Pourquoi rebaptiser l’avenue Hassan II, à la veille du premier sommet arabe dans notre pays ? Une décision irréfléchie et inamicale/Par le colonel (E/R) Oumar Ould Beibacar

18 August, 2016 - 02:28

Selon une dépêche de l’Agence Mauritanienne d’Information datée du  mercredi 20 juillet 2016, ‘’une artère de Nouakchott a été officiellement dénommée ''avenue Al Qods'', lors d'une cérémonie présidée par le ministre de l'intérieur et de la décentralisation. Il s'agit de l'avenue reliant le carrefour communément appelé carrefour Ould Mah à celui de Nouadhibou. L'évènement a donné lieu à un mot de la présidente de la communauté urbaine de Nouakchott, dans lequel elle a souligné que cet acte illustre l'attachement fort que les mauritaniens portent pour Al Qods, en tant que lieu saint de l'Islam et capitale éternelle de l'Etat palestinien frère». 

Cet axe, carrefour Ould Mah- carrefour Nouadhibou, avait été déjà attribué à de hautes personnalités. Le tronçon carrefour Ould Mah-angle nord-ouest de la SNDE porte le nom d’une haute personnalité anonyme suite à une délibération du conseil communal entre 1960 et 2008, qui lui attribue le code de rue 24001-23086.

Le second tronçon angle nord-ouest de la SNDE- carrefour Nouadhibou, porte le nom de Hassan Ibn Youssef El Alawi alias Hassan II, roi du Maroc, conformément  aux délibérations  du conseil communal entre 2008 et 2013 et qui concernent  484 rues dont voici les références:   Délibérations N 21/CUN/2008, N13/CUN/2009, N15/CUN/2010, N 21/CUN2010, N 5/CUN/2011, N 11/CUN/2011, N 14/CUN/2011,N 5/CUN/2012 et N2/CUN/2013.

Ce tronçon, qui porte le code de rue  26002-42158-43002-44056, est composé de  trois rues : La rue 26002,  qui commence à l’angle nord-ouest de la SNDE jusqu’au carrefour Bana blanc, et traverse l’avenue Charles de Gaulle; la rue 42158-43002, qui commence au carrefour bana blanc, traverse l’avenue Yasser Arafat,  passe au sud du chantier de l’ambassade du Maroc et du stade olympique, et traverse   l’avenue Nelson Mandela et la rue  46056, qui commence au carrefour du stade et se termine au carrefour de Nouadhibou.

Al Qods violée et prise en otage depuis un demi-siècle

Al Qods est certes tout un symbole, elle constitue  la première Qibla et le troisième lieu saint de l’Islam. Elle fut prise après la défaite arabe pendant la guerre des six jours qui se déroula du lundi 5 au samedi 10 juin 1967 et opposa Israël à l'Égypte, la Jordanie et la Syrie. « Cette guerre fut déclenchée comme une « attaque préventive » d'Israël contre ses voisins arabes, à la suite du blocus du détroit de Tiran aux navires israéliens par l'Égypte le 23 mai 1967. Le soir de la première journée de guerre, la moitié de l'aviation arabe était détruite ; le soir du sixième jour, les armées égyptiennes, syriennes et jordaniennes étaient défaites. Les chars de l'armée israélienne bousculèrent leurs adversaires sur tous les fronts. En moins d'une semaine, l'État hébreu tripla son emprise territoriale.

 L'Egypte perdit la bande de Gaza et la péninsule du Sinaï, la Syrie fut amputée du plateau du Golan et la Jordanie de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est. » Depuis lors, le monde arabe est frustré et paniqué. Depuis cette date, les nationalistes arabes nasséristes et baathistes, au lieu de se mobiliser pour un sursaut national en vue de libérer la Palestine, cherchent par tous les moyens, à transformer cette cuisante défaite  militaire en une victoire politique de leurs leaders respectifs.

La réaction des bâtisseurs après l’agression sioniste

Dès le mercredi  7 juin 1967, la Mauritanie naissante, le plus jeune des Etats arabes, que seule la Tunisie reconnaissait, apporta un soutien diplomatique déterminant à ses frères à l’occasion de cette guerre. Ce jour là,  le père de la Nation téléphona à Wane Birane Mamadou, son ministre des Affaires étrangères,  pour lui demander de lui proposer une conduite à tenir  face à cette agression sioniste.

Celui-ci lui fit la proposition suivante: « Monsieur le Président, n’ayant pas d’armes ni d’armées à mettre à la disposition de nos frères arabes dans cette douloureuse épreuve, je vous propose la  rupture des relations diplomatiques avec les Etats-Unis d’Amérique,  qui soutiennent incontestablement l’entité sioniste. »

Monsieur Haiba Ould Hammody, se trouvait dans le bureau de Wane Birane Mamadou, au moment de son entretien téléphonique avec le président de la République. Le père fondateur, après avoir entendu la proposition de son ministre et après quelques minutes de réflexion, lui notifia l’approbation de sa proposition. Cependant, il chargera  son ministre de l’intérieur Ahmed Ould Mohamed Saleh de notifier cette importante décision à l’ambassadeur des Etats-Unis avec fermeté et mépris.

Ce dernier convoqua l’ambassadeur US, le fit attendre pendant quelques heures, dans sa petite salle d’audience non climatisée en cette période de grande chaleur. Il prit le temps de libérer tous ses visiteurs, avant de notifier officiellement et fermement au diplomate américain la décision irrévocable de rupture des relations diplomatiques avec son pays qui soutient notre ennemi, Israël. Il lui demanda alors de quitter notre territoire dans les 24 heures. Ainsi, c’est bien un ministre noir qui est à l’origine de cette décision historique qui honore la Mauritanie. Comme quoi, il n’est pas nécessaire qu’un mauritanien soit un nationaliste arabe, pour prendre des grandes décisions dans l’intérêt supérieur des arabes.

Le 7 juillet, la Mauritanie apporte à l’Egypte une contribution de 21 millions de francs CFA pour l’effort de guerre. En 1969, le mouvement El Fath pour la libération de la Palestine ouvre une représentation à Nouakchott, son personnel est doté de passeports diplomatiques mauritaniens. Voilà la courageuse réaction des bâtisseurs devant cette agression qui avait démontré l’inefficacité des armées arabes qui, au lieu de s’unir pour reprendre l’offensive  et tirer les leçons de leur cuisante défaite, continuent depuis un demi-siècle, de s’entretuer sur tous les fronts, dans des guerres fratricides incompréhensibles, de leadership.

Depuis plus de cinquante ans, Al Qods et toute la Palestine sont occupées par l’entité sioniste, sans que le monde arabe puisse obtenir ne serait-ce qu’une trêve pacifique offrant une vie décente aux palestiniens, en attendant des jours meilleurs, à défaut de libérer ces territoires par la force des armes. 

Le plus grand soutien d’Al Qods. 

Le roi Hassan II, que l’on veut rayer de la mémoire des mauritaniens pour faire plaisir sans doute aux ennemis du peuple mauritanien, les mercenaires du Polisario et leurs commanditaires, en rebaptisant son avenue au cœur de Nouakchott, est le chef de l’Etat arabe qui a le plus aidé Al Qods et les palestiniens. 

En effet, c’est à son initiative qu’avait été créé en 1975, par  l'organisation de la conférence islamique, le comité Al Qods pour mobiliser régulièrement la communauté internationale contre «la volonté d'Israël d'occuper, de judaïser et d'altérer les monuments de civilisation musulmans et chrétiens de la ville d'Al Qods, partie intégrante des territoires palestiniens occupés et capitale de l'Etat palestinien». 

Le comité Al Qods, dont le siège se trouve à Rabat, dispose d'une agence financière, intitulée «Bayt Mal Al Qods Acharif».  Cette agence, est un mécanisme institutionnel sous la supervision du Comité Al Qods, mis en place par l’OCI, qui a pour «but de sauver Al Qods-Est contre tout ce qui est de nature à altérer sa véritable identité, comme étant un symbole de cohabitation et de paix et apporter l’aide aux habitants et aux institutions palestiniennes dans la ville sainte».

Cette agence est alimentée par des fonds des Etats et des particuliers arabes. Le Maroc prend en charge plus de 85 % de son  budget qui permet à cette Agence de continuer à exister et de poursuivre la réalisation d’un ensemble de projets concrets. Depuis l’avènement du pouvoir militaire, notre pays n’aurait jamais apporté une aide quelconque à Al Qods. Le roi Hassan II avait présidé le comité Al Qods depuis sa création en 1975 jusqu’à sa mort en 1999, son fils Mohammed VI lui a succédé et continue à porter ce flambeau pour le bien-être des palestiniens.

 

Un grand ami de la Mauritanie

Le roi Hassan II était un grand ami pour la Mauritanie, il avait créé avec le père fondateur l’agence mauritano-marocaine de coopération, AMAMCO qui avait formé des milliers de cadres mauritaniens de toutes les spécialités et qui continue d’en former, sous l’appellation de l’AMCI, Agence marocaine pour la coopération internationale, malgré  les relations souvent conflictuelles avec le pouvoir militaire usurpateur.

Quand il était venu à Dakhla, pour recevoir l’allégeance des ressortissants sahraouis de notre Tiris Elgharbia, il leur aurait tenu les propos suivants : « J’accepte votre allégeance en tant que marocains, cependant je tiens à vous préciser que le Ouad Edheheb est un territoire mauritanien conformément à l’accord tripartite de Madrid entériné par le parlement marocain. Un jour la Mauritanie le réclamera et il lui sera restitué». Je reviendrai sur ce sujet ultérieurement pour plus de précision.

 

Face à la rupture des relations diplomatiques avec Rabat décidée unilatéralement par le pouvoir usurpateur, suite à la capitulation du 5 août 1979,  qui avait poussé son arrogance jusqu’à inscrire sur les passeports mauritaniens établis après cette date, le royaume frère du Maroc à côté de l’Afrique du sud et d’Israël comme pays ennemis, interdits de séjour à nos ressortissants, le monarque avait réagi honorablement.

Allié indéfectible du peuple mauritanien, pour lequel il a beaucoup de considération et d’amour, le roi Hassan II, au lieu de se formaliser face à cette attitude belliqueuse du pouvoir militaire, avait donné immédiatement des instructions pour préserver coûte que coûte les intérêts de tous les mauritaniens étudiants, stagiaires ou autres, civils ou militaires, et de faire comme si de rien n’était, ignorant ainsi, les tergiversations d’un pouvoir capitulard, impopulaire et partisan.

Auparavant, lorsque les algériens avaient renvoyé plusieurs de nos étudiants et  stagiaires civils et militaires qui se trouvaient dans leurs écoles au lendemain de leur agression contre notre pays, à travers leurs mercenaires sahraouis , le  9 décembre 1975, ils avaient tous été accueillis à bras ouverts par le gouvernement marocain et ont pu continuer normalement leurs formations.

La CUN minimise les 4 khalifes et les proches du Prophète PSL

 

Ce n’est pas en nommant ou en dénommant par opportunisme, des avenues anonymes, à la veille du sommet de la ligue arabe, qu’on peut aider Al Qods à se libérer. Une communauté urbaine qui minimise les compagnons du prophète Mohamed PSL et ses petits-enfants ne peut pas prétendre à glorifier l’Islam. La place réservée aux quatre Khalifes dans le plan urbain de Nouakchott, ainsi qu’aux deux petits-enfants du prophète Mohamed PSL démontre le peu d’intérêt que porte la municipalité à l’Islam et à son histoire.

 

L’avenue Aboubekr Essedigh, 1er  khalife, passe entre la présidence et la BCM,  traverse de Gaulle et Kennedy, passe entre les ambassades de France et de Libye pour se terminer à Monotel. L’avenue Omar  Ibn Elkhattab, 2ème Khalife, quitte Nasser, passe entre Mauripost et le bloc UMA, passe devant le ministère de l’éducation nationale, à l’ouest de la GBM, de la direction du domaine et de la BCM, passe entre la présidence et les ambassades USA, Allemagne, Algérie, Russie et se termine à l’angle nord-est de l’ambassade russe, symbole de l’athéisme, au carrefour Hôtel Elkhater.

 

Les avenues Aboubekr et  Omar se croisent à la BCM, centre des plus grandes opérations d’intérêts prohibés, le plus grand péché, comme pour témoigner des déviations de la République islamique. L’Avenue Ethmane Ibnou Affane, 3ème Khalife, quitte la mosquée saoudienne traverse de Gaulle, passe au nord de l’école Khayar, traverse Kennedy et se termine à l’ambassade de France.

 

 

L’avenue Ali Ibn Eby Taleb, 4ème Khalife, passe au nord de la nouvelle primature, au sud de la faculté des sciences, traverse Lamine Sakho et l’indépendance, passe au cœur de Noukta Sakhine, lieu de tous les interdits, traverse de Gaulle et Kennedy et se termine à l’hôpital national. Les  deux petits- fils  du prophète Mohamed PSL respectivement Hassen et Houssein se partagent  la rue qui quitte le carrefour Mauricenter  vers le nord et se termine  au carrefour  Soukouk.

 

Il est indécent de donner dans une République islamique, les noms de personnalités religieuses de  la dimension des compagnons du prophète Mohamed PSL, à des espaces publiques exposés à toutes les dérives et à tous les péchés. Il serait plus convenable de donner leurs noms à des mosquées comme la mosquée saoudienne, la mosquée marocaine, la mosquée qatarie, la mosquée des chorfas, la nouvelle mosquée de Diaguili entres autres. Ou bien de donner leurs noms à des  instituts islamiques comme l’Iseri, l’Université d’Aioun El Atrouss ou à des mahadras.

 

La communauté urbaine aurait pu rebaptiser l’avenue Jemal Abdelnasser la plus longue avenue (près de 5 km) et la plus belle, en lui donnant le nom d’Al Qods.  Ce pionnier du nationalisme arabe, idée laïque et raciste portée par des chrétiens arabes du Cham depuis la fin du 19ème siècle, est l’un des plus grands ennemis de l’islam et des musulmans, il est responsable de la mort de plusieurs milliers de musulmans dont plusieurs centaines d’oulémas parmi la confrérie des frères musulmans, et qui n’a jamais gagné une bataille contre Israël, ni apporté un soutien quelconque à notre pays. 

 

C’est pour la première fois dans l’histoire du monde arabe, qu’une avenue déjà attribuée à un chef d’Etat, est dénommée avec autant de médiatisation. Cette décision improvisée des autorités municipales, qui consiste à renommer l’avenue Hassan II, prise au plus mauvais moment, est inopportune et provocatrice  et doit être rectifiée rapidement pour ne pas entacher les liens séculaires de fraternité, d’amitié et de bon voisinage entre le royaume chérifien et nous, indispensables au bien être de nos deux peuples.