Communiqué par M. Pierre Lapaque, Représentant régional de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) pour l'Afrique de l'Ouest et centrale
9 Décembre 2015
Parlements en Afrique de l’Ouest et Centrale, investissez dans la lutte contre la corruption!
Chaque année, l'Afrique de l’Ouest et Centrale perd des milliards de dollars en recettes de l’Etat en raison de la corruption galopante. Au lieu de financer des écoles, des cliniques de santé, de l’infrastructure, de l'emploi pour les jeunes, les ressources naturelles sont trop souvent détournées à travers des entreprises avec des bénéficiaires non divulgués et vers des comptes bancaires dans de lointaines destinations.
Au cours des dernières années, la plupart des pays d'Afrique de l’Ouest et Centrale ont mis en place des autorités de lutte contre la corruption pour prévenir et combattre la corruption. Malheureusement, un bon nombre de ces institutions n’ont jamais bien fonctionné. Beaucoup n’ont jamais obtenu une seule condamnation devant les tribunaux pour corruption. Par conséquent, la déception du peuple a souvent suivi les attentes élevées.
Alors que nous célébrons le 12e anniversaire de la Convention des Nations Unies contre la corruption (la Convention), ratifiée par tous les pays d’Afrique de l'Ouest et la plupart des pays d'Afrique Centrale, je voudrais inciter les parlements de la région à réinvestir pleinement dans leur infrastructure de lutte contre la corruption. Des lois fortes contre la corruption, conformément à la Convention, doivent être adoptées et les autorités de lutte contre la corruption ont besoin de plus de financement et de réels pouvoirs d'enquête.
Aujourd'hui, les parlements d’Afrique de l’Ouest investissent en moyenne 150 FCFA ou 25 cents d’un dollar américain par citoyen dans leurs principales autorités de lutte contre la corruption, tandis qu'ils perdent en moyenne plus de 30.000 FCFA ou 50 dollars américains par citoyen par an à cause des flux financiers illicites. La tendance actuelle du manque de financement de la lutte contre la corruption et d’une fuite élevée de capitaux doit être inversée. Si les parlements de la région quadruplaient leurs investissements dans leurs autorités de lutte contre la corruption, le retour sur leur investissement serait potentiellement énorme. Au Burkina Faso, le parlement a inscrit un budget minimal pour l'autorité de lutte contre la corruption dans la loi (0,01% du budget national). D'autres pays de la région pourraient suivre cet exemple.
Par ailleurs, les pouvoirs d'enquête et de poursuite des autorités de lutte contre la corruption sont trop souvent absents. La plupart des autorités de lutte contre la corruption en Afrique de l'Ouest et Centrale ont un mandat d'enquêter sur la corruption, mais ils ne disposent pas des pouvoirs d'enquête pour exercer ce mandat (pouvoirs d’arrestation, de geler des comptes bancaires, de saisir des biens, de procéder à des perquisitions, etc.). Si les parlements de la région pouvaient doter leurs autorités de lutte contre la corruption de pouvoirs de police judiciaire, alors ces autorités auraient plus de chances de réussir leurs enquêtes.
Le combat contre la corruption constitue souvent une épine dans le pied pour les dirigeants politiques, mais ce combat est nécessaire pour l'avenir des jeunes d’Afrique de l'Ouest et Centrale. La région souffre de la pauvreté, de l'extrémisme violent, du terrorisme, du trafic de drogue et de la criminalité organisée. Sauf si les parlements intensifient leurs efforts pour combattre la corruption, un cercle vicieux de corruption, de violence et de pauvreté continuera à se débobiner. Pour inverser cette tendance, je vous incite à conformer la législation nationale avec la Convention et à investir davantage dans votre infrastructure de lutte contre la corruption. Seulement à ce moment-là un cercle vertueux et un avenir meilleur de paix, de développement et de prospérité pour tout le monde dans la région est possible.