Il faut sauter haut. Très haut s’entend-on souvent dire. Inutile de relever un pléonasme, puisque ce n’en est pas un. On peut en effet sauter bas. Très bas. C’est alors tomber dans une fosse. Au fond. Très au fond. Tout dépend d’où l’on vient. Si c’est du ciel, là, ça va faire vraiment très mal. Et dire qu’il y en a, chez nous, qui viennent directement du ciel... Alors, bonjour la chute très libre qui va conduire n’importe où ! Jusque chez les civils comme chez les militaires. Mais, quand on vient de n’importe où, c’est normal qu’on fasse n’importe quoi. C’est tellement évident, que ce n’est même pas sérieux de le dire. Je m’explique. Le Ministère de la Fonction publique et de la modernisation de l’administration a pondu un statut nouveau, pour tous les fonctionnaires nationaux. Sans commentaires. Rien à comprendre. Rien à savoir : tu étais ci, tu deviens ça. Ci c’est ça. Comme tout est tout. Et vice-versa. Les échelons peuvent désormais monter très là-haut, autant qu’ils veuillent. Accélère, y a plus de frein ! Les fonctionnaires peuvent aller cogner leur tête sur tous les murs de la République. Rien. Il n’y a que les échelons qui montent. Les catégories grimpent vers le haut. Naturellement. Puisqu’ici, personne ne peut prétendre grimper vers le bas. Plus d’administrateurs « Mbourou ». Les voilà redevenus inspecteurs ; « principaux », s’il vous plaît, inspecteurs « Croissant ». C’est moderne, tout ça, et, surtout, très économique : une mesure sans incidence financière. L’essentiel est ailleurs. L’éternelle supercherie des consultations chèrement rétribuées. Le bonheur est dans le pré, comme on dit, alors que chacun sait qui il est, s’il ne savait pas qui il était. Garay tu étais, garay tu redeviens, avec nouveaux échelons, date de la retraite et c’est tout. C’est très moderne d’apprendre quand tu redeviendras vieillard chômeur, cherchant embauche dans une école, privée ou publique nationale. Ça n’existait pas avant 2009. C’est à ajouter à la pléthore des grandioses réalisations : Ligue arabe, Aéroport international de Nouakchott, Présidence Union Africaine, goudron de Male, usine de lait de Néma, Boeing 737/800, prière de Kaédi, déguerpissement de la gazra Bouamatou, meeting stade de Mellah, contrat de Bessam avec Nasr du Liban, participation de deux athlètes et de six membres du comité olympique aux jeux de Rio, engagement de trois mauritaniens à Levanté en Liga, discours du 3 Mai 2016 de Néma, visite de la base de Lemreya, interview à Al Ahram et à France 24….. Qu’Allah aveugle celui ou celle qui nous « oeille » ! C’est quand on est en haut qu’on peut voir tout le monde. Ce n’est pas pour rien que les chefs sont, en général, dans des hauts. Par exemple « autrefois, pas maintenant », lorsqu’Aziz s’est fâché contre Sidi : Il l’a enlevé et mis à la place un Haut Conseil d’Etat. C’était un instrument perché sur la présidence, pour regarder les autres d’en haut. Imaginez si ça avait été un Bas Conseil d’Etat. Hé, ils n’allaient rien voir ! On ne voit pas d’en bas. La meilleure politique, c’est de regarder les gens d’en haut. Comme ça, on peut, au besoin, tomber sur qui l’on veut au moment où l’on veut, pour l’histoire qu’on veut. C’est ça, gouverner. Ce n’est pas seulement prévoir, c’est aussi être capable de tomber, d’en haut, à tout moment. Une fois encore, on ne peut pas tomber d’en bas. Vous pensez que le Haut Conseil de la Jeunesse est une sotte idée ? Il faut regarder la jeunesse, bien la regarder. Se la faire regarder par elle-même mais pas par n’importe qui d’elle-même. Comme on dit, la jeunesse, c’est dans la tête. Tu peux être vieux et jeune à la fois. Vieux physiquement, jeune mentalement. Encore cette foutue histoire de quotient intellectuel, âge réel et âge mental. Allez, hop, en avant pour les Hauts Conseils ! Haut Conseil Islamique, pour regarder la religion. Bientôt, le Haut Conseil de la Presse, pour regarder les journalistes. Le Haut Conseil du Sport, pour regarder les sportifs. L’ancienne gloire du football turque Suker est dans le collimateur d’Erdogan. Seuls les Hauts de n’importe quoi prémunissent contre n’importe quoi. Haut Conseil des vendeuses de légumes. Haut Conseil des Envoyés-crédit. Haut Conseil des Taxis 100/100. Haut Conseil des hauts conseils. Salut : ça c’est un simple conseil entre amis, à même hauteur de yeux…
Faites un petit tour à Nouakchott : allez de la plage des pêcheurs au Port de l’Amitié ou de cette infrastructure vers le carrefour dit Bamako ; partez d’Atak El Kheir 2 en direction de l’Est ; promenez-vous en divers quartiers de la capitale… Rassurez-vous, il ne s’agit pas de villégiature !