Procès des membres et d’IRA et des habitants de la gazra Bouamatou : Un test

4 August, 2016 - 03:02

Le procès des 13 membres du directoire d’IRA Mauritanie et des neuf habitants de la gazra située en face de l’hôpital de la fondation Bouamatou va s’ouvrir, ce mercredi 3 août, sauf report de dernière minute, devant la Cour Criminelle de Nouakchott.

Ce procès, qui devra démontrer encore  l’indépendance du judiciaire par rapport à l’exécutif, se tiendra sous haute tension. Le verdict constituera un baromètre. Le pouvoir est soupçonné par plusieurs milieux, de « vouloir, profiter de cette situation, pour (enfin) décapiter l’encombrant mouvement abolitionniste, après avoir toléré non sans mal l’activisme de cette organisation ». Nouakchott voit, en effet,  d’un mauvais œil, les distinctions et autres récompenses glanés ça et là par le leader abolitionniste et surtout la récente réception en grande pompe que le département d’Etat américain, avec en prime John Kerry au premier plan, leur a réservée. Il fallait, soutiennent certains observateurs, contrer ce regain d’activisme et surtout ce vaste élan de popularité, en discréditant, à travers la « casse », une organisation connue pour sa lutte pacifique.

 Plusieurs appels à la mobilisation générale ont été lancés sur les réseaux sociaux conviant les sympathisants de l’organisation abolitionniste à venir soutenir les détenus.

Mis sous mandat de dépôt, le 12 juillet dernier, les 22 présumés accusés avaient été déférés, une semaine après leur incarcération, suivant la procédure du « flagrant délit » et mis en examen pour «attroupements armé et non armé », « violences exercées envers les agents et fonctionnaires de l’Etat au cours de l’exercice de leur mission », par Cheikh Taleb Bouyahmed, le procureur de la République de Nouakchott Ouest. Par rapport aux chefs d’accusation et à la juridiction chargée de les juger, le régime espère de lourdes peines à l’encontre des prévenus afin que cela serve d’exemple.

Un collectif d’une quarantaine d’avocats, dont plusieurs des ténors du barreau mauritanien, s’est  constitué pour défendre les Inculpés et fait  d’ores et déjà feu de tout bois et affûte ses armes.

Ce pool de conseils reproche à l’accusation une  kyrielle de « violations des procédures judiciaires du début à la fin » « et allègue « d’un dossier vide ». Les avocats de la défense soutiennent, dans leur argumentaire, que «  les détenus ont été arrêtés en dehors du lieu où se sont déroulés les évènements dans lesquels ils sont (supposés être) impliqués ». Le  troisième vice-président d’IRA Diop Amadou Tidjane  a été  interpellé vingt-quatre après les incidents ; Balla Touré (48 heures après) et enfin, le reste des détenus  plusieurs jours après. Ce qui, aux yeux des avocats, remet en cause la «procédure de la flagrance du délit » retenue par le procureur de la République de Nouakchott Ouest, à l’encontre des abolitionnistes.

« Les arrestations, perquisitions sans mandat d’un juge ainsi que des gardes-à-vue en dehors des procédures légales, aussi bien dans la durée, que dans l’exigeante présence des avocats et des familles dans les premières heures de détention comme l’exige la loi»  suscitent la réprobation du  pool d’avocats.

Des traitements  inhumains et dégradants

Des traitements cruels, inhumains et dégradants auraient été  employés à l’encontre des prévenus. Balla Touré, Moussa Birame, Abdallahi Matallah Saleck, et Amadou Tidjane Diop ont été privés de sanitaires, de sommeil, enchaînés et suspendus par des cordes plusieurs heures durant, les yeux bandés et menottes trop serrées, révèlent leurs proches. Le troisième vice-président a été humilié par ses bourreaux qui l’ont menacé de mort, abreuvé d’injures et l’ont déshabillé, durant l’interrogatoire.

D’ailleurs, le prévenu Moussa Biram est apparu, le 12 juillet dernier, devant le procureur avec des signes de sévices corporels : « Nous avons signalé au procureur que le prévenu présentait des traces d’hématomes sur les poignets et sur les pieds et qu’il urinait du sang»,  avait alerté  Me Bah Ould Mbareck, dans une déclaration de presse. Il avait soutenu  que le détenu était « régulièrement tabassé au niveau des pieds. Nous avons demandé au procureur de faire une réquisition pour élucider ce fait. Il a refusé», avait-il déploré. Son état s’est nettement amélioré, selon sa famille.

Les familles des prévenus et les coordinations de IRA à travers la diaspora dressent une liste des tortionnaires constitués des commissaires principaux El Hadi et Ahmed Baba Ahmed Youra, l’inspecteur de police Hassane Samba, les officiers de police, Alioune Hassane et Lemrabott  ainsi que les brigadiers Ould Amar et Oumar NDiaye , impliqués dans les actes de torture et de traitements affligeants à l’encontre des membres du directoire de IRA.

Pour rappel, le 30 juin, une opération de déguerpissements de populations haratines squattant depuis deux décennies, un terrain privé en face de  l’hôpital de la fondation Bouamatou tourne à de violents accrochages, entre policiers et citoyens. Des blessés sont enregistrés de part et d’autres et un bus de la police est incendié. Répliquant, la sûreté se livre dés le lendemain à une série d’arrestations, ciblant essentiellement les membres d’IRA.

Lourdes ou clémentes, les peines qui seront infligées à l’encontre des prévenus boosteront encore l’audience et le capital de sympathie du mouvement IRA. Reste à savoir comment Biram Dah Abeïd et Brahim Bilal Ramdhane manœuvreront en cas d’emprisonnement  des figures de proue de son bureau exécutif.

KAAW THIERNO