Voilà près de deux mois que les Mauritaniens attendent la formation du nouveau gouvernement. Toujours rien, huit jours après la prestation de serment du président Mohamed ould Abdel Aziz, réélu pour un second et dernier mandat à la tête de la Mauritanie. Les ministres de la République attendent dans l’anxiété, tous s’interrogent sur leur avenir. Resterai-je ou non ? Mohamed Ould Abdel Aziz, qui détient la clef de l’angoisse, n’en a cure : l’homme court à travers le Monde, préside ou assiste à des forums internationaux, tandis que la République patine, presque à l’arrêt. Dans leurs bureaux, les ministres consacrent l’essentiel de leur temps à la recherche de signes annonciateurs de leur maintien au gouvernement d’Aziz II. Les supputations vont donc bon train.
Le PM pourrait rester… comme il pourrait également partir. Son départ serait interprété comme un premier signe d’ouverture vers l’opposition, une volonté de donner des gages quant à la volonté du pouvoir de lui retendre la main. L’autre signe annonciateur de cette volonté serait la promesse d’organiser des élections municipales et législatives anticipées. Une façon de permettre, à l’opposition boycotteuse des scrutins locales de revenir dans le jeu politique. Une perche que n’hésiterait certainement pas à prendre le FNDU, si un minimum de concessions lui était accordé, dans la mesure où l’avenir de nombre de partis de l’opposition en dépend. Cinq ans d’absence de la scène politique risquent en effet de faire disparaitre plusieurs formations, incapables de survivre sans subventions de l’Etat. Les cotisations de leurs militants se révélant d’autant moins suffisantes que beaucoup d’entre eux se détourneraient de leur parti, devant les portes de promotion désespérément closes.
Certains cadres du pouvoir se demandent, cependant, si le jeu en vaut la chandelle. Mohamed Ould Abdel Aziz réélu, confortablement, par les Mauritaniens et disposant d’une majorité au Parlement n’a que faire d’une opposition qui ‘’ne propose que le boycott’’, selon les termes mêmes de ses soutiens. Ils estiment que c’est elle qui a choisi de rester en marge du processus électoral, qu’elle doit, par conséquent, assumer la responsabilité de ses actes et que le président de la République, pouvant largement se passer du FNDU, n’a aucun intérêt à lui offrir un cadeau sur un plateau d’or.
Mais ces beaux messieurs semblent également oublier que le président peut fort bien se passer des opportunistes qui l’entourent, et autre élus par défaut, et qu’il a besoin de sortir par la grande porte, si tant est que la Constitution reste verrouillée pour un troisième mandat. De fait, c’est dès à présent que se prépare la suite. Aziz voudrait-il marcher sur les pas du président Alpha Oumar Konaré, du général Sékou Bâ Bangoura, de la Guinée, ou, d’une certaine manière, d’Ely ould Mohamed Vall qui remit le pouvoir à un président démocratiquement élu, après une transition militaire de dix-huit mois ? Ou choisirait-il la voie de l’entêtement, se croire éternellement indispensable, à l’instar de Compaoré, Paul Biya, Sassou Nguesso, Kabila, Eyadéma, Obyang et consorts ? Ce n’est ni dans son intérêt ni celui des Mauritaniens. On attend donc un geste qui apaise son mandat et lui prépare une très honorable sortie par la grande porte…
Pour l’heure, on reste surtout préoccupé par la formation du nouveau gouvernement. La tradition républicaine, et démocratique bien évidemment, veut que le premier ministre remette sa démission au président de la république après l’élection présidentielle. Ce dernier aura alors le choix de le maintenir ou de charger quelqu’un d’autre de former un nouveau gouvernement. Depuis six ans, c’est Moulaye Ould Mohamed Laghdaf qui tient la corde. Va-t-il réussir à se maintenir à flot, quitte à donner l’image d’une continuité inhabituelle en démocratie ? Ou fera-t-il les frais des slogans présidentiels sur la nécessité de renouveler la classe politique?
La réponse ne saurait tarder. Ould Abdel Aziz s’apprête à aller en France assister au soixante dixième anniversaire du débarquement de Normandie. Et il ne va pas, encore une fois, laisser les mauritaniens sur leur faim.
Dalay Lam