En Mauritanie, ce n’est pas grave de faire ce qui ne te concerne pas en lieu et place de ce qui te concerne. Ça ne fait rien. De s’impliquer, même maladroitement, parfois, pour dire des idioties sur des choses que tu ne maîtrises généralement pas. Ça a un nom qui ne signifie pas hors-sujet. Le hors-sujet, c’est quand on te parle topographie militaire et tu réponds droit. Ou quand on te parle de séisme, comme ce qui vient de se passer, malheureusement, au Japon ou en Equateur, et que tu déblatères sur le prix des aliments de bétail que les boutiques Emel vendent trop cher, aux éleveurs des deux Hodhs et de l’Assaba. Dire ou faire ce que personne ne t’a jamais demandé de dire ou de faire, c’est de la « tercha » qui n’est pas très loin du « khroujou ». Exemple. Toi, tu es un ancien colonel retraité de l’armée qui n’a pas eu la chance de devenir général. Alors, tu décides de devenir un colonel particulier qui implique sa tête dans des choses qui ne le concernent pas. Que je sache, aucune école militaire n’enseigne le Droit constitutionnel ni l’administration. Comment alors s’improviser constitutionnaliste spécialisé, pour interpréter les dispositions d’un texte fondamental, afin d’aboutir à une conclusion très facile à imaginer : tripatouiller ou même, au besoin, changer carrément la Constitution (qui n’est pas, il est vrai et soit dit en passant, du Coran) pour permettre, à un ami qui ne vous veut pas généralisé, de briguer un troisième mandat. Pourquoi, alors, tout ce détour ? Un bon soldat va droit au but. Du véritable Aïcha Rakhme (un oiseau de la légende populaire) qui se tut, tout un an, avant d’ouvrir son bec et proférer… une insanité. Les contradictions de la Constitution ? C’est très beau. Il nous aura fallu trois décennies pour qu’un colonel particulier découvre des objections à notre loi fondamentale. Décidément, nous sommes un des rares peuples au Monde où les militaires sont plus intelligents que les civils. Où les militaires connaissent mieux la politique, l’économie, le théâtre, la monétique, la natation, l’aviation, les mines, les banques, les affaires, la douane, la pêche, le cinéma, le Droit, enfin, surtout constitutionnel, plus que les civils. Où les militaires sont un don d’Allah. Une providence. 2008. 2005. 2003. Et même plus loin. 1991, 1984, 1978. Les civils sont juste bons à être manipulés. Au moins, eux sont moins dangereux que les armes. D’excellents messagers pour servir la fourberie et le machiavélisme des militaires. Aussi loin que vous remontiez, l’histoire politique des coups d’Etat : une fierté nationale. C’est la fameuse rigolade de la fameuse aile civile dont les commanditaires volent avec les voleurs et pistent avec les pisteurs. Quelqu’un disait que nos élites sont une véritable catastrophe. Il pouvait ajouter que notre classe politique en constitue une autre. Entre 2008 et 2016. Huit ans de manipulations et de servitude. De vrais ordonnances : en jargon militaire, des soldats consentants qui cirent les officiers et assurent leurs services. Coup d’Etat/Rectification : manipulation. Accords de Dakar : manipulation. Election présidentielle de 2009 : manipulation. Dialogue de 2011 : manipulation. Elections législatives de 2013 et présidentielle de 2014 : manipulation. A tour de rôle. Chacun à son tour chez le général. Comme des ustensiles de cuisine. Mécontentement alternatif. Relations alternées. CUPAD : Se m’en fou, se m’en gardé (je m’en fous, ça ne me regarde pas), dans un français ringard d’ancien militaire colonial. FNDU : Se m’en fou, se m’en gardé. L’essentiel, c’est la tête. Quand la tête marche, les pieds suivent. Généralement. Il ya que chez les Nou’Zautres que les Grands conjuguent, rageusement, dialoguer au présent : en tout cas, moi, je dialogue, si vous ne dialoguez pas. Y a que ça qui vaille. Dialoguer, mandater, constitutionnaliser, généraliser, dribbler, contrôler, apprivoiser, surveiller : verbes de l’actualité. Allons-y tous, pour dialoguer. Sinon, moi, j’y vais. La mort parmi les dix (généraux) est une sinécure. Salut.
Il y a quelques semaines, un ancien fonctionnaire devenu conservateur de bibliothèque, Ahmed Mahmoud ould Mohamed, dit Gmal, publiait sur Facebook un post au titre évocateur : « La mémoire en décharge : quand les archives nationales finissent dans les ruelles de Nouakchott ».