Vous allez dire que cela tourne à l'obsessionnel compulsif chez moi mais, vraiment, j'ai un problème avec le moustique. Ma science Es moustique étant ce qu'elle est, à savoir au niveau zéro de la « mousticologie », je suis bien incapable de faire la différence entre les différents types de moustiques. Moustiques Z'à ailes, moustiques Z'à rayures, moustiques AEDES, moustiques tigres, moustiques moustiques, moustiques du Gorgol, moustiques de Zouérate, moustique militaire, moustique fonctionnaire, moustique boutiquier..; et j'en passe. N'empêche....notre problème est LE moustique mauritanicus, le notre, celui qui pourrit nos nuits, nous prenant pour des cibles de jeu de fléchettes, faisant de notre corps un vaste champ d'exercices moustico-militaires.
Nous avions le palu ; nous avons, régulièrement, la Fièvre de la Vallée du Rift, vieille compagne qui pointe son nez de temps à autre, décimant quelques troupeaux et envoyant certains de nos concitoyens ad pâtres, pour faire bonne mesure.
Si je devais faire la liste des « maladies exotiques » qui nous collent à la peau, je finirais par me pendre... paludisme, Vers de Guinée, bilharziose, schistosomiase intestinale et/ou urinaire , trachome, maladies diarrhéiques, hépatites, tuberculose, la rage, diabète, et j'en passe....Comme si cela ne suffisait pas, épisodiquement nous avons droit à du plus lourd : la fièvre de Crimée-Congo, la Fièvre de la Vallée du Rift (FVR)...
Celle-ci est la plus meurtrière et les services de santé, à défaut des Nous Z'Autres dont la mémoire est vacillante, se souviennent encore des 300 morts de 1988...
Vu que nous habitons un pays où le nombre d'animaux est plus important que le nombre d'humains et où le moustique a décidé de nous éradiquer, rien de plus normal que cette réapparition de la FVR.
Nous cumulons les handicaps non ? : pauvres, pauvres, encore pauvres, loin des plans de bataille, des plans stratégiques, des agitations des services vétérinaires..non pas que ces derniers n'aient pas prouvé leur efficacité avec la mise en place de troupeaux sentinelles dans les zones à risque et la surveillance des cas. Là, ça marche. Mais ça marche entre experts...Car si, par simple curiosité, nous demandons au péquin lambda, à savoir vous et moi, de nous parler des mesures de lutte et de défense contre la FVR, nous obtenons un grand moment de solitude.
Je me méfie toujours quand un politique ou un ministre nous dit « tout est sous contrôle ». Cela sent son bonhomme qui n'a pas pu intégrer l'armée mais qui se console en employant le langage kaki.. » tout est sous contrôle »... Mouais....Soit... S'il le dit...
« Tout est sous contrôle » sous entend que ... » tout est sous contrôle ». CQFD. On pourrait dire « tout est sur contrôle » ou « tout est à côté du contrôle » ou bien encore « tout est contrôle ».
L'important est le « sous ». Que nous ne comprenions pas ce « sous » là, peu importe...il y a beaucoup de choses que nous ne comprenons pas : le Dialogue en est un par exemple...Mais laissons ce concept admirable à la rubrique du «sous, sur, à côté, loin, dessous dessous du contrôle »...
« Tout est sous contrôle » signifie que « tout » est contrôlé et que ce « tout contrôlé » signifie qu'hormis nous dire que « tout est sous contrôle », nous allons voir ce que nous allons voir et que la guerre aux moustiques est déclarée... » sous contrôle ».
Je rappelle à l'usage des « sous contrôlés » que nous sommes que la FVR touche d'abord les animaux. Mais qu'elle est transmissible à l'homo mauritanicus par les moustiques. Encore eux.
Toujours eux.
Ces mêmes moustiques qui nous pourrissent la vie, qui profitent de nos bêtises en gestion environnementale et des impacts humains sur les paysages...
A chaque hivernage nos meilleurs ennemis s'en donnent à cœur joie. Tant d'eau et tant de terrains de jeux.
Et comme le Mauritanicus Hibernatus Broussardicus aime ses moutons et autres animaux à poil, à cornes, à pis et à bosses plus que son matelas et ne trouve rien d'autre que de vivre en « parfaite » harmonie avec son garde manger bêlant et blatérant, dans des environnements qui sont de véritables pouponnières à moustiques, nous voilà condamnés à la FVR...
Sauf qu'il ne le sait pas. Il est incapable de mettre un nom sur les symptômes de la maladie. Il psychote. Il panique. Il invective... Il compte ses abattis et invoque Dieu.
Pour se consoler, il n'a que le « tout est sous contrôle ». S'il meurt de la FVR, il pourra expliquer à Dieu, lors du Jugement Dernier, à la question «de quoi tu es mort camarade ? », qu'il est mort « sous contrôle ».
Bref... j'ai lu le communiqué du Ministère. Je m'attendais à ce que l'on nous parle de campagnes de démoustication, de distribution à plus grande échelle de moustiquaires imprégnées d'anti moustiques, de lutte contre les eaux stagnantes...
Que nenni. Nous avons appris que les cas concernés ont été rapatriés vers NKTT Plage, que la maladie a été identifiée et que tout est sous contrôle... Amine.
Nous ne pourrons échapper à ces épidémies épisodiques. Mais nous pouvons expliquer aux gens, et pas seulement aux éleveurs, en quoi consiste la FVR, comment lutter, comment se défendre, comment éviter sa propagation.
La FVR qui touchait principalement les régions du Sud, agro-pastorales, migre et des cas ont été constatés dans des régions plus nordiques, là où les troupeaux sont rares ainsi que les marigots et autres eaux stagnantes...
Un vecteur ? LE moustique.
Je reste campée sur mes positions : tant que nous ne lutterons pas contre les moustiques nous pourrons invoquer tous les « sous contrôle » du monde, rien n'y fera...
Pour cela il faut des moyens financiers...et de la transparence.
Mais bon, je suis une Nous Z'Autres. Je vais donc me contenter d'être sous contrôle...ça s'appelle le fatalisme de masse ou l'art d'éviter les sujets qui fâchent....
Salut.
Mariem mint DERWICH