Le Calame : Au cours d’un congrès extraordinaire tenu le dimanche 6 juillet, vos amis vous ont exclu du parti. Que s’est-il passé pour en arriver à cette première en Mauritanie ?
Mohamed Ould Borbosse : Merci, monsieur, de me donner cette précieuse occasion de vous édifier sur ce qui s’est passé au niveau de mon parti El Moustaqbel, si vraiment vous n’êtes qu’à ce niveau d’informations, mais, aussi, d’éclairer vos lecteurs, car, à vous lire, tout est fini, alors qu’il n’en est rien du tout. Permettez-moi de vous suggérer d’utiliser, ne serait-ce que par moments, le conditionnel, entre autres, pour vous détacher des assertions livrées à travers votre journal. Je sens, quelques fois, que vos questions sont tellement orientées qu’elles risquent de fixer le lecteur sur des choses malheureusement erronées. Je vous dis, d’emblée, que tout, jusqu’à présent tout au moins, milite en ma faveur, avant de penser à qui me soutient ou qui est contre moi, du fait des erreurs et de la malveillance de mes « amis » et de leur recherche, maladroite et effrénée, de coups fourrés.
En effet, je dois vous rappeler que mes requêtes, auprès de la Chambre civile, ont précédé les tergiversations de ceux que vous appelez « mes amis », ne serait-ce que pour ce qui concerne la requête relative au blocage des activités de certains membres du bureau exécutif représentés par mon premier vice-président et d’autres du Conseil national, représentés par le président du Conseil national, respectivement Diop Papa Moda et Samoury Ould Bey. Pour ce qui est de ce que vous et eux appelez congrès, il n’est rien du tout que les contorsions d’un coq égorgé avant de rendre l’âme. Comment vous, vous autres, pouvez imaginer qu’on puisse convoquer un congrès d’un parti, alors qu’il n’a même pas encore été implanté ? Comment peut-on ignorer l’assemblée constitutive d’un parti, alors qu’elle reste le seul cadre légal susceptible de remplacer un congrès par défaut ? Si « mes amis » étaient sérieux et cherchaient à faire quelque chose de transparent et légal, pourquoi n’ont-ils pas accepté ma proposition de convoquer un congrès selon les règles de l’art, plutôt que de le faire à la cavalière et après avoir essayé d’instrumentaliser les textes, pour, disent-ils, me suspendre par une décision d’une soi-disant commission de discipline, six jours seulement avant de m’inviter à leur simulacre de congrès ? Ce qui veut dire que je ne suis plus suspendu ! Quelle légèreté ! Ceci n’est-il pas ridicule ? Bref, même si l’on considère que le congrès était légalement convoqué, il reste que quelle que soit la décision qui y était prise, elle est caduque et non avenue, du fait de l’ordre du président de la Chambre civile en charge de notre dossier, refusant toute activité de ceux que j’ai appelé, à raison d’ailleurs, les rebelles. Si mes amis acceptent les décisions du juge, celle leur intimant l’ordre de se disperser en est une. J’espère qu’ils ne chercheraient pas à accepter et chanter celle qui est en leur faveur et ignorer l’autre qui les desserre. En tout cas, moi, bien que surpris pour avoir été « débouté », comme vous aimez le dire, malgré la force de mes arguments, les failles et les incohérences qui ont jalonné les interventions de mes « amis », j’ai respecté la décision du juge. Pourquoi en est-on arrivé à tout cela ? Seuls mes « amis » peuvent répondre à cette question. Moi, je ne suis au courant de rien qui puisse nous amener à cela, si ce n’est la volonté aveugle de quelqu’un qui veut devenir chef, son égoïsme ardent et l’habitude des complots bas, manigancés sans scrupule par mon ami de président du Conseil national et ses thuriféraires. Heureusement pour moi, tout est souvent encensé par un manque de tact, d’absence de morale et, même, du minimum de clairvoyance, pour pouvoir servir mes « amis ». Quand on n’a pour but que d’essayer de détruire un ami de plus de trente ans, un homme qui vous a servi et qui est resté debout, avec vous et pour vous, contre vents et marées, Dieu, le Clément, le Miséricordieux, ne vous aidera pas à réussir ce forfait. Non ! C’est vous dire que rien ne s’est passé pour servir de première, si ce n’est la déchéance de certains, atteints de cécité politique et d’un manque criant de bon sens et de morale.
-A en croire le second vice-président du parti, ce sont 87% des congressistes qui ont voté votre exclusion du parti. Ne vous sentez-vous pas lâché par l’écrasante majorité de l’instance suprême du parti ?
-Vous savez, tellement mes amis m’ont fait voir de complots, de mensonges et d’incongruités que je ne crois rien de ce qu’ils disent. Ils disent 87%. De quoi ? Le vice-président auquel vous faites allusion comprend-il lui-même ce qu’il dit ? J’en doute. Non, je ne suis lâché par aucun vrai militant, réel et sérieux, du parti. Quant à la douzaine des inconditionnels de Monsieur Samoury, ils aboieront et la caravane passera. Pour le congrès dont vous faites une référence, il n’en est pas un, pour la simple et bonne raison que ses invités ne sont pas les membres compétents pour la circonstance. Renseignez-vous sur nos textes ou auprès des juristes pour avoir des idées claires là-dessus. Permettez-moi de rappeler, aussi, que ce président que vous citez était de mon côté, parce que, pour lui, on ne devrait même pas faire, de mes relations personnelles et/ou sociales, un sujet de débat. C’est aussi sur lui que je comptais car il refusait l’hégémonie du groupe. Qu’il tangue, tantôt par-ci, tantôt par-là, eh bien, c’est dommage. Il n’est pas le seul, beaucoup d’autres se sont révoltés, avant ou avec moi. Pourquoi ont-ils fait volte-face ? Si vous pouvez trouver la réponse à cette question, vous nous enlèverez une épine du pied !
-Parmi les reproches de vos amis, figurent le « flirt avec le pouvoir » et des « émoluments auprès de la BCM ». Que leur répondez-vous ?
-Si l’on devrait reprocher à chacun ses rapports avec ses amis, ses proches, ses connaissances, pourquoi, mon ami, mes amis n’ont-ils pas pensé à eux-mêmes ? Je ne voudrais point en arriver à cela car j’ai beaucoup d’estime et de considération pour ceux que je vais citer mais je me vois obligé de le faire. Demandez à Samoury pourquoi son enfant, jeune médecin sortant, n’a que des postes de choix qui l’ont amené jusqu’au camp de M’béré, tant convoité, pour profiter de la manne du HCR, alors que ses aînés traînent leur bosse, par-ci, par-là. Même les plus proches du pouvoir ne rivalisent pas avec lui, dans les avantages dont il profite, rien que parce qu’il est le fils du secrétaire général de la CLTM. Cette chasse-gardée de l’homme, qu’il gère avec l’opacité la plus farfelue, octroyant des salaires à celui-ci, des subsides à celui-là et envoyant, en stage ou en séminaire, des amis ou frères, pour servir ses petites besognes, sans aucun respect de la mission de l’organisation qu’il dirige, ni, non plus, des droits de ses militants. Pourquoi, alors que nos enfants diplômés traînent leur bosse, ses enfants à lui sont, ou à la CENI ou à l’état civil ou ailleurs, tellement occupés à bosser qu’ils ne sont jamais à quelque manifestation, soit-elle du parti, alors que les nôtres avalent grenades et poussières, pour la cause, reçoivent fouets et matraques ?
Qu’en est-il des informations relatives à ses relations avec des hommes d’affaires et des émoluments qu’il percevrait, à la place de tous ses collaborateurs, selon certains journaux et sites de la place ? Qu’est-ce qui justifie qu’il soit le seul de son organisation dans plusieurs conseils d’administration, comme s’il n’y avait que lui, dans la boîte ? Les questions sont nombreuses et nous ne pouvons les épuiser. D’où est-ce que mon ami – archiviste à Radio-Mauritanie et non journaliste, comme il aime le dire à tout vent, tant il est complexé de son poste – tient-il tous ses moyens (argent, bâtiments, marchés et quoi d’autres) qu’il utiliserait pour l’achat des consciences ?
Eh bien, moi, je ne perçois aucun émolument de la Banque centrale. Pourquoi ne pas vous renseigner auprès du premier responsable de la boîte ? Je suis cependant mauritanien et j’ai des relations avec beaucoup. Il ne m’est point interdit de profiter des services d’amis et frères, comme je fais profiter, de mes services, amis, frères et parents. Les flirts avec le pouvoir ! Qui d’entre eux peut le prouver ? Je ne suis point de ce genre. J’ai été saisi par quelqu’un qui m’a laissé entendre que des gens cherchaient à discuter avec nous. En tant que président, j’ai même refusé d’user de mon rôle et je me suis abstenu de voir qui que ce soit, avant de prendre langue avec mes amis. Quand mes amis ont dit qu’ils entendaient attendre la fin des élections et qu’ils soient relancés, je n’ai fait qu’informer l’autre partie que je ne connais, jusqu’à présent,que par téléphone. Voilà tout, monsieur. Je n’ai donc flirté avec personne et les allégations grossières et non fondées, c’est, apparemment, le propre de mes amis. S’agissant de l’appel au dialogue, je le réitère et je l’ai fait parce que les militants et cadres du parti l’ont déjà décidé et mes détracteurs d’aujourd’hui étaient ses porte-flambeaux, avant qu’ils ne reviennent sur leur décision, à dessein. Je refuse d’être ridiculisé. Aller tantôt en avant et tantôt en arrière, je leur libère la voix pour le faire, eux, pas moi.
-Après votre suspension puis votre exclusion du parti, vous avez engagé une action en justice pour bloquer les activités du parti menées sans votre aval et annuler les résolutions du congrès extraordinaire. Vous avez été débouté par la Chambre civile, avant d’interjeter appel. Où en êtes-vous avec cette bataille juridique ?
- Cette question n’en est plus une. Nonobstant les vices de forme et de procédure qui entachent ces actes – la suspension et l’exclusion – les deux cas – les requêtes – restent en justice et je suis confiant, quant à la véracité et la force de mes arguments mais, aussi, quant à la qualité de mon avocat. Il n’est encore qu’un seul car, comme moi j’ai pu leur tenir tête, il peut, lui aussi,tenir tête à leur collectif.
Encore une fois, essayez de prendre les bonnes informations. Je sais que vous pouvez être induit en erreur mais, s’il vous plaît, prenez la peine de prendre les avis des deux parties. La chambre a bien interdit les activités du 6 juillet 2014 et tout ce qui a été pris,ce jour-là, comme « décision », s’il faut l’appeler ainsi, est caduc. Le pourvoi en cassation ? Nous attendons qu’on soit convoqué. La requête sur le fond ? Elle attend les manifestations de l’autre partie, « mes amis ». Et je vous livre, enfin, ce scoop : il y aura une autre requête, elle sera relative à la diffamation et est en préparation.
Propos recueillis par Dalay Lam