Le président Messaoud Ould Boulkheir a décidé de s’engager pour la tenue d’un dialogue politique qui pourrait impliquer l’ensemble des acteurs politiques du pays. Un gros challenge dans la mesure où l’ensemble des tentatives de nouer le dialogue entre le pouvoir et l’opposition, notamment le FNDU ont jusqu’ici échoué. Un dialogue que le président d’APP a toujours réclamé et continue de réclamer, quand bien même les résultats du dialogue politique de 2011 sont considérés, par certains observateurs comme une « avancée significative » pour la démocratie mauritanienne. Un dialogue que l’ex COD, devenu depuis le forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU) avait, on se le rappelle, boycotté. Pour le président Messaoud, l’accord de 2011 reste « perfectible », et c’est dans ce sens qu’il a toujours œuvré pour contribuer à « rapprocher les différents camps », pour sortir le pays de l’impasse actuelle, de la tension politique qu’il vit depuis quelques années, justifie un cadre d’APP rencontré ce lundi au siège du parti.
Recréer la confiance
La décision de l’ancien président de l’Assemblée Nationale intervient dans un contexte particulier. En effet, le pays vit une tension politique caractérisée par des invectives entre le pouvoir et son opposition dite radicale (FNDU) – le Front ayant mis fin à tout contact avec le pouvoir après les déclarations de ses ministres sur un éventuel 3e mandat, et une crise socio-économique particulièrement difficile. Les prix des denrées de première nécessité ne cessent de grimper, crevant lourdement le panier des ménagères, contraignant certaines entreprises à dégraisser, l’insécurité urbaine, la criminalité, la corruption et le détournement des deniers publics mais également la menace que fait peser le terrorisme qui sévit dans le Sahel et qui a déjà engendré des cohortes de victimes au Mali, au Burkina et en Côte d’Ivoire…
C’est dans ce contexte que le FNDU et le RFD ont renoué avec la rue pour exercer la pression sur le pouvoir. Des marches en faveur desquelles travaillent une lame de fond, une forte grogne sociale.
L’entrée en scène du président de l’APP intervient après des audiences que lui a accordées le président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz. Dès lors, celui-ci l’aurait-il sollicité pour peser de tout son poids, comme en 2011, pour convaincre le FNDU à accepter d’aller au dialogue, ou à défaut de l’accompagner, lui ? La question se pose en effet, parce que le président Messaoud avait choisi de se faire discret, depuis la veille de l’organisation des journées préliminaires préparatifs d’un dialogue inclusif organisé, sans la CUPAD, donc sans APP par le pouvoir. Le président Messaoud souhaitait à l’époque un dialogue inclusif, franc et sincère pour sortir le pays de l’impasse politique. Le pouvoir a refusé de reporter l’évènement et est allé seul sans l’opposition. On a noté quand même quelques dissidents du RFD.
Aujourd’hui, les observateurs croient savoir que l’engagement du président Messaoud serait une «sollicitation du Palais ». Dès lors qu’est-ce que le président Aziz a décidé de mettre sur la table pour faciliter la tâche à celui qu’on peut considérer désormais comme un facilitateur? Va-t-il enfin accepter de répondre par écrit au mémorandum du FNDU, en souffrance au Palais depuis plusieurs mois déjà ? Se démarquerait-il de ses ministres qui ont évoqué l’éventualité d’un 3e mandat pour lui ? Ferait-il, comme avec le dialogue, une déclaration publique solennel sur les suspicions autour du 3e mandat ? Le président de l’APP a-t-il déjà évoqué ces questions avec le président Aziz ? Seul le nouveau « facilitateur » pourrait éclairer la lanterne des mauritaniens. Il réserverait probablement ces réponses aux acteurs politiques qu’il ne va pas tarder à rencontrer sous peu, apprend-on à APP.
Resté longtemps en retrait par rapport donc aux tentatives de dialogue entre le FNDU et le pouvoir, Ould Boulkheir accepte aujourd’hui donc de s’impliquer dans une mission impossible (?) croit certains observateurs. Celui à qui l’opposition mais aussi d’autres acteurs politique issus même de son camp, reprochent parfois d’avoir contribué à « sauver » le régime d’Ould Abdel Aziz, en acceptant d’aller au dialogue en 2011, en coupant court, au cours d’un point de presse, aux rumeurs alarmantes sur son état de santé quand il subissait des soins à Paris, suite la fameuse « balle amie », de 2013, pourra-t-il rétablir la confiance perdue depuis bien longtemps entre les camps politiques ? Renouera-t-il les amarres rompues par le FNDU, depuis quelques temps ? Pour cela, aurait-il reçu des engagements fermes du palais pour engager des consultations avec les acteurs politiques de l’opposition? L’avenir proche nous le dira. En tout cas sa rencontre très médiatisée avec le président du RFD, Ahmed Ould Daddah et celle avec le président du FNDU, Saleh Ould Hanana et mais aussi celle annoncée avec une délégation du forum, le lundi prochain pourraient entrer dans cette optique. Même si rien n’a filtré de la rencontre entre Ahmed Ould Daddah et Messaoud Ould Boulkheir, tout laisse supposer, que le pouvoir aurait vu d’un bon œil cette initiative. Le pouvoir cherche depuis bien longtemps à convaincre les poids lourds de l’opposition à accepter son offre de dialogue. Restent les contreparties qu’il sera prêt à concéder. Espérons quand que la polémique autour du 3e mandat suscitée par les ministres du gouvernement ne vienne pas brouiller les pistes et faire voler en éclats l’espoir des mauritaniens de voir leur classe politique faire preuve de dépassement.
Réussir une synthèse des offres
Pour entamer sa mission de « facilitation », le président d’APP doit convaincre et rétablir surtout la confiance entre les différents acteurs… Il doit aussi, après ce premier pas majeur, parvenir à une synthèse des offres des différents camps. En enclenchant le processus de dialogue, on se le rappelle, les différentes parties ont chacune élaboré une plateforme dans laquelle l’ensemble des questions à discuter lors des assises sont consignés. Le pouvoir et le FNDU ont même eu à échanger des documents. Revisiter l’ensemble de ces documents pour en tirer la quintessence mettant d’accord l’ensemble des protagonistes serait, après l’accord de principe des uns et des autres, le premier défi du « facilitateur ». Même si la tâche demeure ardue, le président Messaoud croit en la capacité des acteurs politiques mauritaniens de faire œuvre de dépassement, de consentir des sacrifices quand il s’agit de l’avenir de leur pays, indique un cadre d’APP rencontré au siège de ce parti qui ajoute, il doit surtout faire preuve de tact afin d’éviter des sujets de frictions pouvant compromettre sa mission. Et notre interlocuteur de rappeler les efforts déployés par le président Messaoud durant ces années pour contribuer à faire asseoir l’ensemble des acteurs du pays autour d’une table. Il cite en vrac son engagement pour la réussite du dialogue 2011, son appel pour un compromis national…
Aujourd’hui, il s’agit non seulement de juguler les menaces extérieures qui pèsent sur le pays, mais surtout de faire œuvre utile pour sauver la démocratie mauritanienne. C’est pourquoi, les questions centrales que sont la démocratie, la bonne gouvernance, l’unité nationale et la cohésion sociale, fortement mises à mal, par la question récurrente de l’esclavage, le dossier pendant du passif humanitaire, la répartition des richesses du pays, la justice sociale seront au cœur du dialogue en gestation et dont l’enjeu principal et la finalité ne serait rien d’autre que la refondation consensuelle de Mauritanie, avec l’implication de l’actuel président, au terme, bien entendu de son 2e mandat contre des garanties totales sur sa personne et celle de ses biens, avec le statut, envié d’un ancien président de la République dont l’expertise pourrait être sollicitée, à tout moment, pour le bien être du pays, suggère notre source. La Mauritanie et son président sortant pourraient s’inspirer cas du président Diouf du Sénégal, de Bouyoya au Rwanda, d'Alpha Oumar Konaré du Mali, d’Obassanjo au Nigéria et du général Sékouba Konate de la Guinée. Le dialogue politique qui peine à prendre devrait permettre aux uns et aux autres de préparer et d’organiser des élections consensuelles, inclusives et apaisées de 2019. C’est là un gage de stabilité pour le pays, donc pour nous tous.
Ce sont là des questions majeures sur lesquelles le président Messaoud devra insister. Rapportant les propos de son président notre source nous confie que le souci principal de Messaoud aujourd’hui, comme hier est de « réussir à mettre d’accord l’ensemble des acteurs sur le minimum de consensus autour de ces questions qui conditionnent l’avenir de notre pays.» Pourvu que ce que prêche l’ancien président de l’assemblée nationale ne se heurte pas aux intransigeances des uns et des autres. Même si le pouvoir déclare qu’il n’y a aucun sujet tabou lors du dialogue, la tâche ne sera pas facile tant que certaines questions, comme le 3e mandat ne seront pas éclaircies. Et certainement la délégation du FNDU qui rencontrera le président Messaoud ne manquera pas de demander à être édifiée sur les dispositions du président de la République. Et ça risque fort d’être plat de résistance lors de cette entrevue.
Un front contre un 3e mandat
Pendant que le président Messaoud manœuvre pour créer les conditions d’un dialogue inclusif, le FNDU s’attèle, quant à lui à la mise en place d’un large front du refus au 3e mandat pour le président Mohamed Ould Abdel Aziz. A en croire le président du Forum, Saleh Ould Hanana, depuis quelque temps, des contacts sont organisés pour créer un front contre le 3e mandat. Une question que le FNDU mettra très certainement sur la table face au facilitateur.
D’ailleurs, sur la question, le Forum a exprimé son opposition au cours d’un point de presse que ses responsables ont organisé au lendemain des sorties des ministres. Le Forum rejette catégoriquement cette option qui, n’est ni juridiquement possible, ni moralement acceptable. Fort de cela, le forum a mis fin à tout contact avec le pouvoir tant que celui si n’aura pas récusé ces ministres. Comment Messsaoud Ould Boulkheir pourra-t-il faire revenir le forum sur sa position ? wait and see.
DL