L’autre version
Dans la première de l’entretien, accordé par Baro Abdoulaye, à notre collaborateur BFF, publié dans le Calame (1008 du mercredi 6 janvier), l’ancien ministre d’Etat à la Promotion rurale de Moktar Ould Daddah, est revenu sur un incident qui l’a opposé en 1977 à Abdallahi Ould Daddah, le frère du président et ministre du Développement Rural, qui dépendait de lui et qui avait entrainé son départ du gouvernement. Pour Baro, ‘’Abdallahi s’est comporté d’une manière incompréhensible. Pour un responsable. Il y avait un Chef d’Etat qui venait en visite officielle, et à cette occasion, on amène des chameliers de l’intérieur du pays. Ces chameliers, pendant leur séjour ici, on se permettait de leur donner un ravitaillement sur le fonds d’urgence. D’abord parce que c’est des paysans A double titre. Ils venaient pour une raison de service, et ils sont dans le besoin. Quand, je lui ai répercuté la décision, il a eu une attitude que je n’ai pas comprise. Il dit d’abord qu’il a pris des engagements avec les bailleurs de fonds, que le ravitaillement n’est pas donné à n’importe qui dans n’importe quelle condition. Je lui dis… C’est tellement courant et habituel, je ne vois pas vraiment quel problème tu vas amener. Je le relance. Il me dit : il faut me donner un ordre écrit. Je vais voir le Président, je lui en parle, il me dit : moi non plus, je ne comprends pas. S’il veut un ordre écrit, on le lui envoie et qu’il s’exécute. Et dès le soir, en définitive… il y a des petits détails, là… il dit, qu’il s’excuse, que les engagements qu’il a pris ne lui permettent pas de s’exécuter. On ne lui demande pas de voler, on ne lui demande pas de gaspiller, on lui demande de ravitailler des gens.’’ Abdallahi quittera le gouvernement à la suite de cet incident.
La famille d’Abdallahi Ould Daddah, documents à l’appui, nous a apporté sa version des faits. Dans une lettre, datée du 21 février 1977 (dont Le Calame détient copie), en provenance du ministère d’Etat à la promotion rurale, et adressée au ministre du développement Rural, Baro Abdoulaye écrit : ‘’Dans la cadre de la visite officielle que doit effectuer dans notre pays le président roumain, dans les jours qui suivent, et eu égard aux excellentes relations qui existent entre notre pays et la Roumanie, de nombreuses personnalités mauritaniennes sont venues à Nouakchott pour accueillir dignement notre illustre hôte. Afin de venir en aide à ces populations, venues de différentes régions, je vous demande de mettre à leur disposition 100 (cent) tonnes de blé. Il vous appartient de trouver la formule adéquate qui sauvegarde au mieux nos engagements vis-à-vis des donateurs extérieurs’’.
Dans sa réponse, datée du 22 février 1977, Abdallahi Ould Daddah rappelle à son ministre ce qui a déjà ‘’fait l’objet de plusieurs discussions entre nous’’. Pour lui, 1/‘’le responsable national du plan d'urgence ne procède pas à des distributions directes de vivres auprès des nationaux. Son rôle dans ce domaine se limite à mettre des quantités de denrées alimentaires à la disposition soit à des gouverneurs de régions, soit à la disposition de collectivités organisées jugées nécessiteuses, et ceci dans le but précis de pouvoir procéder à un minimum de contrôle de l'utilisation desdits vivres;
2°Les quantités de vivres disponibles étant très limitées eu égard aux besoins de vos populations, il est difficile d'admettre que l'équivalent de la moitié de vivres reçues trimestriellement par une région moyenne du pays soit attribuée, dans le cadre d'activités que les fournisseurs d'aide alimentaire ne sauraient considérer comme intéressant de près ou de loin le plan d'urgence, dans le but déclaré de fournir une nourriture à des chameaux.
3°Le dernier paragraphe de la lettre citée en référence me chargeant de ‘’trouver une formule adéquate qui sauve au mieux nos engagements vis à vis des détonateurs extérieurs’’; cette formule me paraît consister à n'attribuer ces vivres que pour:
a) venir en aide à des populations qui, soit du fait de la sécheresse, soit du fait de toute autre calamité souffrent d'une insuffisance alimentaire.
b) contribuer à la réalisation de projets économiques destinés à donner du travail et à améliorer le niveau de vie des populations rurales.
c) à la lumière de ce qui précède le contenu de votre précédé le contenu de votre correspondance n°0143 du 21.2.77, ne peut pas être mis en application par le Responsable National du plan d'urgence. Peut-être que des autorités régionales (District par exemple) disposant dans leurs magasins de stocks impropres à la consommation humaine peuvent aller dans le sens que vous indiquez.
Il me paraît enfin digne d'être souligné que les décisions de gestion et d'administration, en particulier en ce qui concerne le plan d'urgence et surtout lorsqu’elles visent des cas particuliers ou lorsqu'elles ont leur origine dans des pressions et des interventions d'origine et de nature diverses, doivent être laissés à l'appréciation des autorités directement concernées ou tout au moins prises en étroite collaboration avec elles.’’