La dernière décision de promotion au choix de plus d’une quarantaine de magistrats, ordonnée par le ministre de la Justice, continue de susciter des vagues. Certains des bénéficiaires ont décidé de porter, auprès du président du Haut conseil de la magistrature, un recours gracieux contre les avancements exceptionnels au tableau. Aux yeux de ces magistrats qui ont fait preuve de « fortes convictions », cet acte constitue une sorte de « grimpette » « non justifiée » et « non conforme ». Parmi eux, on dénombre, en majorité, des jeunes, surtout des proches ou des membres du milieu social du ministre de la Justice, avancés à de hauts échelons. Pourtant, l’alléchante proposition leur permettait de bénéficier, d’un coup de baguette magique, de plusieurs années d’avancement dans l’appareil judiciaire. Belle leçon que ces jeunes magistrats, jaloux, sans doute, de leur statut, viennent d’administrer à leurs aînés du corps qui n’ont, eux, semble-t-il émis aucun avis contraire, se contentant d’avaliser lesdites promotions. D’aucuns ne manquent de saluer l’évolution positive des mentalités, prédisant que « l’avenir de ce corps appartient, désormais, à sa jeunesse, dans un Etat à vocation démocratique où l’indépendance des magistrats demeure problématique, en Mauritanie comme ailleurs ».
Le sursaut d’orgueil est venu de la jeunesse. Une attitude particulièrement méritoire. Cette semaine, une plainte a donc été adressée au président du Haut conseil de la magistrature – en l’occurrence, le chef de l’Etat – avec ampliation au ministre de la Justice, au procureur général de la Cour Suprême et au club des magistrats. Les plaignants espèrent attirer l’attention du premier magistrat et garant des institutions sur une « situation qui dépasse l’entendement, à la veille de l’ouverture de l’année judiciaire ». Malheureusement, le procureur général et le club des magistrats dont les membres ont bénéficié de ces avancements n’ont pas réagi à ces mesures jugées illégales, « non conformes à la loi », constituant, du coup, un précédent.
Pour rappel, sur les 85 postulants, soit 50 % des magistrats (267 au total), on comptait une bonne quarantaine de stagiaires. L’ensemble des postulants vont être répartis, de façon exceptionnelle, au sein des deuxième et troisième grades. Alors qu’ils n’ont pas même encore intégré le corps. Maître Brahim ould Daddah espère faire bénéficier ces novices de cette mesure inique. D’où les grincements de dents au sein de la corporation.
« Ils ne disposent ni de la connaissance ni de l’exercice du dossier ! », fulmine-t-on. Le malaise est aussi perceptible que motivé. Car, en-deçà même des controverses, la décision du ministre est bel et bien en contradiction avec les textes régissant le corps des magistrats. Loin d’être en désuétude, ceux-là fixent, de façon claire, les modalités de passage d’un grade à un autre et le passage exceptionnel de grade. « Des règles complexes et précises », ne manque-t-on pas de souligner.