vient donc que nous réagissons si faiblement, devant ce qui sème la haine et le mensonge, dans les cœurs des Mauritaniens ? Serions-nous comme des enfants effrayés qui courent, au passage de ces fantômes, se réfugier sur la poitrine réconfortante mais vaine de leur mère ? Ou est-ce dû au scepticisme corrupteur de notre société, si jeune encore mais déjà pervertie ? Ou, encore, à l’aveuglement de nos taupes apprenties-sorcières, obsédées par la mégalomanie du pouvoir, au point de tout laisser faire, afin de perdurer sur le fauteuil présidentiel ? Il ne leur manque qu’« Après moi, le déluge ! » de Louis XIV, après avoir ruiné son pays par des fêtes somptueuses.
Je laisse en suspens toutes ces questions qui n’en sont pas moins terrifiantes et sollicitent l’attention de chacun d’entre nous. De fait, notre pays doit relever de nombreux défis, avec, en priorité, celui de bâtir une nation unie, cimentée par l’islam qui nous rapproche les uns des autres. Soyons de ceux qui trouvent ces défis plus exaltants qu’accablants, de ces hommes de conviction qui prêchent la tolérance ! Qu’Allah le Clément et Miséricordieux sauve la Mauritanie, comme Il l’a sauvée, déjà maintes fois, de ces incitateurs de tous bords aux mobiles obscurs et porteurs de dangers !
Lehbib ould Berdid
Chercheur et analyste, diplômé d’Etudes Supérieures de l’ITB