La tête ne saurait devenir queue. Vieille sentence arabe, très originale. Du pur arabe, le vrai, celui de Sibawayh et d’El Khalil. Un autre El Khalil, pas celui de l’Assemblée nationale. Mais ça veut dire quoi, la tête ne saurait être la queue ? Un sommet, c’est un sommet. Pas une base. C'est-à-dire que les têtes pensantes de tous les arabes vont se retrouver ici, chez nous, pour réfléchir à quelque chose d’exceptionnel pour la base arabe. Attention ! Généralement, quand on parle de base, les gens pensent aux armes, parce que dans base, il y a militaire. Pourtant, base peut signifier, aussi, chantier de construction de route ou d’aéroport. Base militaire, oui. Mais, aussi, base civile, bourrée de fer, ciment, tracteurs, marmites, cuillères, cuisiniers, chefs de chantiers et autres petites gens qui gravitent autour. Bref, l’heure est au sommet arabe et à ses contingences. Un député, pas des moindres, a appelé à la mobilisation générale : Gens d’IRA non encore coffrés, « bandirabé » flamistes et autres non arabes, z’aidez-nous à bien réussir notre sommet ! Sachez que c’est un événement inédit ; que la République Islamique de Mauritanie est en train d’écrire l’histoire du monde arabe ; ne nous la faites pas rater, celle-là ! Cette opportunité de devenir arabe pour de bon. Une fois pour toutes. Ne soyez pas comme ces traîtres de la gazra de l’hôpital Bouamatou qui voulaient saboter le sommet, en refusant de dégager pour ne pas nous faire honte devant nos pairs ! Nos cousins, nos parents arabes ! Nous sommes un pays arabe. « Qui peut dire le contraire ? », me faisait marrer un facebookeur déchainé. Ah, ces méchants ! Ah, ces aigris ! Ah, ces moins que rien qui nous contestent notre arabité ! Voilà que le sommet nous la rend. Fièrement. Revisitez Max Planck et ses théories. C’est à cause de la tectonique des planques que nous sommes relégués ici, en ce coin si reculé de l’Afrique de l’Ouest. Regardez-nous bien : nous sommes arabes. Les autres qui sont là, avec nous, n’ont pas le choix d’être ou se démettre. Le Sénégal est tout près. Juste une enjambée. Le Mali aussi. A quelques encablures. Si tous pouvaient partir là-bas, en ziara, en attendant que nos cousins arabes repartent… Toutes les « bonnes » initiatives sont les bienvenues. Par exemple, que la Communauté urbaine décide d’arabiser toutes les pancartes sises sur les axes potentiellement visitables par nos cousins arabes. Avec force arabesques et graphie de droite à gauche. A bas la colonisation ! Maouiya était un fervent de l’arabisation, avec tout ce que cela a conduit de gros dégâts collatéraux. Au point qu’il avait sa tablette et son maître. Secret de Polichinelle, ses ministres, dont beaucoup ne pigeaient que couic de l’arabe, fréquentaient des classes d’alphabétisation. Re-secret de Polichinelle, les communications, en conseil des ministres, étaient obligatoirement faites en arabe, panaché de hassaniya. Ou en hassaniya, panaché d’arabe. Ce qui est quasiment kif-kif. Un ministre de l’Environnement de l’époque devait, raconte-t-on, présenter quelque chose sur le maraîchage. La veille, le ministre-colonel mobilisa tous ses souvenirs et frappa aux portes de toutes ses connaissances, pour s’enquérir du mot salade en arabe… Nous sommes un pays arabe, l’arabe est notre langue officielle. Ce n’est pas pour rien qu’un honorable député, très en colère, a déchiré un document écrit, en français, dans un pays arabe. Au sommet arabe, tout doit s’arabiser : les claviers, les clims, les immatriculations de voitures officielles, les griffes de costumes et de chaussures… Vigilance, vigilance ! Surtout pas de secrétaires ni de serveurs qui ne parlent pas arabe ! Il ne faut pas nous faire honte devant nos cousins. A partir de maintenant, cuisiniers, attention à votre menu ! Ce n’est pas un sommet de l’OMVS, c’est un sommet arabe. Donc, cachez-moi ces piments et poivres, soupou kandia, tiébou diène ou mafé que je ne saurais voir ! Vivent tagines, pains, bouillies, quartiers de viande et couscous, boissons dosées hautement soporifiques ! C’est à cela que se jauge la réussite d’un sommet arabe ! Salut.
Faites un petit tour à Nouakchott : allez de la plage des pêcheurs au Port de l’Amitié ou de cette infrastructure vers le carrefour dit Bamako ; partez d’Atak El Kheir 2 en direction de l’Est ; promenez-vous en divers quartiers de la capitale… Rassurez-vous, il ne s’agit pas de villégiature !