Moulay passe son Brevet d'Études du Premier Cycle (BEPC) au collège du Ksar. Pour le soutenir, je l’accompagne au centre d’examen, le premier jour. Devant le collège, l’attroupement des parents signale l’importance de l’événement, la visite du Ministre est attendue…
Arrivé au bureau, j’entends mon collègue Hamoud et ses parents parler de triche à l’examen mais je n’y prête guère attention. Ce n’est qu’en repassant au collège, à midi, pour savoir si le garçon a bien travaillé, que je découvre l’ampleur de la fraude et son étalage au grand jour, avec la foule des spécialistes en telle arnaque, installés devant l’établissement scolaire. Ils vaquent tranquillement à leur tâche, sans inquiétude apparente. La honte me prend à l’idée que mon fils puisse découvrir ces pratiques honteuses, délibérées et à découvert. A mon sens, la triche ne doit pas se crier sur les toits, on la garde pour soi, même après l’examen. En prétendant avoir des connaissances qu'on n'a pas, on ment. En obtenant un classement qu'on ne mérite pas, on vole la place de quelqu'un qui a travaillé dur, lui, pour l’obtenir. C’est une pratique impardonnable.
La triche « ordinaire » est souvent improvisée, parfois involontaire, même. Le regard se pose sur la feuille du voisin et l’on y pioche une bonne idée ou, comprenant qu’on a fait une erreur, on la rectifie… Mais que des élèves entrent, avec un téléphone ou une tablette, reçoivent des réponses aux sujets de l’examen par SMS et les recopient tranquillement, sans aucune crainte, c’est plus qu’exagéré : inconcevable ! Certains surveillants tournent même le dos aux élèves, pour les mettre dans les meilleures conditions ! Pire, un ami, directeur de collège, venu s’enquérir de la situation de ses élèves, m’a affirmé avoir observé un candidat se présenter à la foule, dehors, avec sa feuille d’examen vierge. Toutes les réponses ont été rédigées sur place et l’enfant est revenu en classe pour remettre sa feuille au surveillant. Même stratagème, à l’épreuve suivante, et sans plus d’inquiétude ! J’en ai conclu que tout était permis, au BEPC et, probablement aussi, dans les autres épreuves. Mais se rend-on compte qu’une telle atmosphère pourrie ne fait que mettre les enfants dans un esprit de falsification et les détournent de l’esprit de rigueur et de sérieux ? Certains parents d’élèves sont complices, inconsciemment, puisque c’est à tout prix qu’ils veulent la réussite de leurs petits.
A quinze heures, je retrouve Moulay ébahi de s’apercevoir qu’il a perdu son temps, à réviser ses leçons, alors que d’autres obtiendront de meilleures résultats, sans efforts. Comble, pour moi : son petit frère, Mohamed Lemine, est, lui aussi, venu à l’entrée du collège, cet après-midi, par curiosité, et a, malheureusement, assisté à la mascarade. Voilà qui m’oblige à leçon de morale à mes enfants, en l’espoir de les convaincre des méfaits de la fraude. Et des questions me taraudent : Moulay a-t-il triché ? S’il « réussit », mérite-t-il vraiment de passer ? S’il échoue, serait-ce qu’il n’a pas triché ? Dans tous les cas, le résultat n’a plus de sens…
Limam ould Moulay Oumar