Les chefs d’Etats arabes tiennent ces jours-ci un sommet dans un contexte qui n’a plus besoin d’être qualifié ou expliqué, même pour la dernière ménagère ou le dernier berger vivant entre Dakhla et Ras Al Khaima. La lucidité des humbles est déconcertante, non pas que la situation arabe générale ait besoin d’efforts ou de compétence exceptionnels pour être clarifiée -elle est limpide- mais parce que le bon sens de la masse contraste avec l’égarement ou l’étourdissement des élites.
La tenue d’un sommet n’a rien d’étonnant, ce qui étonne infiniment davantage est que le sommet arabe ne soit pas permanent, ouvert, si sa justification réside dans des circonstances préoccupantes, graves ou désespérées pour les Arabes.
Quoi de plus préoccupant, de plus grave, de plus désespéré qu’un peuple dans lequel joue depuis des années la faucille aveugle de la mort, qui compte ses morts, ses réfugiés, ses blessés, ses veuves et ses orphelins par dizaines de millions ? Un peuple dont l’infrastructure a été détruite, les systèmes éducatif et de santé remis en friche, dont l’économie est dans un état de dévastation avancé et dans lequel la misère et l’analphabétisme, qui ont cédé beaucoup de terrain au cours des décennies passées, reviennent au galop, poussant devant eux de gros bataillons d’enfants tendant la main pour éprouver la générosité ou la compassion des frères qui ne sont pas encore dans le cercle du feu.
Si tout concourt à un sursaut exceptionnel, à une mobilisation générale sans précédent, à l’abandon des vieux oripeaux, des armes émoussées et des méthodes inopérantes en période de crise, tout montre, au contraire, que les élites et les dirigeants sont hypnotisés, pris dans une torpeur qui les rend manifestement incapables de réfléchir et d’agir. Ils ont perdu tous leurs repères et ne veulent pas croire leurs yeux. Ils se débattent comme des naufragés, cherchant à s’accrocher à la moindre planche fuyante, dans un désarroi pathétique. Ils ne veulent pas voir cette réalité déconcertante, ces faits insupportables mais irréversibles et définitifs.
Il y a comme besoin d’un nouvel alphabet pour lire les faits irréfutables, rien de l’écriture habituelle n’est plus valide pour comprendre, ni a fortiori pour agir.
C’est le lieu de rendre hommage à la mémoire du roi Fayçal Ibn Abdel Aziz et du président Houari Boumedienne qui, en 1967 et 1973, sont restés debout, quand tout est tombé.
Et pourtant, aujourd’hui, il n’y a pas le moindre mystère. La situation se résume en ceci :
- L ‘Occident-Israël, qui n’a jamais vraiment laissé les Arabes en paix, observait une trêve unilatérale. Il y a mis fin. Il a déclenché une offensive généralisée contre les Arabes, contre leurs Etats et contre leurs dirigeants.
L’Occident-Israël tient pour une question de vie ou de mort la subordination des Arabes. A la vérité, depuis toujours, tout contact avec les Européens a été conflictuel. Quoi de changé depuis les Anciens Egyptiens, au temps de Thèbes, il y a 4000 ans ? Dans la hiérarchie qu’ils établissaient des nations, ils disaient que leur race était suivie des Noirs, suivis eux-mêmes des Asiatiques, enfin les derniers étaient, à leurs yeux, les Européens, « les plus sauvages de tous ». Ils semblent bien avoir été en contact avec eux. Daech ne dit pas autre chose. Personne, évidemment, ne dirait que Romain Rolland, Emmanuel Mounier ou Jean Jaurès sont des méchants ou que Bernard Shaw et Bertrand Russell sont autre chose que des humanistes. Daech lui-même ne dirait, certainement pas, que J-P Chevènement ou Dominique de Villepin sont des ennemis des Arabes.
Tout laisse à croire que ces deux hommes peuvent pénétrer, sans danger, dans les zones contrôlées par Daech. Personne parmi les Arabes, quelle que soit son étroitesse d’esprit, ne confondrait les humanistes et les progressistes Occidentaux avec les colonialistes modernes qui gouvernent l’Occident. Qu’à de commun avec les Bush et la famille Clinton, Noam Chomsky ?
Il y a une autre lignée, celle de Lord Balfour, des Socialistes de l’Agression tripartite de 1956, des Généraux français exterminateurs d’Alger et des Aurès, du Lyndon Johnson de 1967, du R. Nixon de 1973, dont les émules gouvernent aujourd’hui l’Occident.
- L’Etat régional __ issu de la division opérée par les nombreux Sykes-Picot __ a échoué. Personne ne peut plus soutenir qu’il est encore en son pouvoir de protéger la population, lui assurer la sécurité, ni de lui créer les conditions matérielles d’une vie acceptable. Il n’est même plus capable d’assurer sa propre sécurité. Il s’effondre partout comme un château de cartes. Ceux qui restent encore debout ont les bases sapées et l’Occident-Israël guette le moment opportun pour donner l’assaut final, sous prétexte de chercher quelque obscur « terroriste », hypothétique, prétendument tapi dans l’obscurité du palais présidentiel et bientôt dans le palais royal.
- La troisième évidence caractéristique de l’étape actuelle est que le peuple arabe manque de leadership.
Cette carence ou cette insuffisance est démontrée, soulignée, par deux faits patents :
A – La compétition sourde, feutrée __ ils ménagent sans doute l’avenir pour un possible partage d’influences ___ que se livrent depuis une dizaine d’années deux nations étrangères, l’Iran et la Turquie, pour s’emparer du poste vacant et rejouer un vieux remake dont les Arabes n’ont jamais oublié les horreurs et dont les blessures, en dépit du temps, ne se sont jamais cicatrisées.
B – L’émergence fulgurante de Daech (l’Etat Islamique), qui a ravi le leadership au vu et au su de tous. En effet, la nature a horreur du vide.
Le leadership arabe n’a rien à voir avec le leadership régional. Il y a autant de leaderships régionaux qu’il y a d’Etats sur l’aire arabe. Le mode de recrutement des deux formes de leadership n’est pas le même. Ils n’obéissent pas aux mêmes règles et ne sortent pas de la même porte.
Le leadership régional commence par une prise de pouvoir qui se produit ou se maintient soit par la force, soit par les urnes, c’est-à-dire par l’argent dans la démocratie d’exportation de l’Occident ? La différence entre la démocratie d’origine et la démocratie exportée est de même nature que celle que distingue les garagistes de Nouakchott entre les pièces de rechange d’origine et celles dites de Taiwan.
Le leadership régional est l’affaire de gens qui ont la même carte d’identité. On considère les autres Arabes comme des étrangers. On y parle généralement non pas d’avenir lointain et de stratégie, mais de présent et on pallie à l’inconsistance des faits et des choses par l’emphase des mots et l’illusion de l’imagination. On parle de bonheur (illusoire), de lendemains qui chantent (quel hymne ?), de développement économique (fallacieux) et de grandeur (basée sur la division d’un peuple et la petitesse des Etats). Ces voix et ces gestes sont à peine perceptibles dans un monde où seuls les géants ont voix au chapitre.
Le leadership arabe, lui, n’est pas un pouvoir, c’est une force douce, fondée sur l’adhésion et la conviction des masses qu’on n’administre même pas mais qui obéissent à un simple geste, un simple mot. Il est envahissant, gagnant les cœurs et les âmes, du Golfe à l’Atlantique, s’infiltrant dans les demeures des pauvres et des illettrés en même temps que les palais des grands.
Le leadership arabe n’a pas besoin de force ni d’argent. Il est en lui-même une force et une richesse. Il opère par et avec l’énergie diffuse, enveloppante, invincible, de 400 Millions d’Arabes.
Le leadership, au niveau arabe, ne se décrète pas, il se mérite. S’il ne se décrète pas, il se postule néanmoins. Comment ? En formulant simplement les aspirations des Arabes… Si l’on veut concentrer à l’excès, ou résumer, ces aspirations en un mot ce serait celui de Dignité. Qui refuse aux Arabes la dignité, depuis qu’ils se sont débarrassés, il y a un siècle, de la Turquie ? Il faut nommer le coupable ! En quoi consiste cette dignité ? Qu’est-ce qui peut encore redonner aux Arabes, dans leur misère politique et morale actuelle, cette dignité ? Il faut l’articuler !
Le premier pas commence inévitablement par désigner l’ennemi principal des Arabes : l’Occident-Israël. Le deuxième pas consiste à dire en quoi réside la dignité des Arabes : la création de leur Etat unitaire.
C ‘est en désignant l’ennemi des Arabes que Daech a conquis les cœurs de millions d’Arabes. Si Daech avait mis en exergue le projet national des Arabes, si cher à leurs cœurs, et qui est en attente depuis un siècle, il aurait été non seulement invincible mais indétrônable du leadership. Mais Daech n’a pas posé expressément la revendication principale des Arabes et de ce fait son leadership est un leadership par défaut, parce que simplement personne n’a été plus explicite pour mériter la vraie aura à laquelle les Arabes obéiront spontanément. N’empêche, Daech est plus avancé que tous, au point que beaucoup de ceux qui sont complètement opposés à ses méthodes et à son idéologie n’acceptent pas de contribuer à son dénigrement, pour ne pas faire le jeu de l’Occident-Israël.
Il est dans la nature des choses de faire des concessions à l’ennemi secondaire. C’est bien la leçon que nous donne l’Occident- Israël, lorsqu’il a déclenché l’offensive généralisée de longue haleine contre les Arabes, en faisant des concessions à l’Iran, cet autre ennemi des Arabes qui ne change jamais, qu’il soit gouverné par un Chah ou par un Ayatollah.
L’Iran, un ennemi qui ne change pas
Dans le contexte actuel, il est bien difficile de dire ce que peuvent faire les dirigeants arabes, soumis qu’ils sont aux pressions, aux menaces et au chantage des Occidentaux. Du reste, il est de plus en plus amoral de s’attaquer à ces dirigeants ___ sauf ceux qui s’enorgueillissent d’être des agents de l’Occident ___ dans la mesure où cet Occident les considère, en règle générale, comme des ennemis à abattre. A aucun prix il ne faut faire le jeu de l’ennemi, exactement comme il est indéfendable de participer à la campagne contre Daech.
Ce que nos gouvernants peuvent faire d’utile c’est désormais de regarder le soleil de midi fixement, sans ciller. Est-ce possible ? Oui, si leur analyse du chaos actuel est juste. Ce qu’ils peuvent faire est, de toute façon, mesurable par le degré de courage où ils sont prêts à aller. Che Guevara disait qu’il y avait un paradoxe qui le déconcertait, c’est l’attitude des militants communistes orthodoxes. Il disait qu’ils sont prêts à se à laisser découper en morceaux dans le fond d’un cachot, sans laisser échapper un seul secret du parti, mais qu’ils sont incapables de prendre une arme pour la défense de ce parti. Ce n’est peut-être pas le cas du Président Abdel Fetah Sissi, mais l’attitude du Président Sissi, dont personne ne peut mettre en doute le courage, rappelle quelque peu ce qu’on raconte en Mauritanie à propos du lion, le roi des animaux. Quand le redoutable fauve tue sa proie, si c’est un chameau il le balance sur son dos et le transporte à son antre, si c’est une chèvre, au contraire, il la traîne jusqu’à son repaire.
Toujours est-il que le Président Sissi n’a pas estimé utile ou possible ou adéquat de parler au nom du peuple arabe et de lui dire le langage de la vérité dont il a besoin aujourd’hui. Beaucoup d’Arabes désemparés considèrent aussi que la Direction saoudienne a le devoir moral de prendre le gouvernail du bateau arabe à la dérive. D’autres encore pensent que la Direction saoudienne et le Président Sissi peuvent et doivent agir de concert, en tandem, pour redonner confiance aux Arabes, définir une stratégie de salut et guider la marche générale déboussolée.
On peut résumer ce qui est indispensable et urgent en quelque point :
1 - La nécessité de désigner les adversaires par leurs noms. Les ennemis objectifs des Arabes doivent être définis à partir de critères objectifs, irréfutables. Ce sont d’abord et essentiellement les étrangers qui opèrent en terre arabe, les armes à la main. C’est donc, principalement, les Occidentaux et l’Iran. Le cas de la Russie est particulièrement délicat et quelles que soient les agissements actuels des Russes, il est difficile de les loger à la même enseigne que des ennemis séculaires. La Russie n’a jamais était notre ennemi, bien au contraire, elle a toujours été à nos côtés, tout au long du siècle dernier, contre les Occidentaux-israéliens. Ce passé honorable et inoubliable ne leur ouvre aucun droit à nous tuer. A l’inverse il devrait les inciter à ne pas dilapider leur crédit auprès des Arabes et à préserver leur image de marque, loin du détestable exemple de l’Occident-Israël. Qu’ils aient été contraints de tomber dans ce panneau par la crainte de perdre leurs positions et par les manœuvres de l’OTAN nous le comprenons. Il leur appartient, s’ils veulent préserver la vieille amitié des Arabes, de trouver une issue rapide et c’est aux chefs d’Etats arabes, naturellement, de leur fixer les lignes à ne pas franchir.
2 – Il faut définir une nouvelle stratégie commune. Comme il est clairement établi que nous sommes l’objet d’une agression, il faut y faire face par :
- La recherche de nouveaux alliés. Il n’y a pas des milliers d’alliés possibles. Les alliés éventuels sont définis par leur autonomie à l’égard de l’ennemi principal, l’Occident-Israël, et, dans une seconde considération, par leur capacité technologique, économique et militaire. La Russie et la Chine répondent, en priorité, à ces critères. La Corée du Nord est un autre allié naturel.
- Une capacité nouvelle de résistance et de défense. Elle ne peut être fournie que par l’institution d’une Armée arabe où tout citoyen arabe peut s’engager en qualité de volontaire, à condition, bien entendu, qu’il n’y ait pas de rumeur rédhibitoire qui court derrière lui. Une Armée arabe sera dissuasive pour les ennemis et pourra agir sans gêne et sans crainte d’être taxée de partialité en tant que force d’interposition et de maintien de l’ordre dans les zones troublées. L’Armée arabe ne remplace pas les armées régionales existantes, mais elle se substitue à celles qui n’ont plus d’existence et revêtent le caractère odieux de milices dévastatrices, comme en Irak, en Libye et au Yémen.
- Il faut instaurer, logiquement, l’économie de guerre et l’austérité. Les réalisations de prestige et les grands projets n’ont plus de sens. Comme on l’a constaté, ce sont simplement des cibles pour l’aviation occidentale, le jour proche où viendra le tour des autres. Aujourd’hui il n’y a plus rien qui garde encore un sens en dehors de l’organisation de la résistance et de la défense.
- Si l’on veut encore garder un minimum de crédibilité auprès de la masse des citoyens arabes, il faut demander instamment aux étrangers en armes de quitter sans délais notre terre. Aucune raison, aucun alibi, ne saurait justifier leur présence. Cette présence, sans notre invitation et sans notre accord, est scandaleuse. dcbcdhité, depuis qu' les urnes,ie?en un mot ce serait celui de Dignité. Qui refuse aux Arabes la dignité, depuis qu' les urnes,
Maitriser le monstre du chaos
Dans la guerre et l’anarchie où les Occidentaux nous ont jetés, les efforts les plus louables et les décisions les plus sages des chefs d’Etats ne suffisent plus si jamais ils l’avaient été. Il faut associer le maximum de compétences et de bonnes volontés arabes pour tenter de maitriser le monstre du chaos.
On peut se demander si les chefs d’Etats ne pourraient pas initier, concomitamment avec leurs sommets, un sommet de la société civile qui pourrait fournir des propositions et des analyses dans une situation de plus en plus volatile. Les organismes participants devraient être des ONG arabes et non régionales.
La société civile, elle-même, devrait sortir de son inaction et prendre des initiatives face à une situation déjà suffisamment grave mais qui est encore pleine de menaces et de dangers pour l’avenir. Le pire est sans doute devant nous.
Certaines personnes honnêtes et dévouées à la cause de leur peuple pensent qu’il est encore possible d’engager le dialogue avec l’Occident et même de le convaincre d’accorder aux Arabes le droit d’autodétermination et partant d’entrevoir la possibilité d’une coexistence pacifique. En engageant le dialogue, c’est vrai, nous ne perdons rien. Ou nous sommes confirmés dans nos convictions pessimistes ___ c’est le plus probable___ ou nous découvrons, avec une surprise heureuse, que nos ennemis reviennent à la raison, cessent de nous massacrer, se départissent de leurs préjugés et acceptent la paix. Il n’y a pas en effet une guerre sans fin.
Dans ce dialogue éventuel, deux groupes sont à exclure. D’abord les gouvernements parce que, d’une part, ils sont pris en otage par l’Occident et ne sont pas libres de leurs actions et de leurs paroles et, d’autres part, parce que les Occidentaux les dédaignent, ne les considèrent pas comme représentatifs de leur peuple et ne peuvent, en conséquence, pas se fier à leurs engagements.
La deuxième catégorie qui ne peut pas représenter les Arabes, ce sont les groupes liés idéologiquement à l’Occident, au point qu’ils ne pensent plus par eux-mêmes et sont de simples caisses de résonnance véhiculant, vulgairement, les slogans et la propagande de l’ennemi. Ils sont disqualifiés.
Pour représenter les Arabes, il faut d’abord leur inspirer confiance et être hors de tout soupçon au plan de l’honnêteté intellectuelle et avoir le courage de ses opinions. Il n’est pas nécessaire d’avoir la témérité du Cherif de la Mecque, Hussein, ou du Mufti de Jérusalem, Haj Amin Husseini, ni le militantisme sacerdotal, ou soufi, de Michel Aflaq pour le panarabisme. Ils peuvent même être en rapport avec l’Occident, sans avoir pour autant vendu leurs âmes au Diable.
Si les Occidentaux cherchent, ou acceptent, de trouver avec les Arabes un terrain d’entente, les premiers pas devraient être effectués par un groupe de personnalités représentatives qui ont le sens de la responsabilité et sont préoccupées et conscientes du drame des Arabes et de leur problème de fond.
On peut, dans cette perspective, penser aux personnalités suivantes :
- Le prince Hicham ben Abdalla Al Alaoui,
- Le diplomate émérite Lakhdar Ibrahimi,
- L’intellectuel palestinien Azmi Bechara,
- L’intellectuel libanais Gilbert Achcar,
- Le cheikh supérieur d’Al Azhar,
- Le pape orthodoxe d’Egypte,
- Le Mufti de Jérusalem,
- L’archevêque de Jérusalem,
- Un représentant du centre d’Etudes de l’Unité arabe de Beyrouth dont la raison sociale le désigne automatiquement pour cette mission et qui regroupe un grand nombre d’intellectuels de grande qualité. Il est indiqué qu’il assure le secrétariat de cette mission de bonne volonté.
Il n’est pas facile de convaincre les Arabes de l’opportunité d’une telle initiative et de l’éventualité hypothétique des bonnes intentions des Occidentaux. C’est pourquoi, il est nécessaire de dire, sans ambages, qu’une telle approche, pour être couverte sur ses arrières, si l’on peut dire, et jouir de la fiabilité requise devrait bénéficier de la bénédiction du plus notoire et du plus conséquent des résistants actuels à la domination occidentale, l’homme qui, de surcroit, depuis sa prime jeunesse, a dédié sa vie à la lutte pour l’émancipation et la dignité du peuple arabe. Il n’est pas nécessaire de nommer Ezzett Ibrahim Ad-Douri.
Discuter avec les Occidentaux, mais quels Occidentaux ? D’abord ceux qui détiennent le pouvoir, les agresseurs, ceux qui nous massacrent et détruisent notre pays. S ‘ils s’y refusent ou si les contacts avec eux s’avèrent infructueux, il faudra, alors, discuter avec leur société civile, les leaders d’opinion et de partis et les intellectuels qui, sont sans haine et peuvent reconnaître nos droits légitimes et nos justes revendications. La première de nos revendications est notre droit à créer notre Etat national, sans lequel il n’y aura jamais de dignité.
L’Etat unitaire est la seule perspective pour sauver les Arabes, le seul projet susceptible de changer leur destin, un changement qualitatif.
La vie dans le cadre étroit de l’Etat régional leur a inoculé le complexe d’infériorité et l’habitude et le sentiment de dépendance d’un protecteur étranger sont devenus une nature. Le projet unitaire en fera des hommes à part entière, les élèvera de l’état de parias, de comparses du jeu des nations à protagonistes respectables et respectés, parce que toute Unité arabe est révolution, la plus radicale de toutes. Le Chérif Hussein l’appelait, en 1916, « le royaume arabe ». Même royauté elle demeure, par nature, révolution, alors que toute révolution confinée dans le cadre d’une région est, par nature, réaction, nouvelle prison pour les masses populaires.
Certains d’entre nous ont toujours rêvé d’une république sans Nomenklatura, une république où s’interpénètrent les conceptions généreuses de Michel Aflaq et de Léon Trotski, les idées lumineuses d’Ernesto Che Guevara et de Herbert Marcuse avec l’égalitarisme de Gracchus Babeuf. Mais, si un roi venait à prôner l’Unité des Arabes, ils seront ses plus fidèles supporters, plus heureux de le servir comme balayeurs de rue que comme ministres d’un Etat régional.
Personne ne sait où mènera l’aveuglement des Occidentaux. L’augure qui avait été tiré, il y a quelques années, de l’élection de Barack Obama et de François Hollande ne s’est pas confirmé et le paradoxe déjà ancien le hiatus qui sépare la production intellectuelle des Occidentaux de leurs comportements est de plus en plus troublant, de plus en plus béant. Voilà des gens qui ont créé une brillante culture qui ne devrait produire que des cœurs nobles et des âmes élevées et qui, pourtant, font de l’agression et du massacre des autres une règle de conduite. Il ne reste aux Arabes, dans ces conditions, qu’à faire front et à résister. En un mot : mourir debout.
M. Y. B.
Source : eclairages.mr