Ces dernières semaines, une nouvelle affaire de drogue vient de défrayer la chronique. L’arrestation de Sidi Mohamed ould Haïdalla et dix de ses complices a donné lieu, en l’absence de réaction officielle, à toutes sortes de rumeurs et de supputations sur les quantités saisies, leur provenance, leur destination, leur lieu de recel, leur prix, les personnes impliquées dans le juteux trafic… Déjà dans l’affaire de l’avion de Nouadhibou (qui avait, en 2007, débarqué clandestinement une importante cargaison de cocaïne sur l’aéroport de cette ville, avant, découvert, de décoller en catastrophe), Haïdalla-fils n’en est pas à son coup d’essai. Après avoir fui le pays, non sans avoir récupéré l’équipage de l’avion posé en plein désert, Il avait été arrêté, quelques mois plus tard, au Maroc, et condamné à huit ans de prison. Rentré en Mauritanie l’année dernière, il s’est employé à reconstituer un réseau. Sans doute encouragé par l’impunité dont bénéficient les trafiquants en tous genres et de toutes nationalités précédemment arrêtés dans des affaires de drogue, il n’a plus en ligne de mire que les liasses de devises si bien palpées, dans un passé présent, et synonymes de gîte luxueux, confort, douceur de vivre. N’est-il pas en effet surprenant qu’entre le fameux avion de Nouadhibou, l’extradition d’Amegan et l’arrestation de ses complices locaux, en passant par le camion chargé de haschich saisi, à Lemzerreb, il y a environ trois ans (avec treize hommes à son bord), aucun individu impliqué dans un dossier lié à la drogue ne se trouve actuellement en prison. Si l’on exclut de petits dealers qui n’ont ni bras longs, ni portefeuilles garnis. Un miracle dont notre pays a le secret et qui commence sérieusement à agacer une opinion publique inquiète de l’immunité dont bénéficient les trafiquants et de la très peu flatteuse réputation de « plaque tournante » du trafic de drogue dont on affuble, de plus en plus systématiquement, notre pays.
Devant le peu d’empressement du gouvernement à donner la moindre information sur ce qu’on considère comme la plus grande affaire de drogue qu’ait connue la Mauritanie – on parle, en effet, de deux tonnes de cocaïne et de centaines de millions de dollars ; le président de la République aurait même, dit-on, annulé son voyage en Egypte, pour suivre l’affaire de près… – les réseaux sociaux s’énervent. Le ministre de l’Intérieur et son homologue de la Justice montent alors aux créneaux, vendredi dernier. Patatras ! Les deux tonnes de cocaine se transforment en 1,3 tonne de résine de cannabis. Autrement dit, pas grand-chose. Mais toujours pas un mot sur son origine, son cheminement, sa future destination, les complicités locales…
La Mauritanie a adhéré, voici quelques temps, à l’Initiative de Transparence des Industries Extractives (ITIE), et organisé, il y a quelques jours, une rencontre internationale sur la transparence dans le domaine des pêches. Mais ce dont on aurait besoin, c’est plutôt une transparence en matière de drogue. Pas vraiment une industrie extractive, certes. Mais largement assez Excitante, Ebouriffante, voire Effervescente, tout de même, pour relever toujours du même ITIE !
Ahmed Ould Cheikh