Le gouvernement mauritanien pourrait lancer, sous peu, un nouveau « dialogue politique ». La question qui vient tout de suite à l’esprit de tout un chacun est de savoir avec qui donc cet énième dialogue en gestation pourrait se nouer, dans la mesure où, à ce jour, pouvoir et opposition n’ont surtout rivalisé que dans les manœuvres à désamorcer toute tentative en ce sens. Le pouvoir refusant de répondre, par écrit, au mémorandum du FNDU qui posait préalables au dialogue tant vanté et attendu. Compte-tenu de la situation particulièrement délicate du pays, les deux parties vont-elles, enfin, mettre, chacune, de l’eau dans son z’rig ou persister à s’observer en chiens de faïence ? Laissant leur pays s’enfoncer dans une crise multiforme, sous la menace d’un terrorisme rampant ? Sauront-ils éviter un remake d’Août-Septembre 2011 où seulement trois partis de l’opposition, APP, El Wiam et Sawab, avaient accepté de discuter avec la majorité ? La COD, devenue depuis, le FNDU, s’était fait tirer l’oreille, avant de boycotter la rencontre et n’a plus cessé, dès lors, d’exiger des assurances du, pouvoir, via un certain nombre de décisions préliminaires ou préalables. Qu’il y aurait-il donc de changé, pour pousser, aujourd’hui, les uns vers les autres ?
Dialoguer avec qui ?
Le gouvernement ou, plus précisément, le Palais semble visiblement déterminé à réussir, cette fois-ci, et déploie, depuis quelque temps, de gros efforts pour attirer toute l’opposition à la table des négociations. Que peut-il, que va-t-il lui proposer de nouveau, pour la séduire ? Rien ne filtre, officiellement, du côté de monsieur Dialogue. Ce qui est cependant sûr, c’est que le gouvernement reste sur son offre de ce qu’« aucun sujet ne sera tabou », lors de ces assises, mais semble tenir à son refus de répondre, par écrit, au mémorandum du FNDU. Cette fin de non-recevoir à cette revendication du Forum risque fort de crisper celui-ci et, donc, de le pousser à bouder la rencontre. Une énième tentative pour rien, donc, ou presque. On se retrouverait, alors, comme lors des rencontres « préliminaires à la préparation » du dialogue que le gouvernement avait organisées, il y a quelques mois. On sait la suite. Tentative de renouer avec le FNDU, sous le magistère de maître Bouhoubeyni. On connaît, ici aussi, la suite.
Qui pourrait alors accompagner le pouvoir vers le dialogue qu’il mijote ? Les partis de la majorité présidentielle, bien sûr ; certaines organisations de la Société civile et, probablement, les partis de la CUPAD qui avaient, comme on l’a rappelé tantôt, pris part au dialogue de 2011, avec un rôle déterminant du président Messaoud ould Boulkheïr. Mais la CUPAD semble traversée, aujourd’hui, par un malaise qui n’a cessé de courir, depuis l’organisation, par le gouvernement, des journées préliminaires du dialogue inclusif. On se rappelle qu’à l’époque, la coalition que présidait Boydiel ould Houmeïd avait, d’abord, demandé le report de l’évènement, afin de se donner la chance de faire participer tout monde, à savoir le FNDU, puis signifié son boycott, le jour de l’ouverture, par la voix de son président en exercice. Quelques cadres d’El Wiam s’étaient cependant déplacés au Palais des congrès et certains partis de la coalition ne le leur pardonneraient pas. Autre hic, le président d’APP a marqué sa différence, lors de la tentative de médiation engagée par le président de la CUPAD, Abdessalam ould Horma, entre le pouvoir et certains leaders du FNDU. Une tentative donc mort-née, comme tant d’autres.
Troisième mandat : obstacle ou… fumigène ?
Les nouvelles manœuvres de nouer le dialogue, entre les acteurs politiques du pouvoir et de l’opposition, interviennent, en outre, à un moment particulièrement délicat. Trois ministres du gouvernement ont jeté un pavé dans la mare, en demandant, plus ou moins ouvertement, un troisième mandat pour l’actuel président de la République. Ce faisant, ils suggèrent la modification de la Constitution qui limite celui-là à deux. Réélu en 2014, Mohamed ould Abdel Aziz doit, en effet et impérativement, selon la loi fondamentale, quitter le pouvoir en 2019. C’est d’ailleurs pourquoi l’opposition ratisse large, pour mettre en place un front républicain de refus à toute révision de la Constitution.
Cette nouvelle donne, qui alimente la politique depuis quelques semaines, pourrait constituer l’obstacle définitif au dialogue. Mais, a contrario, le pouvoir se donnerait des airs de « sincérité », en rappelant formellement ses ministres à l’ordre, mettant ainsi, définitivement et sans équivoque, les choses au point pour soulager l’opposition à ce sujet. Tout en affirmant que rien n’est tabou, pour le dialogue auquel il semble appeler de tous ses vœux, le Palais serait donc bel et bien inspiré de prendre des mesures visant à rassurer ses vis-à-vis, réitérant, à défaut de répondre, par écrit, au « gênant » mémorandum du FNDU, ses propos tenus lors des rencontres avec la presse, à savoir qu’il ne toucherait pas à la Constitution. Une posture minimale qui détendrait notablement l’atmosphère, tant avec l’opposition qu’avec les partenaires au développement, dans une Afrique dont la démocratie est fort ternie par le tripatouillage des lois fondamentales. On aurait, alors, trois années entières, pour construire, enfin, une véritable alternance politique…
DL