L’autre soir, aux environs de vingt heures, je buvais un verre, de thé bien sûr, avec des amis, quelque part à Charm el-Cheikh. Pas en Egypte. Ici, à Nouakchott. Mais il y a tout à Nouakchott. Le monde entier. Avec ses villes et ses quartiers : Dubaï, Baghdad, Gaza, Jéricho, Las Vegas. Y a tout ici. Charm el-Cheik de Nouakchott, c’est là-bas, vers les pauvres. Du côté de Veloudja et M’sid Ennour. Une poche laissée en rade par les « spécialistes » de l’Agence du développement urbain. Des semblants de maisons, des hangars, de vastes clôtures inachevées, des amas de briques, des « tentettes » et « hangarettes » d’infortune qui trompent la désolation et la privation. Chiens errants, chats égarés, charognes décomposées ou en voie de l’être, odeurs pestilentielles, voilà l’essentiel de notre Charm el-Cheik national. Un peu comme ce qui se passe chez nous. Pompeusement. Le Stade olympique de Nouakchott. L’unique. Dans toute la Mauritanie. Vous savez quoi ? C’est tout simplement pas sérieux. L’aéroport international de Nouakchott. Plus les aérodromes de quelques villes de l’intérieur. Plus les espaces aménagés occasionnellement, pour faire atterrir un hélico et un président. Un président qui vole. C’est pas tous les jours qu’on voit ça. Il faut des ailes pour voler. Beaucoup de légèreté. Trop de manœuvres pour ne pas cracher ; pas dans la soupe ; dans le désert. Surtout pour ne pas être un œil blanc. Introuvable. Ni sur les marchés. Ni dans les boutiques de pièces détachées. Heureusement qu’il y aura bientôt « Le » vrai grand aéroport de Nouakchott et ses deux millions de passagers par an. Comme ça, les langues de l’opposition seront « coupées ». De milliers, on passe à millions. Jamais faire ni dans la dentelle ni dans la mesure. Quelques milliers à l’est de Nouakchott. Quelques millions à l’ouest. C’est une question de proximité marine ou océanique. Plus on est près de l’océan, plus les passagers affluent. Sinon, comment ? Comme cela. C’est ça. C’est tout. A prendre ou à laisser. A comprendre ou à ne pas comprendre. L’Université de Nouakchott ou les universités de Nouakchott ? Y en a plein les rues : universités islamiques, universités arabiques, universités coraniques, universités internationales, universités régionales… Les oulémas, Bilad Chinguitt, les illustres aïeux, les astres sauveteurs qui ont éclairé le monde, de Oualata à Khourou Nar, en passant par la Langue de Barbarie, Kébemer et autre Tivaouane et Touba. Chez Nou’zautres, on fait habituellement tout comme. En tout. Rien n’est plus « grand » que cela. Comme le disent les hommes d’une célèbre Nou’zautres tribu, l’étranger aurait pu passer inaperçu, si ce n’était le « trop d’affaires » des femmes et des enfants. Exactement comme les écoles, les dispensaires, les hôpitaux, les aéroports, les stades et les autres infrastructures pouvaient bien ne pas trop attirer l’attention n’eût été le « trop d’affaires » de certains qui, « mot deux mots », veulent comparer la Mauritanie au Sénégal, au Maroc, au Mali, à la France, aux Etas Unis… La Mauritanie, c’est la Mauritanie. Y a pas deux. C’est pas parce que il y a trois oppositions et plusieurs majorités qu’il faille y avoir deux Mauritanie. Impossible. Il y a qu’une Mauritanie. Il y a qu’un chef. Une seule troupe. Artistique ou militaire, c’est comme vous voulez. Il y a qu’un gouvernement. Un Panurge. Il y a ses moutons. Y a une présidence. Y a une première dame. Ce qui suppose qu’il y ait une dernière. Mais on n’est pas dans la logique. Il n’y a qu’une première dame, rassure-toi. Comme il n’y a qu’un premier homme. Rassure « lui ». Il n’y a qu’un BASEP. Juste à la porte de la Présidence. Pour garder les bureaux publics. Pas le Président, hein, que les choses soient claires ! Surtout pas de confusion. Genre cinq cents soldats mauritaniens envoyés pour combattre les Houthis au Yémen, contre quatre milliards qui ne devraient pas aller au Trésor public. Mais dans une certaine poche. Géante poche. Véritable puits sans fond, Gargantua national. Au secours !
Il y a quelques semaines, un ancien fonctionnaire devenu conservateur de bibliothèque, Ahmed Mahmoud ould Mohamed, dit Gmal, publiait sur Facebook un post au titre évocateur : « La mémoire en décharge : quand les archives nationales finissent dans les ruelles de Nouakchott ».