En requalifiant les charges contre les militants anti-esclavagistes d’IRA-Mauritanie, la Cour suprême a ordonné de facto leur libération. Un geste salué par l’opinion nationale, les institutions de défense des droits de l’homme et diverses chancelleries occidentales, qui reconnaissent, toutes, une certaine indépendance de notre plus haute institution judiciaire vis-à-vis de l’Exécutif.
Une chose paraît pourtant certaine : la décision de libérer les militants anti-esclavagiste émane du Palais gris. D’aucuns l’inscrivent dans une dynamique de décrispation que le pouvoir voudrait enclencher, dans la perspective du dialogue annoncé pour bientôt – dialogue que la grande majorité de l’opposition, en l’occurrence, le FNDU, risque fort de boycotter – d’autres y voyant comme une façon de se rattraper de ce que d’aucuns appellent une bourde, commise à l’endroit de la communauté haratine, lors du discours de Néma.
Même si ce geste était attendu, il n’en demeure pas moins qu’il apparaît aux yeux de Samory ould Bèye, président du Mouvement EL Hor et membre du Manifeste des Haratines, comme « une victoire contre le système raciste et esclavagiste qui régente le pays depuis son indépendance, en 1960 ». Attendu parce que le tollé suscité, par les déclarations du Président à Néma, était devenu « insupportable pour le pouvoir ». En libérant Biram et Ould Ramdane, « il espère quelque peu calmer la grogne mais il se trompe lourdement. », ajoute Ould Bèye, « Nous attendions des mesures concrètes en faveurs de la communauté haratine. Ce fut plutôt la douche froide ».
Quant à Biram Dah Ould Abeïd, répondant à la question de savoir si son mouvement serait tenté par le dialogue en gestation, il ne s’en fait aucune illusion : « il s’agit d’amuser la galerie et l’IRA ne peut s’associer à une telle pantomime ». On s’attend cependant à des suites. Le président de la République demandera-t-il à rencontrer le président d’IRA-Mauritanie ? Avancerait-il, alors, quelques propositions concrètes qu’attendaient les militants anti-esclavagistes et les Haratines du discours de Néma ? Plusieurs analystes prédisent des réformes pouvant conduire à un tant soit peu de « rééquilibrage des charges de l’Etat ». Selon eux, le poste de vice-président que le Président veut introduire dans la Constitution, serait dédié aux Haratines, à défaut de leur réserver celui de PM. « De la confiture ! », tempête un cadre haratine qui réclame une véritable refonte de l’Etat, « pour faire, du Droit, la règle gestionnaire fondamentale de notre pays ».