Sacrée Mauritanie ! C’est inédit, historiquement parlant, que des mots clairement proférés en hassaniya fassent l’objet d’aussi mystérieuses interprétations. Pourquoi tout ce grabuge autour de quelques phrases prononcées, comme ça, mine de rien, dans un meeting populaire ? Ne dit-on pas que le grand dit son mot et le petit se tait ? Quoi de plus grand qu’un président qui a encore, devant lui, trois années de son second mandat ? Qui connaît la volonté d’Allah ? Y a que ça : personne ne sait de quoi demain sera fait. Comme l’ont dit les bons harratines aux mauvais harratines, le Président ne s’adressait pas à vous. Quelque chose comme soixante-dix enfants, certains à Tarhil, d’autres à la kebba du Wharf, Dar El Beïdha, Neteg ou Kossovo. Pour un salaire de cinq cent mille, ça ne va pas. A plus forte raison, pour un salaire de moins de cinquante mille. Mais, ça, c’est pas que les Harratines ! Il ne faut pas vous faire adresser ce qui ne vous est pas adressé. Ça, ce sont les séquelles de l’esclavage. Qui, soit dit en passant, n’existe pas que chez les Beïdanes dont vous n’êtes, mettez-vous bien ça dans le crâne, une bonne fois pour toutes, qu’une composante. Assalamou aleikoum : Aziz ne parle pas de vous. Mais depuis quelques temps, les Harratines ont la peau – et l’oreille – très fine. Compliquée Mauritanie... Expliquer le hassaniya en hassaniya : « Harratines » ne veut plus simplement dire anciens et descendants d’esclaves. Les vingt-deux meetings de Nouakchott avaient pour objectif de démontrer que le concept englobe, désormais, tous les Mauritaniens : libres et esclaves dans le même paquet. S’il y a insultes, c’et envers et contre tous. La majorité, c’est pas seulement que les Beïdanes et les Lekwar. Nooooon, c’est aussi les Bons harratines. A Néma et comme par enchantement, tous les Mauritaniens comprenaient, le 3 Mai, parfaitement le hassaniya. C’est pourquoi, comme le disait si bien un ministre harratine, si celui qui parlait est con, ceux qui l’écoutaient sont intelligents. Les oppositions, ce ne sont pas seulement les Beïdanes. Nooooon, c’est aussi les mauvais harratines, les Lekwars et les islamistes. Ces gens qu’il faut exterminer complètement, selon une proposition collinaire d’un certain conseiller présidentiel qui leur reprocherait d’être l’ennemi public numéro un, loin devant la mauvaise opposition, ennemi public numéro deux, juste devant quelques bandits de la Société civile, ennemi public numéro trois, qui ont inspiré un indélicat rapporteur spécial des Nations Unies sur la pauvreté, ennemi public numéro quatre peu reconnaissant et même pas comme les autres rapporteurs spéciaux. Lui ne semble guère avoir beaucoup apprécié notre méchoui national, assorti de nos si jolis petits plats d’hors-d’œuvre, dattes et de boissons si délicieuses, si bien servis par de si bons harratines, un vrai panachage. Avec de si jolis sourires de si belles demoiselles, dames et autres. Pouh ! Un rapporteur spécial qui ne sait pas apprécier le méchoui, le riz basmati bien assaisonné et le thé parfumé à la bonne menthe, ne peut produire que de mauvais rapports sur la Mauritanie ! Imaginez un rapporteur spécial missionné, par exemple, en Côte d’Ivoire, qui ne prenne pas goût au Aloko ou à l’Atiéké. Sûr qu’il ne racontera que des cracks sur ce pays ! Alors que, s’il sait bien danser le pépé décalé, qu’il boive un bon verre à la terrasse du grand Bassam, alors là, oh la la, il saura quoi et justement bien dire ! Un rapporteur qui rapporte des idioties est un mauvais rapporteur. Vraiment très spécial. Ça, au moins, c’est vrai. Et, manque de pot, le nôtre, là, de rapporteur est vraiment spécial. Mais il vient d’où, celui-là ? La pauvreté est partout. Elle n’est pas spéciale. Elle n’a rien de spécial. Il y a des beïdanes pauvres, Des kwars pauvres, des harratines pauvres. Il y a, même, un président des pauvres ! En Mauritanie, la pauvreté, elle est bien traitée : elle a son Président. Mais si le rapporteur spécial ne voit qu’une pauvreté spéciale, quoi faire, alors ? Rapporteur spécial. Pauvreté spéciale. Rapport spécial. Rapporteur. Equerre. Règle plate. Compas. Ardoise. Esclavage. Pauvreté. Racisme. Violences. Nouvelles formes d’exploitation. Quand on ne sait pas apprécier un bon méchoui, impossible d’établir un bon rapport. CQFD. Salut.
Il y a quelques semaines, un ancien fonctionnaire devenu conservateur de bibliothèque, Ahmed Mahmoud ould Mohamed, dit Gmal, publiait sur Facebook un post au titre évocateur : « La mémoire en décharge : quand les archives nationales finissent dans les ruelles de Nouakchott ».