Depuis deux mois les mauritaniens ont été occupés par les élections présidentielles, le jeûne du mois béni du ramadan et l’attente de l’investiture du chef de l’Etat qui a remporté le scrutin du 21 juin.
Le Président ayant été investi depuis le 2 août , la seule attente qui retient le souffle des uns et des autres est la question qui porte sur le futur PM et quels sont les Ministres qui auront la chance d’accéder au nouveau Gouvernement ?
Ces questions visiblement intéressent plus l’opinion publique que la situation de l’hivernage 2014 qui doit la préoccuper plus que tout autre sujet tant la vie de la plupart de nos citoyens et surtout en milieu rural en dépend.
Le ciel visiblement n’est pas généreux cette année et je n’ai aucun doute que l’hivernage cette année ne sera pas malheureusement bon .Il sera plutôt à tendance sèche avec de mauvaises conséquences sur les éleveurs et les agriculteurs.
Bientôt la première décade du mois d’août prendra fin et la majorité du territoire n’est pas encore arrosée même si on signale des pluies parfois mal reparties dans les deux Hodhs au Gorgol et au Guidimagha.
Ce que les observateurs avertis de la météo ne voient pas et que le simple curieux peut remarquer c’est l’apparition cette année de certains indicateurs qui n’annoncent pas en général un hivernage pluvieux.
Parmi ces indicateurs, la fraicheur ambiante à Nouakchott durant tout le mois du Ramadan, la rareté des nuages à basse altitude qui, dès le soir couvrent le ciel de la capitale en provenance de l’océan et faisant suffoquer les habitants de la capitale, la persistance des vents nord chauds dominant ceux de la saison (mousson), les rares cris nocturnes de grenouilles faisant appel à Dieu pour la pluie, l’absence d’insectes en grand nombre autour des poteaux électriques de la SOMELEC et ampoules extérieures etc.. .
Au niveau régional, l’absence de couvert herbacé vert en cette période autour des villes du sud en Assaba , aux Hodhs, et dans les régions du Brakna et du Trarza, le retard des semis en cultures pluviales renforce l’inquiétude sur cet hivernage.
Il est peu probable qu’on ait assez de pluies en août si l’on sait que les nuits bien éclairées de la deuxième décade lunaire du mois d’août font en général obstacle à toute formation nuageuse et provoquent leur dispersion. A ces facteurs s’ajoutent les prévisions météo qui n’annoncent pas de bonnes nouvelles pour la région. Il semble que le phénomène Elnino d’amplitude globale ;dont l’origine se situe sur le pacifique a pour conséquence un manque de pluies dans notre sous région.
Même si on doit rester optimiste et prier le créateur qui a dit que lui seul fait tomber la pluie après le désespoir , il faut tout de même se préparer aux pires scénarios dont le plus mauvais nous mettront en face d’une année à faible production agricole et sans pâturages dans certaines régions agropastorales du pays.
Il n’est point question de s’attendre à une bonne voir même moyenne production dans le système pluvial pour les cultures céréalières de base(petit mil, sorgho, maîs, arachide et niébé).Ces cultures qu’on sème souvent hâtivement pour combler les périodes de soudure avant les récoles de contre saison froide sont soit hors calendrier cultural soit en état de stress hydrique.
Du coté pastoral la situation est également préoccupante du fait de la rareté des pâturages dans certaines régions du pays qui, en situation normale devraient être à cette date en plein hivernage avec un couvert herbacé dense .C’est le cas de l’Assaba , des Hodhs et un peu moins pour le Brakna et le Trarza.
Il semble qu’un début de mortalité dans le cheptel de ces régions est constaté avec un mouvement de transhumance vers les zones arrosées à la recherche des marres d’eau et des pâturages. L’état sanitaire et l’embonpoint du bétail est certainement critique .Il faut ajouter à cette situation que du coté malien ou la transhumance de nos animaux est traditionnelle , les agriculteurs des régions frontalières du Mali ont l’habitude de chasser ces animaux de crainte de voir leurs champs dévastés.
Au plan du cycle végétatif des herbes de la saison en général situé autour de trois mois(Juillet- septembre),il sera difficile à partir de cette date de voir des pâturages denses pouvant satisfaire les besoins du bétail pour les mois prochains. La conséquence d’une telle situation est tout simplement une forte pression du bétail sur les bandes arrosées du sud e un déplacement important vers les pays voisins s’ils n’ont pas subi de mauvaises situations comme la notre.
Dans ce tableau plutôt pessimiste on remarque que je n’ai pas abordé la situation de l’hivernage dans les régions du centre et du Nord car en général elles sont arrosées à partir de la mi-août ou septembre et donc l’espoir est toujours plus grand.
Au vu de ce constat globalement préoccupant et afin de se préparer à tous les scénarios, les recommandations suivantes méritent d’être suivies :
- Organiser des prières dans toutes les mosquées du pays pour solliciter la clémence de Dieux et son secours.
- Le MDR doit procéder à une déclaration sans retard sur la situation actuelle de l’hivernage 2014 et porter le profil de l’hivernage aux décideurs.
- La première réunion du nouveau Gouvernement doit être consacrée à l’analyse de la situation agropastorale du pays et aux mesures d’urgence à prendre
- Le MDR et les départements concernées doivent dresser une situation claire et précise de la situation agropastorale du pays pour la présenter aux premières réunions du Gouvernement. Le Groupe pluridisciplinaire de ces institutions ne doit pas tarder à préparer cette situation avec tout le sérieux qu’il faut.
- En dehors des dispositions classiques que le MDR élaborent pour chaque campagne, il est prioritaire de se focaliser sur les dispositions qu’il convient de prendre pour une situation de crise et surtout bien préparer la contre saison froide et irriguée.
- Procéder dès à présent à une campagne de sensibilisation sur la pratique de cultures à cycle court pour le niébé et sorgho par exemple.
- Assurer la réussite de la campagne irriguée pour toutes les saisons e celle de la CSF pour les cultures hors riz.
- Vulgariser une bonne gestion de la vidange des barrages ayant retenu de l’eau au cours des premières pluies.
- Préparer un plan de gestion des parcours pastoraux et des points d’eau.
- Entreprendre dès à présent des discussions pour le passage transfrontalier de nos animaux et pour une période plus longue .
- Commencer à contacter les partenaires pour un éventuel appui en cas de situation de crise confirmée.
- Eviter de politiser la question du mauvais hivernage pour des fins de propagande.
- Assurer une bonne communication afin de montrer aux agriculteurs et éleveurs que les hautes autorités partagent leurs difficultés.
Ces recommandations qui doivent être déclinées en activités dans le cadre d’un plan d’action global approuvé par le Gouvernement une fois prise en considération pourront atténuer le niveau d’insécurité alimentaire qui plane sur le pays et réduire les souffrances des agriculteurs et éleveurs.
Mohamed Nemine
Ancien Directeur de l’Agriculture