Voici un mois que les rideaux sont tombés, sur le scrutin présidentiel du 21 juin 2014. Comme attendu, le candidat Mohamed Ould Abdel Aziz a été réélu, sans coup férir, dès le premier tour, avec plus de quatre-vingt pour cent des voix (81,89 % exactement) comme l’a déclaré, officiellement, le Conseil constitutionnel. Laissant les miettes à ses quatre challengers : Birame Ould Dah Ould Abeïd, Ibrahima Moktar Sarr, Boydiel Ould Houmeid et Lalla Meriem Mint Moulaye Idriss, dans l’ordre des résultats. La surprise est, peut-être, que les deux anciens (Sarr et Boydiel) ont été copieusement devancés par le jeune militant des droits de l’homme qui vient à peine de se lancer en politique, en tant que candidat indépendant, puisque le ministère de l’Intérieur et de la décentralisation continue à refuser de reconnaître le parti RAG qui devait, en principe, parrainer sa candidature.
Selon les résultats provisoires, le candidat d’El Wiam venait en troisième position. Mais à la déclaration des résultats officiels, il s’est retrouvé rétrogradé derrière le candidat de l’Alliance pour la Justice et la Démocratie/Mouvement de la Rénovation (AJD/MR). Beaucoup d’eau a donc coulé, entre les élections municipales et législatives de décembre 2013, au cours desquelles El Wiam obtenait dix sièges de députés et plusieurs centaines de conseillers municipaux, et la présidentielle du 21 juin 2014 où son 4% et des poussières témoigne d’une évidente et étrange « fatigue ». Que s’est-il passé ? Plusieurs explications peuvent être avancées.
Un parti en lambeaux
En un, c’est un secret de Polichinelle que le principe de la participation d’El Wiam à la présidentielle de juin 2014 ne faisait pas l’unanimité, au sein même du parti. La défection, à quelques semaines de l’élection, de Mohamed Yehdih ould Moktar Hacen, premier vice-président de la formation, et de Baba Ould Sidi, ancien ministre et figure emblématique du Trarza, révélait déjà des « incompréhensions », au sein de la direction. Pour décider de la participation à l’élection, il a fallu recourir à l’arbitrage du bureau exécutif. Une réunion houleuse où les participationnistes, emmenés par Boydiel ould Houmeid et Louleïd Ould Weddad, l’ont emporté, de justesse, sur les boycottistes réunis autour de Baba Ould Sidi et Mohamed Mahmoud Ould El Gowth, député de Kiffa. Ces deux hommes d’envergure certaine se sont, alors, résolus à sortir du jeu, en choisissant d’aller, l’un en Iguidi, l’autre sur les hauteurs de l’Assaba, vaquer à des occupations personnelles très peu politiques. La défection du très populaire Mohamedou Ould Cheikh Hamahoullah dont le soutien avait permis, à El Wiam, d’obtenir trois des deux sièges de la moughataa de Kobeni, a, certainement elle aussi, eu « son mot à dire », dans la déroute d’El Wiam.
De deux, la campagne électorale du parti n’a pas été des plus organisées. Guère utilisés à bon escient, les centaines de millions voire les deux ou trois milliards qui y ont été injectés n’ont pas servi à grand-chose. Au point que certains « naïfs » du parti sont allés jusqu’à dire qu’El Wiam n’avait pas sorti le nerf de la guerre. En réalité, l’argent a bien été sorti, mais il n’a pas été utilisé pour faire bonne campagne. Les centaines de coordinateurs régionaux et directeurs de campagne, choisis, suivant les voies les plus opaques, sur la base des classiques copinage, népotisme, régionalisme et clientélisme, ne se sont sentis investis d’aucune responsabilité. Ils ont, tout simplement, usé et abusé des montants qu’ils ont déchargés et utilisés pour tout, sauf pour faire la campagne du candidat de leur parti.
De trois, le discours du candidat Boydiel était un peu en avance sur son temps. Beaucoup de Mauritaniens, notamment les Harratines, ne l’ont pas compris. Et, la manipulation aidant, de grandes franges populaires de cette communauté, qui respectaient l’homme et l’admiraient, ne l’ont plus reconnu. Des dizaines de milliers de voix potentielles qui lui étaient favorables sont, ainsi, allées à vau-l’eau. Ceux qui voyaient, en lui, un pacificateur, un homme compétent, un commis au parcours exemplaire, un des rares hommes qui avait le courage et la témérité d’assumer son passé de grand fonctionnaire de l’époque Taya, ceux pour qui Boydiel ould Houmeid représentait un symbole d’unité nationale, une colombe de la paix sociale, n’ont, visiblement, pas voté pour lui. Finalement, le candidat, qui a faussé compagnie à ses deux amis de la Convergence pour une Alternance Pacifique (CAP) – l’APP et Sawab – n’aura obtenu qu’une piètre avant-dernière place. Pourtant, à peine quarante-huit heures après la publication des résultats provisoires, l’homme s’est précipité à les reconnaître et à féliciter le président réélu. Une semaine plus tard, il était reçu par le Premier ministre, Moulaye Ould Mohamed Lagdaf, alimentant rumeurs, ragots et supputations. L’avenir édifiera sur tout. C’est le propre de l’existence.
Ben Abdalla