La présidentielle du 21 juin a remis sur le tapis la question de la cohabitation entre les différentes composantes ethniques (maures, harratine, négro-africains) en Mauritanie. Un cheval de bataille enfourché par le Mouvement des FLAM revenu au bercail, en septembre dernier, après un exil forcé de près de 27 ans, pour combattre désormais à l’intérieur du pays, auprès des autres forces politiques. Les candidats Ibrahima Moctar Sarr de l’AJD/MR et Biram Dah Ould Abeid, président d’IRA-Mauritanie et candidat indépendant ont fortement mis l’accent sur cette épineuse question que d’aucuns continuent à nier dans ce pays. La politique de l’autruche. Ce thème abordé par les deux candidats, issus des couches considérées comme presque les seules à souffrir de la marginalisation par le Système politique en place, depuis l’indépendance de la Mauritanie, ce 28 novembre 1960 est au cœur du programme politique porté par les Forces africaines de libération en Mauritanie (FLAM), mouvement d’obédience négro- africaine. Si Sarr a mis l’accent sur la marginalisation des négro-mauritaniens, à travers tous les secteurs politique, économique et culturel, Biram y a ajouté la question de l’esclavage dont sont victimes les Harratines. Si certains ont fustigé ces candidats pour avoir dénoncé ce qu’ils qualifient de « mal mauritanien», pour d’autres, les deux candidats ont usé des mots justes pour fustiger les maux dont souffre la majorité de la population du pays. La présidentielle leur a servi donc de tribune pour passer leur message à certains mauritaniens qui ignoreraient jusqu’aux années de braise qu’a connues la communauté négro mauritanienne des années 87 – 90. Un pan douloureux de l’histoire de leur pays. Tous les deux se sont engagés à changer ou disons à « corriger cette tendance », mais, à l’arrivée, ils n’ont pas été élus. Ils ne se faisaient pas d’illusion. Seuls les gens de couleurs ont voté pour eux ; ils ne se faisaient pas d’illusion parce que tout simplement, les tenants du Système ont réussi, avec la complicité de certains « nègres de services » Harratine et Négro-africains à les «diaboliser », à en faire des «égorgeurs de maures blancs », d’« extrémistes ». La tache laissée par les évènements des années 87, de 89 et 90 demeure encore indélébile.
Facteurs d’exclusion
Les forces de libération africaine de Mauritanie n’ont pas profité, comme les candidats ci-dessus cités de la tribune de la présidentielle et des législatives pour faire passer leur message. Mais, ayant opté pour le boycott, pour des raisons différentes de celles du Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU), ce mouvement se réjouit d’avoir influé, d’une certaine façon, sur ces scrutins. L’engagement avait été pris par le vice-président des FLAM, Ibrahima Mifo Sow, venu comme éclaireur prospecter et préparer le terrain pour le retour de la délégation présidentielle, en septembre dernier 2013.
La problématique de la cohabitation voire de l’autonomie a été largement développée dans le premier discours à la nation prononcé par le président des FLAM, M. Samba Thiam, lors du 31e anniversaire du mouvement, célébré, le 22 mars dernier. Des questions qui tiennent à cœur le mouvement négro mauritanien.
Dans ce discours, M. Samba Thiam, avait évoqué l’ensemble de ce qu’il qualifie de « facteurs d’exclusion à tous les niveaux» venus se rajouter à celles de l’école, du tissu économique, de l’armée et des forces de sécurité, des hautes charges de l’état etc.
Si Samba Thiam salue le combat de Mohamed Ould Abdel Aziz pour moderniser le pays, il déplore que celui-ci le fasse sans les noirs du pays. « Il se crée de nouvelles écoles de qualité, fermées à nos enfants : l’école de médecine, le Prytanée Militaire, l’Ecole Polytechnique, l’Ecole des Mines», explique Samba Thiam. A ces écoles s’ajoutent l’école de la magistrature et celles des officiers, des écoles où sont absents les enfants négro-mauritaniens et harratines, regrette le président des FLAM. Autre facteur d’exclusion pointé du doigt par les FLAM: l’enrôlement exécuté par des commissions essentiellement mono-ethniques chargée de recenser une population pluriethnique. Une politique fondée sur l’exclusion qui a fini d’exacerber les tensions et de frustrations. « Face à son premier ministre et ses ministres, face à ses magistrats, ses hakems et ses maires, nous nous entendons, de plus en plus répondre : si vous ne parlez pas arabe, tant pis pour vous. Disparaissez», s’offusque Samba Thiam. Des agissements qui n’offusquent même pas la « gauche », regrette le président des FLAM. Y-t-il plus grand mépris pour notre identité, nous les non arabes, s’est interrogé le dirigeant des forces de libération africaine de Mauritanie
A en croire le président Samba Thiam, les FLAM sont revenues plus que déterminés à œuvrer, par le dialogue et le consensus, pour le règlement pacifique de la pendante question de la cohabitation en Mauritanie, en somme la question de l’«Unité Nationale » que d’aucuns appellent la cohésion sociale : «nous continuons à croire à une Mauritanie de tolérance, de justice et de respect de l’autre », affirme le président des FLAM. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui, reconnaissent les organisateurs du Forum pour la démocratie et l’Unité, tenu, le 28 février, le 1er et 2 mars courant, au Palais des Congrès. Le mouvement négro-africain affirme, ce qui et d’ailleurs reconnu par nombre d’organisations de défense de droits humains, notamment le rapporteur spécial des nations unis sur les formes contemporaine de l’esclavage, de racisme et de discrimination dans son rapport 2013, qu’en Mauritanie, les Noirs font l’objet d’une «marginalisation » par le système en place. Une discrimination qui a atteint, on se le rappelle son paroxysme sous l’ère d’Ould Taya, avec les déportations et les exécutions des militaires négro africains, entre 1989 et 1991, la persistance de l’esclavage et ses séquelles dont est victime la composante Harratine.
Les FLAM dénoncent également l’impunité érigée en règle dans ce pays, depuis 1993, suite à l’adoption par l’Assemblée nationale d’une loi d’amnistie protégeant les bourreaux des militaires négro-mauritaniens en novembre 90. Plus près de nous, la répression dont ont été victimes les rapatriés mauritaniens du Sénégal, lors d’une marche qu’ils ont organisée, le 25 mars dernier. Une entrée à Nouakchott réprimée par les forces de l’ordre au niveau du carrefour Madrid. Et récemment, le député de l’AJD/MR, M. Thiam Ousmane a interpelé le ministre de l’intérieur pour lui demander la mise en place d’une commission d’enquête sur ce qui s’est passé ce jour-là. Le premier policier de Mauritanie a répondu, en substance que cet « incident» est derrière nous, qu’il ne fallait pas diviser les mauritaniens, à travers cette question, que les mauritaniens n’acceptent pas d’être divisés. Une manière on ne peut plus clair de consacrer l’impunité et de botter en touche. Des faits et des actes que les FLAM entendent combattre jusqu’au bout. Et c’est ce qui lui vaut très certainement les foudres du Système et ses extrémistes parce qu’estime Samba Thiam, « les tenants du Système ont compris que nous les avons compris!» Dès lors, s’interroge Samba Thiam, que faire pour arrêter cette descente aux enfers ? Dire que ça suffit, refuser de plier l’échine, prendre son destin en main parce que "l'histoire n’admet pas de nation captive."
Il y a quelques semaines, un ancien fonctionnaire devenu conservateur de bibliothèque, Ahmed Mahmoud ould Mohamed, dit Gmal, publiait sur Facebook un post au titre évocateur : « La mémoire en décharge : quand les archives nationales finissent dans les ruelles de Nouakchott ».