Nous avons suivi avec intérêt le discours du Président de la République Monsieur Mohamed Ould Abdel Aziz, à Néma, notamment ses passages relatifs à la question de l’esclavage et ses séquelles en Mauritanie.
A cet égard, nous avons noté avec tristesse et indignation qu’au lieu d’évoquer les véritables causes à l’origine de ce dérèglement sociétal multiséculaire, présentement parrainé et entretenu par le système qu’il dirige, le président s’est attaqué vigoureusement à l’une des plus importantes composantes du peuple mauritanien – les Haratine – victime depuis toujours d’une ségrégation pernicieuse et dont le degré de dénuement sur une aussi longue période devrait scandaliser tout le pays et le faire rougir de honte.
Non content de s’accomoder de la marginalisation de cette vaste composante du peuple mauritanien et de son exclusion systématique de l’ensemble des sociétés et administrations publiques et para publiques, lui déniant ainsi les droits les plus élémentaires de citoyenneté, le président s’en est pris violemment à cette communauté dans ce qu’ils ont de plus cher : leur honneur et leurs enfants.
Il exprime ainsi les sentiments refoulés, rétrogrades et racistes que ressentent les oppresseurs à travers l’histoire et sous toutes les latitudes devant l’accroissement du nombre des opprimés…
Dans la foulée de cette sortie intempestive, « Notre Président » a purement et simplement nié l’existence de l’esclavage en Mauritanie, traitant ceux qui militent en faveur de son éradication de fieffés menteurs et d’être des agents à la solde de l’étranger. Il a oublié qu’au sein de la région du Hodh Echarghi où il se trouve, des cas avérés d’esclavage ont été découverts au milieu du mois de Novembre 2015 et sont présentement devant la justice ; tout comme il ne s’est pas ravisé qu’il devrait, dans le cadre de son programme de visite à Néma, inaugurer les locaux de la Cour Pénale chargée de réprimer les crimes d’esclavage; crimes qu’il continue pourtant de nier.
Les propos du président fustigeant avec hargne, uniquement le prétendu taux élevé de natalité chez les Haratine, dégage une forte odeur pestilentielle de racisme odieux… Le comble de l’impudence fut que ces propos émanent d’une personnalité censée être au-dessus de la mêlée et non concernée par les contradictions sociales en tant que président de la République.
En guise de solutions aux graves problèmes de l’esclavage, des pratiques esclavagistes et de ses multiples séquelles comme la pauvreté, la privation et l’ignorance, le Président n’a donc proposé – comme solution finale - que son souhait de ne plus voir naître sur le sol mauritanien aucun enfant ayant pour origine, même très lointaine, des parents issus d’anciens esclaves. Comme si ces derniers rivalisaient en nombre avec les populations de l’Inde ou la Chine.
A aucun moment de son long discours, le président n’a dit mot à propos des solutions - fussent elles formelles - envisagées pour mettre fin à la souffrance de cette importante frange de notre peuple encore victime de l’esclavage et de ses séquelles.
Cette attitude empreinte de mépris et de dédain envers le peuple mauritanien dans son intégralité et plus particulièrement envers les Haratine, illustre en même temps le degré élevé de sarcasme et de méconnaissance profonde de notre peuple.
Est-ce là, la réponse du Président de la République, « champion de la lutte contre la pauvreté », aux marches organisées par le Manifeste pour les Droits politiques, économiques et sociaux des Haratines à Nouakchott et à dans plusieurs villes de l’intérieur du pays le 29 Avril 2016 ?
Le Manifeste pour les Droits politiques, économiques et sociaux des Haratine au sein d’une Mauritanie unie, égalitaire et réconciliée avec elle-même :
· Exprime son indignation, son rejet et sa ferme condamnation des propos tenus par le Président Mohamed Ould Abdel Aziz, portant une grave atteinte non seulement aux droits des Haratine mais aussi pour l’unité et la cohésion du peuple mauritanien.
· Exige du Président Mohamed Ould Abdel Aziz de présenter des excuses publiques non seulement aux victimes de l’esclavagisme au Hodh Chargui et à l’ensemble Haratine mais aussi à l’intégralité du peuple mauritanien suite aux propos insultants, déplacés et malveillants, tenus à Néma, qui constituent, en même temps, une immixtion flagrante dans la vie privée des citoyens et une atteinte à leur honneur et à celui de leur famille.
· Réaffirme son attachement à sa ligne patriotique, émancipatrice et unificatrice en vue d’éradiquer toutes formes de discrimination, d’injustice et de marginalisation notamment l’esclavage, les pratiques esclavagistes et leur séquelles. Il réitère, dans le même temps, son rejet total de toutes les tentatives pour semer la division, la zizanie, la discorde ou le ressentiment au sein du peuple mauritanien et s’engage à poursuivre sa lutte pacifique jusqu’à ce que tout citoyen jouisse de son plein droit de vivre dans un pays moderne où règnent justice et l’égalité.
· Appelle les Haratine et tous les citoyens mauritaniens attachés à la justice et à la liberté à redoubler de vigilance et renforcer leur combat contre l’injustice, l’oppression et l’exclusion sous toutes leurs formes.
Nouakchott, le 05/05/2016
Pour Le Manifeste pour les Droits politiques, économiques et sociaux des H’ratine au sein d’une Mauritanie unie, égalitaire et réconciliée avec elle-même, Boubacar Messaoud, président