Si pour le commun des observateurs, la candidature du banquier et homme d'affaires Isselmou Ould Tajeddine, à la présidence du patronat est une aubaine pour la survie de l'Union Nationale du Patronat Mauritanien (UNPM), pour les connaisseurs, elle est surtout l'ultime chance offerte à cette structure pour ne pas voler en éclats sous la pression des conflits latents en son sein.
Ces certitudes sont d'autant plus justifiées que la situation de crise, à laquelle ont conduit les manœuvres d'assujettissement de l'UNPM par les régimes successifs, ressemble à s'y méprendre à celle de 2008, qui a vu celui de Sidioca liquider la Confédération Nationale du patronat Mauritanien (CNPM) pour bloquer la candidature de Mohamed Mahmoud Ould Ebnou et faire le ménage au sein d'un patronat sur qui planait encore le spectre du système Taya.
A l'époque, le pouvoir, dont les intérêts convergeaient avec ceux d'un CMJD toujours aux aguets, avait poussé le zèle jusqu'à créer l'actuelle UNPM sur les cendres, encore chaudes, de la CNPM et entériner la candidature, à la présidence du patronat, de l'ancien député PRDS proche d'Ely Ould Mohamed Vall et ex ADG de la SNIM, Mohamed Ali Ould Deyahi.
Cependant et contrairement à une opinion savamment entretenue, l'arrivée de Ould Deyahi n'avait rien de fortuit et n'était, comme on avait vainement tenté de l'accréditer, aucunement motivée par le sauvetage in extremis du patronat, par quelqu'un qui le connaissait bien pour en avoir été le Secrétaire Général de longues années durant.
Décidé sous le sceau de l'urgence, le parachutage de Ould Deyahi à la tête d'une UNPM taillée sur mesure, s'inscrivait dans la même logique et aux mêmes termes de référence que son acceptation de remplacer Youssouf Ould Abdel Jelil à la tête de la SNIM. Cela consistait en une mission commandée pour permettre aux nouveaux maitres du pays de décrypter les codes de verrouillage des dispositifs économiques dont ils venaient d'hériter et pour lesquels une ''déheyinisation'' s'imposait en priorité.
Rappelons que Ould Deyahi avait démissionné au lendemain du coup d'Etat dirigé contre SIDIOCA, ce qui, par ailleurs, confirme qu'il n'était qu'une pièce que le régime, qu'on venait de balayer, avait placée à la tête du patronat pour en contrôler la transformation.
Certains iront jusqu'à dire que la restructuration du patronat en 2008, répondait aux impératifs du changement graduel du système Taya, puisqu'en liquidant la CNPM, non seulement on mettait un terme aux velléités présidentielles de Ould Ebnou, mais on fermait également la porte à la candidature de Sid'Ahmed Ould Abeidna (SOGECO) que beaucoup d'hommes d'affaires soutenaient pourtant.
Au vu de ce tableau peu reluisant du passé de notre patronat, l'on se rend compte qu'il n'a jamais cessé d'être une arène de luttes en sourdine pour le contrôle des leviers économiques du pays et un moyen d'avoir son mot à dire en politiques qui en argumentaient le mauvais usage.
Les questions qui se posent aujourd'hui sont donc celles de savoir comment sauver le patronat et comment le recadrer dans son rôle initial qui est celui de défendre les intérêts individuels et communs des chefs d'entreprises pour la bonne marche de l'économie nationale. C'est à ces questions que semble répondre la candidature du PDG de la BCI, Isselmou Ould Tajeddine.
En effet, Ould Tajeddine a tout d'abord l'avantage d'avoir amassé sa fortune à la sueur de son front. Un terme certes très utilisé en Mauritanie mais qui varie suivant le sujet auquel il est appliqué. Cependant, chez Ould Tajeddine, comme chez certains de nos capitaines d'industrie, il diffère fondamentalement de la manière dont il est utilisé par certains parvenus, dont l'enrichissement n'obéit à aucune des formes connues pour construire un capital.
Dans les traditions séculaires du commerce mauritanien, Ould Tajeddine a commencé par faire ses armes dans l'import-export et le négoce international avant de créer la BCI en 1999. Le sérieux de l'homme, la confiance qu'il sait inspirer à ses partenaires et la crédibilité dont il n'a jamais cessé de jouir dans le monde des affaires, avaient fait que la BCI a presque toujours progressé au rythme de plus de 25% par an (bilan et chiffre d'affaires).
Dans un marché ouvert à une double concurrence nationale et étrangère, la BCI, sous l'impulsion de son PDG et d'un encadrement rigoureux, a réussi à se hisser aux premiers rangs par ses propres moyens. En témoignent d'ailleurs ses indicateurs de bord, notamment sa part de marché (crédits et dépôts) et ses ratios (liquidité et solvabilité)
Sur le plan politique et social, Ould Tajeddine constitue un facteur d'équilibre, de par ses réseaux de relations, aussi bien à Nouakchott, qu'au Brakna, au Tagant, en Adrar, en Assaba, au Gorgol et au Guidimagha. Il est de ce fait, l'une des rares personnalités du monde des affaires à offrir un profil pouvant concilier les intérêts des forces en présences au sein de l'UNPM et absorber les effets néfastes de luttes intestines qui minent le patronat, inhibent le décollage économique et plombent le développement.
L'un des grands atouts qui ont valu au patron de la BCI l'image positive dont il jouit auprès de ses paires en Mauritanie et dans le monde et qui le prédispose à présider aux destinées du patronat, est son expérience des organismes internationaux, dont la plus symbolique reste son élection, en juin 2009 à Tunis, comme président de l'Union des Banques Maghrébines (UBM) pour un mandat de deux ans.
Au cours de ce mandat, l'homme a su faire preuve de sagesse, de technicité et surtout de discernement. Dans l'esprit de Ould Tajeddine, aucune des activités dont il était responsable, ne s'est vu sacrifiée ou utilisée pour impulser une autre ou combler ses lacunes ou insuffisances.
En d'autres termes, ni la présidence de l'UBM, ni celle de l'Association des banques mauritaniennes dont il est également le président, n'ont été mises à profit pour stimuler la marche de la BCI. En toutes circonstances, l'homme a su faire preuve de droiture et c'est là d'ailleurs le trait de caractère dominant du PDG de la BCI et sa botte secrète qui a toujours désarçonné ses détracteurs.
Sur un tout autre plan et si le président Aziz a de la chance et un brin d'inspiration, lui permettant de remettre courageusement en cause des préjugés inspirés par certains courtisans, il pourra nommer Ould Tajeddine Premier Ministre pour sauver l'économie en détresse et redonner confiance à des investisseurs de plus en plus réticents.
Le cas échéant, Aziz aura échappé à la prise d'otage dont il est l'objet de la part de son système inefficient et sera, après le président John F Kennedy, le deuxième chef d'Etat au monde à avoir fait appel à un outsider pour sauver la nation.
En 1962, ce dernier avait, en effet, nommé Robert McNamara, alors président du constructeur automobile Ford Motor Company, au poste de ministre de la défense pour gérer la fameuse crise des missiles, opposant en arrière plan les deux superpuissances. Plus tard, ce même McNamara avait permis aux Etats Unis de sortir, à moindres frais, du bourbier Vietnamien avant d'être nommé par le président Johnson à la tête de la Banque Mondiale avec les résultats qu'on connait.
Mohamed Saleck Beheite