J'ai lu attentivement les sorties récentes du colonel Oumar ould Beibacar. Je veux attirer l'attention des ayant droits des victimes et des militants sincères sur le manque d'honnêteté et de cohérence, de celui qui a attendu sa retraite pour vouloir réécrire son histoire.
Depuis plus de 25 ans, à chaque 28 novembre nous avons crié sur toutes les places du monde notre tristesse, notre deuil. De New-York à Nouakchott, en passant par Paris, Bruxelles, Montréal, Dakar, Bamako, Strasbourg, Cincinnati et j'en passe. Wolofs, Soninkés, Haalpular, n'ont pas manqué un seul instant de se souvenir du génocide que nous avons vécu en Mauritanie du 6 décembre 1987 à novembre 1990. Nous n'avons pas attendu les amalgames et contre-vérités du geôlier en chef de Oualata, pour se souvenir de nos martyrs.
Les morts de la guerre du Sahara étaient des soldats valeureux qui s'incorporaient dans l'armée sans carte d'identité, sans certificat de nationalité, sans recensement, venus répondre à l'appel du devoir de défendre leur pays engagé dans une guerre que je crois injuste. Nos martyrs assassinés froidement à Inal, Oualata, Azlat, Nbeyka, Jreida et autres bases militaires, dans les rues de Nouakchott et dans la vallée du fleuve Sénégal, ont été assassinés par leurs propres frères d'armes parce qu’ils étaient haalpulars, wolofs ou Soninkés.
Vouloir ensevelir les martyrs de Walata ou d'Inal avec les morts de la guerre du Sahara, comparer le courage de Ba Seydi à la lâcheté de Saddam Hussein qui a gazé sa propre population c'est ignoble. Oumar ould Beibacar n'a pas encore compris le sens de notre combat. Il peut chercher à émouvoir certains, semer le doute chez d'autres mais il ne pourra jamais nous faire oublier qu'il a été l'un des principaux responsables des assassinats de nos martyrs à Oualata.
Je ne m'attarderai pas ici sur la signification du 28 novembre qui reste le symbole du racisme, de la barbarie et de la négation du noir africain mauritanien depuis cette nuit sinistre de 1990.
Concernant la tentative avortée de coup d'état du 22 octobre 1987, relatée par Oumar ould Beibacar, deux informations ont particulièrement attiré mon attention: celle relative au peloton d’exécution et l'entretien en tête à tête entre les colonels Mawouya ould Sidi Ahmed Taya, Anne Amadou Babaly, et Djibril ould Abdallahi.
Concernant le peloton d'exécution, je pense qu’Oumar Ould Beibacar pouvait être lui-même le tireur assassin qui fit feu sur Ba Seydi ou SARR Amadou ou SY Saidou. Ou était-il simplement présent à la mise à mort de nos premiers martyrs? L'un ou l'autre cas pouvant expliquer ses remords bien tardifs.
«Tu m’as blessé, lève le tir, vise très bien», ces paroles que l'ex geôlier et agent du système génocidaire attribue au lieutenant BA Seydi, tous nos trois martyrs avaient le courage de les prononcer devant un peloton d'exécution. J'ai côtoyé les trois martyrs dans des circonstances particulières, ils transpiraient de courage et de dignité. Ils avaient comme la plupart des accusés un engagement sincère pour la justice et l'égalité entre toutes les composantes de la Mauritanie.
A propos de la réunion entre les colonels Anne Amadou Babaly, Mawouya ould Sidi Ahmed Taya, et Djibril ould Abdallahi, seul le beau frère de Cimper et agent de premier plan du système raciste pouvait avoir accès aux propos tenus par ces trois officiers supérieurs dans un bureau. Qui peut croire un seul instant que le colonel Anne ou même le criminel Taya puisse divulguer les paroles que nous a rapportées Oumar Ould Beibacar dans un de ses écrits.
Quant à la motivation des «instigateurs du coup d'état du 22 octobre 1987», Oumar ould Beibacar ridiculise et méprise nos braves officiers en disant qu'«ils avaient agi par orgueil, plus pour défendre leur dignité que pour autre chose». Sur cette affirmation gratuite et savamment distillée, ceux qui prétendent avoir été les amis de nos martyrs devraient réagir devant la malhonnêteté et le mensonge. Le silence est une preuve de lâcheté.
Concernant la conception de cette tentative de coup d'état, en dehors de ce que j'ai dit plus haut, l'ex geôlier de Oualata ne nous donne rien d'autre que la version fausse, tronquée, manipulée à bon escient par les services de renseignement de Taya dont il fut un membre actif et important.
Je ne vais pas épiloguer encore sur ce qu'a été le bagne de Oualata que le colonel Oumar Ould Beibacar qualifie de "promenade de santé" sans que personne ne s'en offusque. Bizarre, sur la toile, ce sont des rescapés qui relayent ces propos inhumains pour un "humaniste". Mais, je voudrais surtout profiter de ma réaction d'aujourd'hui pour répondre à certaines interpellations que j'ai lues sur cridem ou avomm.com il y'a quelques semaines.
Je ne retire rien de ce que je disais du lieutenant Oumar ould Beibacar qui, en mission commandée, a dans sa conscience la mort dans des conditions atroces de 3 de nos martyrs à Oualata. D’ailleurs les familles de Téne Youssouf Guéye, de Djigo Tafsirou, de Ba Abdoul Ghoudous, mort enchaîné sous le commandement de Oumar Ould Beibacar, devraient lui demander des comptes au même titre, qu’elles devraient exiger des comptes aux criminels Taya, Cimper, Ghaly, Dahi, Ould Boubaly, Moustapha, Abdallahi ou à l'infirmier de garnison Cheikh qui est allé jusqu'à faire boire à certains détenus des comprimés de permanganate (un désinfectant) en disant que c'était de la vitamine qui allait booster nos corps fatigués, épuisés et rabougris par les travaux forcés, la malnutrition et les maladies d'un autre âge.
Quelqu'un a dit dans un commentaire que j'étais raciste. Un autre semblait vouloir me signifier, comme si je l'ignorais, que des patriotes qui partageaient nos souffrances il y a en eu quelques uns entre 1987 et 1991. Un autre encore m'a accusé de rouler pour le président Aziz. D'autres anonymes appréciaient positivement ma réaction, la comprenaient ou la partageaient.... Aucune de ces réactions ne m'a laissé indifférent, je les ai toutes lues. Mêmes celles rendant hommage à Oumar Ould Beibacar, Taya, Cimper, ce n'est pas surprenant, ils sont tous dans le même camp, et ce n'est pas une question d’ethnie. Je ne m'en prendrais pas à ces innocents qui, de bonne foi, se sont laissés obnubiler par les mots d'un ex geôlier qui cherche et réussit parfois à les émouvoir. Je retiens cependant la naïveté enfantine de certains de mes compagnons d'infortune.
Je ne suis pas dans le camp des criminels tel qu’Oumar ould Beibacar pour mériter certains commentaires. Les bourreaux étaient, ceux qui avaient assassiné les martyrs de Oualata, pendu les 28 martyrs le 28 novembre 1990 à Inal pour fêter l'anniversaire de l'indépendance de la Mauritanie et broyé des non arabophones dans les rues de Nouakchott. Ils sont bien connus et ils sont les mêmes.
Je suis une victime du racisme d'état du système génocidaire que notre peuple noir africain mauritanien subit encore aujourd’hui. N'intervertissons pas les rôles et pas d'amalgame. En 1987, il paraît que l'imam Boudha Ould Boussari s'était prononcé contre le régime du sanguinaire Taya en dénonçant l'assassinat des officiers SARR Amadou, BA Seydi et SY Saidou. Il a été alors l'une des très rares personnalités d'envergure nationale à l'avoir fait à l'époque. Il avait fait honneur à sa stature d'homme de grand Imam. Dommage qu'il n'avait pas eu à l'instar de mon ami et conseiller pour les Droits de l'Homme à l'AVOMM, feu Mohamed Dogui, le soutien de ses parents dans son combat pour la justice et l'égalité.
Je parlais de l'implication du lieutenant Oumar ould Beibacar, le régisseur en chef du bagne de Oualata dans l'assassinat de nos martyrs, quand d'autres, je ne sais par quelle gymnastique intellectuelle, essayaient de me présenter comme un agent du président Aziz. Je veux dire ici que je ne suis pas le soutien du continuateur du système raciste de Taya et je ne l'ai jamais été.
Je ne suis pas l'agent de Aziz, l'inventeur du « génocide biométrique", l’élève qui aura, tout en finesse dans l'exclusion des noirs, dépassé son maître. Et pourtant, je me répète, il m'avait paru sincère lors de nos audiences et juste dans son diagnostic de la situation dramatique dans laquelle, Mawouya et ses collaborateurs avaient plongé le pays et les noirs africains mauritaniens.
Je ne peux pas être le soutien du président Aziz qui n'a pas honoré les engagements qu'il avait pris devant les veuves, les associations de victimes et nous mêmes. Je ne suis pas le soutien d’Aziz qui continue de nier, dans les faits, les droits de milliers d'ex-déportés mauritaniens rapatriés du Sénégal dont il refuse jusqu'aux papiers d'état civil. Enfin je ne peux pas me résigner au refus du président Mohamed ould Abdel Aziz de répondre favorablement à la demande du procureur fédérale de Belgique d'envoyer une mission rogatoire en Mauritanie, pour les besoins de la plainte de l'AVOMM déposée depuis 2002 au parquet de Bruxelles.
Nous devons refuser d'être manipulé. Oumar ould Beibacar figure dans notre longue liste des assassins et tortionnaires, au moins témoignera t-il devant la justice ? Et c'est là qu'il devrait livrer « ses infos macabres». Il a poussé son cynisme jusqu'à aller s'agenouiller sur les tombes de ceux qu'il a assassinés.
Le lieutenant Oumar ould Beibacar a certainement un calendrier politique bien établi qu'il ne tardera pas à nous dévoiler, car il est désormais de coutume que les officiers mauritaniens tortionnaires à la retraite se recyclent dans des partis à la quête d'une nouvelle carrière politique.
Le génocide des noirs africains mauritaniens est récent, cependant il reste à élucider et à écrire. Certains de nos camarades ne mesurent peut-être pas l'ampleur et la gravité des forfaits commis par Taya et son système raciste au nom du panarabisme en Mauritanie. Ceci pouvant expliquer, peut être, cela.
Ousmane Abdoul Sarr
Rescapé de Oualata