Depuis que notre guide éclairé s’est déplacé jusqu’à Néma, pour nous gratifier d’un discours historique – « hystérique », disent les mauvaises langues d’une certaine opposition, celle qui ne voit pas le « grandiose » des réalisations de notre génie des sables, notre lumière du jour, l’artisan de notre démocratie – l’Union Pour la République (UPR, parti/Etat version PRDS, l’argent en moins) se découvre une nouvelle jeunesse. Cantonné, jusqu’alors, dans un rôle de faire-valoir, il flaire l’occasion, inespérée, de se rendre, pour une fois, utile. Le voilà à se lancer dans une campagne nationale d’explication du discours présidentiel. Ses responsables écument radios et télévisions locales, se lançant dans des commentaires parfois beaucoup plus alambiqués que le discours initial, qui ne brillait déjà pas particulièrement par la clarté, ni par le choix de ses thématiques, encore moins par les idées véhiculées. A ce petit jeu, le secrétaire général de l’UPR semble, pour l’instant, le plus fort. Emporté par son élan, il s’est permis un dicton mortel qui ne cesse, depuis, de faire le buzz sur les réseaux sociaux. Paralèllement à cette campagne de presse, ledit parti-Etat organise meeting sur meeting, dans chaque moughataa de Nouakchott, y dépêchant ministres et hauts responsables de ses structures et de l’Etat. Avec des fortunes diverses. Un ministre a failli se faire lyncher, un autre s’est fait caillasser. D’autres s’en sont sortis sans vraiment convaincre, tant l’explication paraissait hasardeuse. On y a évoqué, pêle-mêle, la nécessité du dialogue, en prenant soin, comme l’a fait le président à Néma, de traiter l’opposition de tous les noms. Etrange raisonnement. Il est en effet inconcevable d’insulter des partis nés avant vous, ayant fait leurs preuves sur le terrain et dont la raison d’être n’est pas le fait du prince, pour les inviter, en suivant, à s’asseoir autour d’une table. Pour un échange de coups de poing, peut-être ? On y a aussi analysé la décision présidentielle de supprimer le Sénat, un organe il est vrai inutile et coûteux. Mais les conseils régionaux qui le remplaceront ne seront-ils pas sénats en chaque région, tout aussi coûteux et inutiles que les mairies dépourvues de pouvoir réel, faute de moyens ? Le référendum pour changer la Constitution ? Expression d’une démocratie saine, certes, mais à condition qu’il apporte quelque chose de nouveau, pour la démocratie, et ne soit pas une perfide manœuvre pour tenter de s’éterniser au pouvoir. Et chacun y est allé de son couplet. Comme au bon vieux temps de la dictature, le chef est glorifié, son bilan magnifié et ses opposants cloués au pilori. L’Inquisition à la mauritanienne. C’est à peine si ceux qui sont dans l’autre camp ne sont pas frappés d’hérésie. La situation économique ? Elle n’a jamais été aussi bonne, selon nos brillants orateurs. Ils ont peut-être oublié que le taux de chômage, les prix des hydrocarbures et des produits de base, comparés au revenu moyen des citoyens, sont parmi les plus élevés au Monde, que notre endettement, interne et externe, risque de nous plonger vers l’abîme, que la chute des cours des matières premières est en train de jouer un mauvais tour à nos recettes en devises et que la dégringolade de l’ouguiya, face aux monnaies étrangères est devenue endémique. Faut-il leur rappeler qu’à la prise du pouvoir par leur champion, en 2008, un dollar valait 230 ouguiyas et qu’aujourd’hui, il est à plus de 350 ? En 1965, lors de l’accession à la magistrature suprême de Mobutu Sesé Séko au Zaïre, un dollar valait deux zaîres et à son départ, en 1997, il fallait une brouette remplie de billets pour acheter un seul pain. Devant l’incapacité de maitriser l’inflation, le Zimbabwé s’apprête, lui, à émettre un billet de cinq millions de ses dollars locaux. Notre chère ouguiyette sera-t-elle, à son tour, gagnée par l’hystérie ?
Ahmed Ould Cheikh