Le dialogue politique inclusif verra-t-il jamais le jour ? Les deux camps réussiront-ils à transcender leurs divergences, pour s’asseoir autour d’une table ? Surmonter les barrières qui les séparent et discuter, enfin ? A supposer qu’ils réussissent cet exploit, ce qui, au vu des appréhensions des uns et des autres, paraît, aujourd’hui, difficilement envisageable, se mettront-ils d’accord et pour quelle fin ? La Mauritanie doit être le seul pays de la planète Terre où le Président appelle au dialogue du bout des lèvres, sans y croire le moins du monde, et où l’opposition s’écharpe pour des vétilles, le long d’un parcours semé de trahisons, coups bas et défections. Ce qui explique qu’elle n’ait jamais réussi, a contrario du Sénégal voisin ou du Niger, à assurer la moindre alternance. Et, dans l’hypothèse où elle aille au dialogue auquel appelle Ould Abdel Aziz, il y a des fortes chances qu’elle s’y présente plus que jamais divisée. Pour ce qui est du seul RFD, jugé le plus anti-dialoguiste du FNDU, une tendance favorable au dialogue sans préalables est partie lancer son propre parti. Obtenant son récépissé, avant même de déposer son dossier de reconnaissance, disent les mauvaises langues, quand des formations comme le RAG ou les FPC, attendent, depuis des années, le fameux sésame qui leur permettra d’exercer normalement leurs activités politiques. Faut-il y voir un lien de cause à effet ? Une manœuvre destinée à affaiblir le parti d’Ahmed ould Daddah qui en a déjà pourtant vu bien d’autres ? Un tremplin pour certains, pressés d’aller à la soupe ? Il y a, en tout cas, anguille sous roche. La facilité déconcertante avec laquelle l’Alliance Nationale Démocratique (AND, le nouveau parti d’Ould Moine) s’est fait reconnaître et a commencé ses activités a laissé plus d’un observateur pantois. Comme pour rendre la monnaie de leur pièce, à ceux qui l’ont porté sur les fonts baptismaux, ce parti s’est immédiatement proclamé favorable au dialogue, sans préliminaires ni préalables. Real polilitic, version mauritanienne.
Un réalisme à l’africaine ? Dans son message radiotélévisé du samedi 28 Novembre, Joseph Kabila, chef de l’Etat de la RDC, a annoncé la convocation d’un « dialogue politique national inclusif », sans précision de date ni de lieu. Et de lancer un « ultime appel », à ceux qui hésitent encore à rejoindre cette voie des négociations et donner, ainsi, chance à la « relance du processus électoral ». Combien de fois Ould Abdel Aziz se sera-t-il dit, lui, favorable au dialogue ? Au festival des villes anciennes, dans ses rencontres avec la presse ou avec tel ou tel leader politique, c’est chaque fois la même rengaine. Qui vole en éclats, dès que l’opposition demande des garanties ou qu’au moins, la réponse à sa plateforme lui soit transmise officiellement et par écrit.
Les opposants congolais semblent moins procéduriers. Mais pas moins suspicieux, supputant que Kabila s’emploie à entretenir le fameux dialogue jusqu’à la fin des mandats des deux chambres puis, à moins d'un an de la date-butoir pour l'organisation de la présidentielle, les prolonger – ainsi que le sien – plusieurs années. Indéfiniment. Les Congolais appellent cela « les palabres ». Naguère, chaque village africain avait son arbre à tel enseigne. Il l’a souvent conservé. Au Sahara où les arbres étaient rares – on en a plus, aujourd’hui, mais aucun encore assez vieux et vénérable pour prétendre à ce titre – nous avions, tout de même, « l’assemblée qui lie et délie », noue et dénoue, tricote et détricote, file et défile le tapis des rencontres et des jours… Alors, pas assez africains et plus assez sahariens pour se regarder autrement qu’en chiens de faïence ?
Ahmed Ould Cheikh