Il est affligeant qu’au 21e siècle et après 56 années d’indépendance l’on continue à observer, dans ce pays, obstinément et maladivement des modes désuets et ignominieux de rapports entre ses citoyens que tout devrait normalement unir face aux menaces internes de toutes natures et externes en tous temps et circonstances; Rapports tenant à une stratification injuste et injurieuse érigée depuis les pires périodes de son histoire en système de castes règlementant son organisation sociale à l’instar de beaucoup de sociétés médiévales aujourd’hui disparues elles à la faveur des grands éveils qui ont chassé les ténèbres.
Le mot caste est utilisé, dans la meilleure de ses définitions, pour désigner, avec un sens péjoratif, une classe fermée de la société qui, par cette fermeture, notamment par son mode d'accès, cherche à préserver ses privilèges et ses caractères.
Parler en Mauritanie de prétentions de caste, d'esprit de caste, de préjugés de caste ne relève pas de l’extraordinaire. Le tout tient sur son sol et dans ses structures sociales et n’étonne pas. La société mauritanienne toutes composantes ethniques confondues est structurée en castes pyramidales graduées. Celles qui se trouvent par la force des armes ou du savoir au sommet de la pyramide se partagent, depuis la lointaine période de leur formation, les deux pouvoirs exécutif et juridique. Elles ont par ce positionnement au sommet réussi assujettir et avilir les plus faibles, les répartissant en castes sans âmes ni grandeur et les vouant à les servir en maîtres, et cela à travers des occupations qui deviendraient par après des cachets et marques indélébiles, esclaves, bergers, forgerons, griots, pour certains, cordonniers, pêcheurs, tisserands, etc… pour d’autres.
Et malgré l’instauration de l’école occidentale et les valeurs de la République qu’elle a véhiculé combattant les stratifications, ne plaise à certains, les prétentions, l'esprit, et les préjugés de caste n’ont pas bougé d’un iota entretenant un climat délétère d’injustice sociale destructeur et porteur du germe de la dislocation si rien ne change.
Après les abolitionnistes et les antis esclavagistes qui ont haussé le ton et pu se faire entendre, on constate la montée en force d’autres couches longtemps stigmatisées, victimes de leurs positions au bas de la pyramide de la honteuse stratification sociale de leurs groupes ethniques. La plus en vogue est à l’heure de ces revendications d’égalité et de recouvrement de la dignité humaine, la couche ou caste des forgerons longtemps porteuse d’attributs dégradants et victimes d’une ségrégation méprisable qui lui ôte en plus de sa dignité ses droits sociaux, matériels et intellectuels. Et il ne serait pas donc étonnant de voir toutes autres castes, qui pour des raisons multiples baissent encore l’échine, sortir de leur torpeur et revendiquer justice et dignité.
Or ce n’est que lorsque la dignité humaine aura été unique dans ce pays et confortée dans son entendement que la Mauritanie entreprendrait sereinement la voie de la réconciliation. Mais c’est aussi en ce moment précis que ces richesses incommensurables cesseraient d’être la propriété privée ou la chasse gardée des nantis et des privilégiés au détriment d’un peuple tout entier et d’un pays qui ne réclame qu’en être un, indépendant, juste et prospère.
Faites un petit tour à Nouakchott : allez de la plage des pêcheurs au Port de l’Amitié ou de cette infrastructure vers le carrefour dit Bamako ; partez d’Atak El Kheir 2 en direction de l’Est ; promenez-vous en divers quartiers de la capitale… Rassurez-vous, il ne s’agit pas de villégiature !