Contre vents et marées, les écoles nationales ont ouvert leurs portes. C’est quoi, cette information ? Que les écoles ont ouvert leurs portes. Que les élèves, les enseignants, les encadreurs, les travailleurs manutentionnaires de tous les établissements reprennent le chemin de l’école. Théoriquement, puisque beaucoup ne savent pas que les écoles ont rouvert leurs portes. Puisque, pour le savoir, il faut écouter ou la Mauritanienne nationale ou regarder le fil des informations sur les autres TV privées, toutes aussi nationales. L’école, c’est important. Sans école, rien ne va. Avec l’école, tout n’est pas foutu. Surtout en cette année finissante de 2015, décrétée Année de l’Education… ou de l’Enseignement. Ce qui n’est pas la même chose. Eduquer et enseigner ? Dans éducation, il y a le sens de la moralité, de la bonne route, du comportement citoyen et autre. Philosophie ? Vous m’en direz des nouvelles ! Alors que dans enseigner, il y a ingurgiter, comme dans un entonnoir, peut-être du n’importe quoi. On peut tout enseigner : de faire le mur à faire l’école buissonnière, en passant par enseigner à voler, à corrompre, au double emploi, aux permis d’occuper falsifiés…C’est fastidieux que de parler d’éducation. Que de ne parler que de l’éducation. Y a pas que ça, dans ce pays! C’est totalement vrai. Mais quoi faire ? C’est le sujet. Pas question de hors sujet. Surtout que, depuis quelques semaines, le ministère de l’Education ne fait que prendre des décisions pour bien éduquer. Recul des ouvertures. Reculer pour bien sauter. Très bien sauter… vers l’inconnu. Ensuite, fermeture de certains établissements privés. Une histoire de formalités. Rien que des formalités. Pas autre chose. Le formalisme. C’est pas mal, tout ça. La forme. Puis le fond. Qui manque habituellement le plus. Il faut au moins faire semblant de bien faire. Ça peut aller. Ça ira même. Enfin, voilà que le ministère sort une décision ne permettant plus ni aux enseignants de tous les ordres, ni aux fonctionnaires des institutions scolaires, de se faire voir au travail avec un quelconque habit traditionnel : bye bye la dar’a, bye bye le caftan, bye bye le demi-saison, bye bye le tiaya, le kchatt, le hawli et autres djellaba et hantouch (pantalon comme tee-shirt). A partir de désormais, comme disait l’autre, tous les garays, directeurs, inspecteurs, directeurs, c’est du tiré à quatre épingles, avec cravate, nœud papillon et autres chaussures bien cirées et petits mouchoirs tout blanc, dans la poche du veston. Comme ça, les choses marcheraient beaucoup mieux. Les niveaux deviendraient meilleurs. Les problèmes structurels qui minent l’éducation s’estomperaient, comme par enchantement. Ce sont les dar’as flottant au vent, les tiayas et caftans rapiécés, les « chaussures de poumon » et autres incommodités vestimentaires des garayas qui ont tué le système, l’ont enfoncé, dégradé. Sage décision. Economiquement défendable. Un boubou ezbi, c’est au moins dix pantalons, autant de chemises, trois ceintures et deux paires de chaussures et quelques deux ou trois mille de reste. Avec cette garde-robe, c’est toute l’année qui passe. Quelle trouvaille ! Pédagogiquement, un enseignant, c’est un homme debout, tout droit, tout entier. C’est pas une tente, c’est pas du confus, les pieds et les mains solidement drapés dans un tissu aux contours imprécis. Et même stratégiquement, c’est bien d’avoir les mains dégagées, les pieds moulés, on ne sait jamais. Il faut être prêt au combat. Ça peut venir n’importe quand, de n’importe où. Un adage populaire nous apprend que celui qui a rempli sa bouche de farine doit savoir comment faire pour la mouiller. C’est quoi ça, le ministre de l’Education n’a jamais ôté son pantalon ni défait sa cravate. Lui, il est comme ça. Sa mesure lui va bien. Comme ses costumes. Comme les boubous-façons des garayas. Heureusement qu’ils les ont encore. Les pauvres. Heureusement qu’ils viennent encore habillés, les garayas. Heureusement qu’ils ont encore quelques haillons sur eux pour les couvrir. Vestes. Cravates. Nœuds papillons. Salut.
Il y a quelques semaines, un ancien fonctionnaire devenu conservateur de bibliothèque, Ahmed Mahmoud ould Mohamed, dit Gmal, publiait sur Facebook un post au titre évocateur : « La mémoire en décharge : quand les archives nationales finissent dans les ruelles de Nouakchott ».