Pourquoi avons-nous raté le mouvement revendicatif «Je n’achète pas le gasoil»?

23 March, 2016 - 11:27

Depuis des décennies, la Mauritanie est considérée est comme un espace à haut risque que diverses contingences d’ordre objectif ou du fait de sa position territoriale ou résultant même de ses ressources humaines ont favorisé dans un contexte où le rôle de la puissance publique est restée en retrait parce que ne permettant pas d’imprimer une dynamique à l’activité politique nationale, ni d’orienter l’évolution majeure du pays.

 

Les causes de cette situation, engendrées par le facteur territorial, sont considérées tout à fait normales comme par exemple le climat et la position géographique. De ce fait, le pays s’est trouvé durablement confronté à des calamités naturelles par une sorte de malédiction qu’un  désert inhospitalier, s’étendant sur l’essentiel de son territoire et qui fait face tous les quatre ans à une terrible catastrophe avec une seule saison pluviométrique normale, conduit inexorablement à un déboisement du couvert végétal, à la désertification et  à un  climat instable dont la conséquence est la prédominance de la sécheresse.

 

Les facteurs liés à la position territoriale concernent principalement l’impact des changements importants dans la sous-région et dans le Monde mais aussi la capacité  d’un pays d’y faire face, à la lumière des défis du moment. C’est surtout ce qu’il est convenu d’appeler la «position géopolitique» qui fait que le pays s’intègre désormais dans une région trouble, marquée par un tourbillon d’événements imprévisibles et de grands enjeux qui l’obligent à relever les défis de l’heure, que ce soit pour le Sahel ou pour le Sahara Occidental, de même que pour les trois grands problèmes de la sous-région, à savoir le crime organisé, le terrorisme et l’émigration clandestine.

 

La Mauritanie a été particulièrement confrontée à cette situation périlleuse qui s’est traduite, ces derniers temps, par l’édification de fortifications pour le stockage et l’exportation de la drogue que des «hauts milieux» protègent comme ils entravent régulièrement les procédures de la justice. C’est aussi une terre d’accueil pour les émigrés clandestins, incapables encore de poursuivre leur chemin vers l’Europe. Le pays fait également face, de temps à autre, à des actes d’hostilités de la part des groupes armées qui occupent une bande importante du Sahara à l’extérieur de notre territoire mais longeant nos frontières sur une distance de 2000 km.

 

 

Cohésion sociale fragile

Le rôle négatif des ressources humaines dans l’évolution cette situation se ressent et reste particulièrement marquant de l’absence, au niveau de la majorité de la population, de l’esprit citoyen civilisé, attaché à la patrie et engagé pour la construction nationale. Or, notre peuple est loin d’être laborieux et sa prise de conscience de la nécessité d’édifier un Etat moderne et solide, de relever même le défi l’existence, devra encore faire un bon bout de chemin surtout lorsque il s’agit de prendre en compte le risque que fait peser la fragilité de la cohésion sociale.

 

On peut également loger, sous le même insigne, les résultats des échecs  politiques suivis par les régimes qui se sont succédé à la tête du pays, incapables qu’ils sont de réaliser un succès significatif de nature à favoriser le progrès et la stabilité. Il en est résulté une accumulation de déboires qui étouffent le pays sous les effets combinés des conflits et des tensions sociales ainsi que de la détérioration de la sécurité et la faillite économique, porteurs des germes d’une régression perpétuelle.

 

Dans ce contexte, le régime actuel s’est projeté au devant du gouvernail du pays sans que cela ne soit le fait d’une émanation de la volonté populaire. Pire encore, il est demeuré incapable de disposer d’aucune prérogative lui permettant de gouverner ; il est sans perspicacité, sans capacité d’anticipation  et encore moins de cognition. Le comble est arrivé lorsqu’il s’est appliqué à mettre sous la main toutes les ressources de la Nation, ce qui est de nature à approfondir les crises et à conduire à d’autres désastres.

 

Pour la première fois, la crise économique fut dévastatrice au point d’écraser en même temps, sous un rouleau compresseur, trois catégories de la population mauritanienne. D’abord, les Hommes d’affaires qui ont placé l’essentiel de leurs biens à l’extérieur de crainte de subir les foudres d’un fisc à l’humeur du patron mais aussi en raison de l’omniprésence d’une poignée d’arrivistes souvent incultes et ayant pris naissance et évolué sous de l’ombre du régime. Ensuite, la classe moyenne qui s’est appauvrie jusqu’à être menacée même dans son existence. Enfin, les pauvres, qui se retrouvent désormais dans un état de dénuement terrible, sont exposés au pire, à la faim parce qu’incapables d’assurer pour le lendemain leur pain quotidien.

 

Ce qui rend inquiétant et hypothétique tout pronostic de l’amorce d’un éventuel virage dans la crise économique, c’est que celle-ci a perduré pendant les années de faste que le pays a vécues avec l’embellie des prix des matières premières, période au cours de laquelle les salaires ont stagné, le pouvoir d’achat des ménages s’est affaibli, les prix ont flambé, le climat des affaires s’est assombri, le prix du gasoil est resté le même qu’il y a deux ans malgré la baisse drastique sur le marché international des prix du pétrole.

 

Parce que le gasoil constitue le nœud de la structure des prix pour ce qui concerne, entre autres, le transport des biens et des personnes, la production manufacturière ainsi que la facture de l’électricité pour les industries et les ménages, il peut en même temps être le motif et l’expression la plus éloquente à une probable explosion. En effet, ce produit vital a connu, en cinq ans, des augmentations, sans précédant, de son prix à la pompe de plus de 45 fois en Mauritanie, battant tous les records dans la sous-région. Pour la seule année 2014, il a enregistré plus de 14 augmentations, soit un montant global de 100 UM le litre, passant de 280 UM en 2008 à 384 Ouguiyas en 2015. Cette folle flambée du prix du gasoil, qui ne correspond nullement à des données à l’intérieur et encore moins à l’extérieur,  a davantage accablé tout le monde et porté un coup fatal au pouvoir d’achat de la population, toutes couches sociales confondues. Malgré le fait que la reprise des cours du pétrole n’a pas eu lieu et qu’ ils ont même subi une chute libre sur le marché mondial, de 170 dollars, puis 23 et enfin 20 dollars le baril comme l’est le pétrole koweitien, le gouvernement donne l’impression, dans sa vaine et honteuse défense de sa politique des prix énergétiques, de compenser cette mesure en rendant plus heureux les citoyens à travers les humiliantes «boutiques Emel». 

 

Précarité et désespoir

C’est là une approche terne visant à embellir la destruction du pays, ni plus, ni moins. D’ailleurs, les pauvres ministres, au cours de leurs conférences de presse, méprisables alors qu’ils sont en train d’implorer les citoyens à avaler leurs pilules amères, d’accepter l’inacceptable, de croire en eux. Ils se trouvent dans une situation embarrassante, tel un prestidigitateur, au crépuscule, dans la locomotive d’un métro implorant les passagers au moment d’une mélodie ennuyeuse. C’est une défense inacceptable économiquement et encore moins moralement pour des cadres qui ont été formés à l’extérieur et sont censés servir, d’abord, leur peuple. La chance que l’horoscope laisse entrevoir est que personne n’a pu comprendre sa naïveté, bien au contraire, le jeune ministre des Finances a affiché plutôt la pitié dans sa défense opiniâtre  et sa volonté d’appauvrissement des citoyens. Le «Président mauritanien» ou plus exactement Aziz qui représente le principal accusé dans ce dossier d’hydrocarbures où il dispose de sociétés par procuration ou par participation majoritaire au capital, à travers des représentants fictifs, recrutés parmi son environnement familial immédiat, selon la plupart de ses opposants, c’est lui personnellement qui a décidé d’imposer ce prix du gasoil  à la pompe et refuse tout simplement de revenir sur sa décision. Parce que c’est ainsi, le «gouvernement faible» qu’il est, reste complice et s’acharne à défendre les intérêts d’une personne, par souci de protéger les avantages de la fonction ministérielle au détriment de tout un peuple en le soumettant à des conditions de précarité et de désespoir. C’est, en réalité, une situation où le peuple se trouve broyé de manière implacable et, en ce moment, le gouvernement fait la sourde oreille feignant entendre les cris de détresse des citoyens, véritables mélange de frustration  et  de d’angoisse. Le comble du malheur est qu’il s’évertue à priver le pays de toutes possibilités d’expression libres et réelles en imposant cet état de fait en dehors du cadre normal provoquant, a contrario, le chaos  et les émeutes dans la tentative de justifier ses forfaitures.

 

Le slogan «Je n’achète pas le gasoil» ne révèle pas une empreinte des islamistes, ni une inspiration de l’opposition, ce qui aurait permis de l’affubler d’une auréole politique ou l’attribuer à une personne tierce. Il n’est, au contraire,  que l’une des plus parfaites illustrations du refus de soumission à un pouvoir qui s’applique à affamer son peuple et à le triturer sans pitié, ni plus, ni moins. Mieux que tout cela, ce régime est parvenu au sommet de l’Etat au cours d’une période sombre, marquée par la paralysie du processus politique de restauration de la démocratie et d’absence des perspectives à même de conduire le pays vers des lendemains meilleurs en raison de la conduite aveugle du pouvoir en place.

 

Notre incapacité à se dresser contre cette incursion dans la gestion des biens publics, de l’Etat et du processus politique lui-même, en tant qu’acteurs politiques, s’est manifestée avec éclat comme sous la plénitude d’un soleil au zénith, société et partis politiques confondus, non pas parce que nous ne n’épargnons aucun effort dans la tentative d’arrêter cette hémorragie terrible mais à cause de l’incurie de ceux qui nous gouvernent et leur conduite grossière des affaires politiques du pays, empêchant ainsi tout partenariat et défiant toute logique cognitive.

 

Ainsi donc, toutes les tentatives pacifiques tendant à parvenir au changement de la situation du pays par le biais de l’action légale et par voie démocratique furent vouées à l’échec. Il en est résulté une situation dramatique avec un processus complètement biaisé et une indigence d’esprit terrible avec, à la clef, l’approche la plus pertinente et la plus populaire dans la libération de l’emprise de ce régime militaire qui devra être ainsi obtenue par des solutions miraculeuses associées aux désespoirs. Parce que notre dilemme provient de la situation actuelle du pays, particulièrement au niveau politique où prédominent en permanence des pratiques ridicules, nous avons encore perdu toute conception d’une solution consensuelle qui devra, à la rigueur, être obtenue  par la logique du dialogue ou l’entente. La recherche d’une issue a provoqué un désaccord au niveau de l’opposition, en particulier le Forum qui s’est trouvé en fin de compte contraint d’agir dans un contexte où il ne lui reste que le regret d’avoir répondu à une énième invitation du régime au dialogue. Comme furent empêchés les efforts de la Convention pour une Alternative Pacifique (CAP) après que le Président Messaoud Ould Boulkheir a mis en veilleuse ses activités en son sein en raison de l’absence du sérieux du régime dans son offre du dialogue. Les autres initiatives qui se sont manifestées, ça et là, n’avaient pas de sort meilleur.

 

Le régime s’est appliqué à faire disparaître tout esprit convivial, d’amabilité et de paix sociale ; il a brisé l’expérience réussie que les élections de 2007 ont générées et mis sur rails la propre feuille de route qu’il s’est fait choisir pour le pays. Et c’est ainsi, pénétrant à petits pas, dans le portail  au niveau de l’arène nationale qu’il s’est engouffré dans une démocratie «vilaine» où l’on s’attache à la forme pour une mobilisation formelle des bailleurs de fonds. C’est une situation pitoyable dans lequel nous a installé Aziz et le résultat patent est que nous sommes en dehors de toute légalité, c'est-à-dire que l’ambition et le sentiment d’agir dans la bonne voie qui fonde le désir d’accéder au développement, à la prospérité ainsi que la volonté de s’affirmer avec force n’existe plus. On s’enfonce désormais dans une situation inextricable où la confiance en l’avenir n’existe même pas, une situation qui affiche des indicateurs d’instabilité grave mettant en péril nos principales  préoccupations et conduit, au contraire, à un niveau de vie dégradé.

 

Le mauvais régime est celui qui enchaîne ses citoyens; le pire pouvoir est celui qui s’acharne contre son peuple pour l’empêcher de résister à l’arbitraire, à l’injustice, à la privation et à la marginalisation. En plus de ce fardeau, le régime actuel nous ligote  dans une démocratie impotente qui empêche avec certitude toute alternance du pouvoir et qui, même en période de stabilité, ne laisse s’exprimer aucun remords. Il déploie toutes ses forces pour empêcher la participation des acteurs nationaux au processus politique, non pas parce que le Monde change autour de nous et que nous devons engranger notre part de cette évolution heureuse dans une perspective meilleure épargnant à notre pays des jours sombres, à savoir le spectre d’une «somalisation» rampante. Ce n’est pas un mensonge de dire que nous sommes devenus comme celui qui attend le châtiment ou que chaque jour que nous vivons semble être le dernier moment de la  stabilité dans le pays.

 

 

Nouveaux dilemmes

Du fait des agissements de ce régime, nous avons vécu l’émergence de nouveaux dilemmes beaucoup plus redoubles que par le passé et qui risquent de secouer fortement le pays des suites des opinions extrémistes que la constitution interdit et qui sont de nature à enflammer les sentiments des uns et des autres, qui peuvent pousser les populations à s’emporter, de raviver les haines et les débordements de toutes sortes. Chaque composante de la société traditionnelle dispose d’un supplément de haines dans une quête d’identité en l’absence de justice au point que la revanche risque d’être le seul remède pour recouvrer les droits spoliés. Nous avons connu le mouvement revendicatif des forgerons, celui de «Ne touche pas  à ma nationalité», la Charte des Haratines et l’IRA qui est en réalité l’autre version opposée à la revendication du recouvrement des droits par la voie pacifique que préconise le Président Messaoud Ould Boulkheir. Il y a, aussi, le Parti des Bidhanes qui représente une réaction à l’IRA ainsi que la vague d’athéisme que dirigent les déchus et les vieillards, au nom de la modernité, des droits de l’homme et de la femme.

 

De même, les diverses oppositions se sont regroupées dans des ensembles dont certains ne semblent pas mesurer exactement la probable évolution de cette situation dans le giron d’un régime à un moment où celui-ci ne présente pas encore les signes de la fin de son règne. En réalité, n’attendons-nous pas la chute de l’écale? Ce sera douloureux dans le contexte du manque cruel des grandes constructions de la pensée, la disparition des concepts de la Nation et la régression  des élites face à cet état de fait pénible.

 

Par ailleurs, nous ressentons, en dépit des différences réelles de  situations, une tendance incroyable au rejet de ce pouvoir, même si cette action n’est pas coordonnée et même si elle n’est pas assurée d’aboutir au changement inéluctable ou à la chute de ce régime. Malheureusement, cette évolution risque de ne pas se produire à la faveur des urnes et d’être coûteuse pour le pays, ce qui trouve sa raison d’être dans la faiblesse des structures politiques dont le besoin pressant est de disposer d’un cadre légal pour entreprendre sereinement leurs activités.

 

Le processus politique dans son intégralité en tant cadre de réactivité, de concertation et d’alternance des rôles, d’échange d’idées et de programmes politiques n’aboutira à l’émergence d’un système politique disposant de la force nécessaire et de la légitimité pour résoudre les problèmes que si nous partons, en particulier, du fait que la démocratie est  le droit totalitaire dans la participation au pouvoir politique par le choix souverain de celui qui va gouverner à travers des élections périodiques transparentes fondées sur la pluralisme politique et le suffrage universel avec un vote à bulletin secret. Sur cette base, nous pouvons affirmer sans crainte d’être démentis qu’elle est pratiquement inexistante ou si vous voulez on peut dire que les conditions de l’instauration de la démocratie ne sont pas encore réunies chez nous. La volonté d’imprimer une évolution politique majeure ou l’alternance pacifique au pouvoir semble plutôt être une présomption injustifiée.

 

Pour une fois encore, tous les instruments mis en œuvre pour juguler la crise politique paraissent non opérationnels et comme s’il ne reste plus aucune autorité morale ou aucune entité capable d’avancer une initiative au niveau d’un pouvoir désemparé. Celui-ci a privilégié la dégénérescence du processus politique dans le pays et il ne possède pas aujourd’hui la force nécessaire pour faire face à la crise au moment opportun. Pour cela, nous ne devons pas rester les bras croisées dans l’attente de la maturation des facteurs de risques jusqu’au moment où le hasard, faisant son chemin, jette le pays dans les affres d’un  gouffre.

 

 Régime vorace

La voracité du régime vis-à-vis du peuple l’a poussé à ne pas envisager, un seul instant, dans le pays la possibilité d’une explosion, basant son appréciation de la situation sur une ignorance totale des facteurs de risques ou tout simplement un refus de faire face à la réalité têtue. Il s’est laissé leurrer comme les autres dictateurs par l’autoritarisme et l’accaparement d’un pouvoir devenu personnel au détriment de la  démocratie et l’Etat de droit, obnubilé par la volonté de pérenniser le pouvoir considérant notre peuple en voie d’extinction et donc sans intérêt. Cela lui va bien car cette affiche correspond à son tempérament.

 

Mohamed Ould Abdel Aziz gère le pays avec la mentalité d’un militaire privilégiant toujours la destruction  et les conquêtes en sacrifiant tout ce qui est à sa portée. Tel ne devra pas être le cas face à un adversaire civil, un politique mou et sans armes autres que l’espace de mouvement que lui confère la loi. Ce comportement chevaleresque le guide dans la gestion  des intérêts des citoyens et des ressources du pays. Pour illustrer ces propos, on n’a pas besoin d’aller trop loin pour se rendre à l’évidence et constater la manière avec laquelle furent vendues les écoles par le truchement d’une soi-disant vente aux enchères dont les bénéficiaires sont connus d’avance alors d’autres écoles beaucoup plus  anciennes de 30 ans comme l’école I du Ksar, la première école à Atar, celles de Kaédi et de Néma pour ne pas citer que celles-là sont encore là. Les édifices publics, le Stade Olympique de Nouakchott et l’Ecole de Police ont été amputés de parcelles importantes au profit de privés. La confiscation des propriétés terriennes des citoyens dans la zone de l’Avenue de la résistance attribués à des membres des forces armées rentre dans le cadre de cette démarche autoritaire.

 

Cette mentalité trouve encore sa résonnance à travers le brandissement de slogans de lutte contre le gabegie et les détournements alors que le pouvoir protège encore de groupes de malfaiteurs fortement impliqués dans la manipulation des marchés publics, dans la gestion du budget de l’Etat, dans l’exploitation minière qui a connu les 5 premières années du pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz un boom sans précédant, dans le profit tiré des financements extérieurs, dans le programme Emel et même dans le détournement de la distribution des vivres destinés aux pauvres. Le comble est arrivé lorsqu’une voiture du CSA a été vue en train de décharger sa cargaison à la villa personnelle du Président.

 

La pratique de la transparence et de l’objectivité n’ont pas eu droit au chapitre dans les actes dégradant que nous venons d’évoquer plus haut et c’est là où réside l’idéologie de  ce pouvoir. Dans la réalité, la légitimité du dictateur peut se fonder sur diverses raisons qui vont de la fidélité de l’armée à la propagande qui tente de justifier la nécessité de le maintenir au pouvoir. Cette action tendant à miroiter les bienfaits de ce pouvoir s’est construite  sur deux astuces : La première a consisté à lever l’étendard des réformes et la fermeté dans la lutte contre le gaspillage, l’attachement aux pauvres; la  seconde a cherché à faire croire à la volonté de développer l’armée et d’assurer la sécurité.

 

En conséquence, le pari d’instaurer une véritable démocratie s’est vite transformé en une apologie personnelle, évoluant vers une dictature fondée sur les diversions. Heureusement, ces contrefaçons se sont révélées sans fondement et le peuple se trouve aujourd’hui ébahie par ces mensonges. C’est pourquoi la tentative d’attirer les pauvres par ses slogans  s’est avérée un échec patent au niveau de la majorité des citoyens, surtout dans les zones arriérés du pays. Sa volonté de surmonter cette situation en soumettant les opérateurs économiques et le peuple tout entier au contrôle rigoureux de la puissance publique s’est soldée par l’échec. Mais les citoyens se sont libérés de la peur et le déclic est venu avec le succès des différentes manifestations de l’opposition. Même les opposants sans moyens financiers et les plus engagés comme le RFD ainsi que les meetings du Forum ont battu les records de participation. C’est ainsi que le meeting de Néma a été cinq fois plus imposant que celui du gouvernement organisé en même temps que lui avec une participation de quatre ministres, un appui par des conférences d’Imams et la mise à contribution des chanteurs. D’autre part, les hommes d’affaires ont sécurisé leurs capitaux à l’extérieur pour être  en mesure d’avoir une opinion libre sans être menacés d’expropriation.

 

Notre interrogation aujourd’hui est de savoir si la fin du régime sera au terme des dispositions de la loi fondamentale ou suite à une action brutale. Les têtes pensantes dans ce pays ne sauraient trouver des raisons d’espérer des lendemains meilleurs, en particulier l’avenir de la démocratie est pour le moment sombre. De ce fait, les hommes qui s’attachent à des intérêts personnels ne sont pas aptes à construire un Etat  au sens juridique, mais ils sont capables de bâtir un Etat qui fonctionne avec l’esprit de gangs.

 

Nous avons échoué à comprendre cette vérité lorsque les jeunes ont tenté, dans leur mouvement du 25 Février, de nous entrainer dans le concert des printemps arabes. L’analyse qui a prévalu à l’époque, en fin de compte, est que, pour l’Etat, le mieux serait de poursuivre l’expérience en cours au lieu de se projeter dans leu désordre en offrant l’occasion pour le régime de s’assagir, de devenir plus fréquentable. Mais, il s’est avéré évident que la solution ne parviendra que d’un mouvement de la  jeunesse, que le régime ne sait pas tirer profit de la leçon et qu’il est incapable de déchiffrer les signaux que les événements récents ne manquent pas de donner à tous ceux qui disposent d’un minimum de bon sens. C’est pourquoi, le mouvement «Je n’achète pas le gasoil» est  désormais libéré de ses attaches directes avec le printemps arabe, mettant en branle tout un projet national, représentant une autre opportunité pour le changement dans le pays  que la jeunesse met en avant pour guider notre peuple, fortement inspiré des insurrections arabes qui ont consacré la capacité d’un peuple de battre plus d’un régime.